L’Assemblée nationale a entamé cette semaine l’examen de la proposition de loi « visant à protéger les logements contre l’occupation illicite ». Le texte prévoit surtout de renforcer les peines de prison encourues par les squatteurs, et d’en créer pour les locataires ne quittant pas un logement soumis à expulsion. La gauche dénonce un texte de loi qui balaye le droit fondamental au logement.
Plutôt que de s’attaquer au mal logement, plutôt que de défendre propriétaires et locataires dans le cadre d’une garantie universelle des loyers, la Macronie préfère s’en prendre aux locataires les plus précaires. C’est-ce que vise le texte de loi « antisquat » défendu cette semaine par le député Renaissance Guillaume Kasbarian, qui prévoit de tripler les peines de prison et les amendes encourues par les squatteurs (jusqu’à trois ans d’emprisonnement et 45 000 euros de pénalités), et surtout d’en créer pour les locataires en difficulté, en plus de réduire la procédure judiciaire d’expulsion sans avoir recours à un juge, en la faisant passer de trois ans maximums à un an.
Criminalisation du locataire
« Ce n’est pas une loi ‘‘antisquat’’. Vous faites l’amalgame entre le squat, qui est une intrusion illégale, une violation de domicile pour laquelle tout l’arsenal juridique existe, pour en réalité durcir la législation afin d’accélérer les expulsions locatives des gens qui sont en difficultés de paiement », a réagi Stéphane Peu.
Le député communiste qualifie ainsi cette loi de « cheval de Troie » qui va permettre de multiplier les situations d’exclusion et les expulsions en « criminalisant le locataire ». Le tout alors même que nous sommes « dans une période d’inflation, une période où la pauvreté augmente, où le prix des courses alimentaires et des factures d’électricité et de gaz augmente », s’est alarmé l’élu. Ce sont ainsi ceux qui subissent la précarité qui seront sanctionnés, au nom d’une opposition entre propriétaires et locataires. « Il vaudrait mieux protéger les uns et les autres, à travers la garantie universelle des loyers qui garantit le loyer au propriétaire et qui protège le locataire de bonne foi avec des étalements de loyers », invite le député PCF.
« Vous proposez tout simplement de réinventer la prison pour dettes qui est pourtant abolie en France depuis 1867 », s’est également indignée Sabrina Sebaihi. La députée EELV, ajoute, au sujet des squatteurs, que ceux-ci « ne viennent pas de nulle part, c’est la raréfaction du logement qui crée le squat ». Tel n’est pas l’avis de Guillaume Kasbarian, qui n’entend pas légiférer sur la crise du logement mais « combattre des personnes qui sont foncièrement malhonnêtes » et « défendre les petits propriétaires ». « Je vous en supplie. Ne perdez jamais de vue que le droit fondamental au logement ne peut être mis au même niveau que la rentabilité financière d’un bailleur », a appelé le député FI Sébastien Deloglu, dont le groupe rappelle qu’en France, un million de ménages détiennent à eux seuls cinq millions de biens immobiliers. « Vous ne protégez pas les petits propriétaires dont vous parlez, mais surtout les multipropriétaires qui font une rente de l’immobilier et de l’augmentation des loyers », a accusé Stéphane Peu.
« Une fabrique à SDF »
Dans une tribune publiée lundi dans le JDD, cinq députés FI pointent du doigt le risque d’alimenter le mal-logement. « À l’heure où de nombreux locataires vont se trouver de plus en plus en difficulté de par le coût de l’inflation, la baisse des aides au logement, le prix de l’essence et de l’énergie, cette loi dessine les traits d’un potentiel désastre social », écrivent-ils, alors que la France compte déjà 300 000 de sans domicile fixe, 4,1 millions de mal logés et 12 millions de personnes en précarité énergétique… « Cette loi est une véritable fabrique à sans domiciles fixes », fustige ainsi Danielle Simonnet. Car alors même que la crise du logement ne cesse de s’aggraver, ce texte passe à côté de ce sujet brûlant et donne le feu vert aux expulsions en masse. Le tout de façon expéditive avec la réduction des procédures.
« Il est important d’envoyer un signal aux bailleurs afin de ne pas désinciter leurs investissements », a d’ailleurs assumé Guillaume Kasbarian. Une mesure contestée par les associations, considérant que cette durée de procédure actuelle est vitale. « Elle permet un temps de répit pour les personnes qui se retrouvent à la rue et qui n’ont pas d’autres solutions », déclare un membre du Collectif Pasteur, défenseurs des droits des réfugiés et SDF.
D’autant que dans la majorité des cas de squat « les collectifs investissent des lieux vides, donc il n’y a pas de préjudices humains », déclare un membre du collectif qui occupe, depuis mai 2021, un ancien restaurant abandonné à Montreuil (Seine-Saint-Denis). Dans ce squat, composé majoritairement de femmes enceintes et d’enfants en bas âge, les résidents bénéficient d’un toit, d’un suivi social et médical, et d’un accompagnement éducatif pour les enfants. Elles sont passées de 120 à environ 20 personnes, en quelques mois. « Si le squat n’avait pas été là, je pense que je n’aurais pas pu survivre, ni moi, ni ma fille », déclare Mariam, réfugiée ivoirienne qui y réside depuis mars 2022. « C’est une lutte sociale qui met en place un soutien, leur offre un toit et surtout de l’humanité », explique le Collectif Pasteur.
LR et RN unis derrière la Macronie
Si cette proposition de loi n’a pas encore été votée, elle est soutenue par la droite et l’extrême droite. « Depuis plusieurs années le droit de propriété est remis en cause et les propriétaires sont bien souvent démunis devant des squats qui sont purement et simplement des vols », déclare Géraldine Grangier, députée RN. Une mesure partagée par la droite. « Avec le rapporteur, nous avons pu nous mettre d’accord sur un point à mes yeux essentiel, à savoir la qualification du squat. Le squat s’apparente au vol », a annoncé Annie Genevard, députée LR, précisant qu’il était nécessaire de distinguer le quantum de peines entre un squatteur et un locataire mauvais payeur. Côté exécutif, le gouvernement s’est montré favorable à cette proposition de loi, notamment concernant la mesure d’augmentation des peines, y compris pour les locataires. « Je suis tout à fait favorable à l’alignement dans l’échelle des peines », a déclaré Éric Dupond-Moretti, ministre de la Justice. Il a tout de fois appelé à retirer l’amendement de LR assimilant le squat à un vol « pour ne pas créer une présomption de culpabilité qui présenterait un risque constitutionnel extrêmement important ».
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