Hausse des prix des matières premières, factures d’électricité qui explosent… Les artisans du pain tirent la sonnette d’alarme. Leur profession est aujourd’hui en danger.
Christophe Passedat, boulanger Chez Lucien à Saint-Nauphary depuis 2015, a pris la tête du Syndicat départemental de la profession fin octobre. Depuis deux mois, il a laissé de côté ses fournils pour se consacrer à l’avenir incertain des boulangeries artisanales. Cinq ont fermé ces derniers mois en Tarn-et-Garonne. Le coup de grâce : la hausse des factures d’électricité. « Une partie a reçu son nouvel échéancier et a déjà basculé mais la majorité va se faire assommer au 1er janvier », lâche Christophe Passedat.
Devant lui sur son bureau, les copies des courriers s’étalent. « Ce boulanger de Verdun-sur-Garonne a repris le commerce familial. L’année dernière à cette époque, son père payait 662 € d’électricité par mois, lui est actuellement à 1 009 €. À Valence d’Agen, celui-ci a vu le prix de son mégawatt-heure bondir de 139 € à 585 € en novembre. À Saint-Porquier, cet artisan qui fait aussi épicerie, bar-tabac et presse dans le petit village, va voir sa facture passer de 1 300 € à 4 228 €. Des exemples comme ceux-là, j’en ai plein », détaille-t-il.
Le Tarn-et-Garonne compte aujourd’hui quelque 145 boulangeries artisanales. Ces commerces sont particulièrement touchés par la hausse des prix de l’énergie, comme l’explique très simplement le président du Syndicat : « Chez nous, tout est réalisé de A à Z. Pour cela, nous avons de gros besoins en énergie pour faire fonctionner les fours mais aussi les chambres de pousse. Ici, le mien consomme 56 kVA. Un petit compteur classique de 36 kVA ne suffirait même pas à l’allumer. Tous les artisans boulangers du département sont entre 60 et 90 kVA. »
Des aides insuffisantes
Si le professionnel se réfère au compteur de 36 kVA, c’est parce qu’il s’agit de la limite jusqu’alors fixée par le tarif bleu, permettant de bénéficier d’un bouclier qui plafonne à 15 % les hausses de prix. « Ça, c’est possible pour les boulangeries industrielles qui font uniquement réchauffer leurs produits congelés. »
La prolongation du guichet unique par l’État ainsi que la mise en place d’un amortisseur au 1er janvier (pendant un an, prise en charge d’environ 20 % de la facture totale d’électricité) devraient soulager les boulangers artisans. Mais ces aides seront insuffisantes. « Cela va limiter la hausse c’est certain, concède Christophe Passedat. Mais pour ce qui est du guichet unique par exemple, tous ne pourront y prétendre. Ceux qui ont subi les hausses dès octobre-novembre doivent par ailleurs attendre le 16 janvier pour déposer leur dossier avant un remboursement sous quinze jours. En attendant, il faut trouver la trésorerie. Nous n’avons aucune visibilité. »
Le problème est bien là : où aller chercher de quoi payer les factures ? Pour le boulanger de Saint-Nauphary, les calculs sont vite faits : « Je paye 5 000 € d’électricité par mois. Demain, je me retrouve avec 12 500 €, en comptant l’amortisseur. J’ai donc 7 500 € de marge à trouver tous les mois. Sur une baguette, je me fais 0,12 €. Pour compenser à ce prix-là, je devrais donc en vendre 62 500 par mois ! »
Le prix de la baguette en question
Pour s’en sortir, les solutions sont minces. Certains font le choix des économies de personnel, comme à Molières, où l’artisan s’est séparé de sa vendeuse et assure seul la fabrication et la vente. D’autres se sont tournés du côté de la sobriété énergétique, comme à l’Écureuil gourmand. Cette boulangerie de Montauban ferme désormais non plus un mais deux jours par semaine pour des questions d’organisation mais aussi de baisse des coûts. Les lundi et mardi, tous les appareils sont mis en pause. La note mensuelle a tout de même pris 300 € à 400 € de plus…
Reste le prix de la baguette. Avec la hausse des tarifs des matières premières ces derniers mois (65 % sur la levure, 100 % sur le sel, 80 % sur le sucre, 40 % sur la farine), le pain a déjà subi trois augmentations en un an. « Chez moi, la tradition est passée de 1,10 € en 2021 à 1,20 € cette année. Si l’on veut s’en sortir, on va devoir en passer par là », souffle Christophe Passedat.
Aujourd’hui, les boulangers de Tarn-et-Garonne tirent la sonnette d’alarme : très inquiets pour leur avenir, ils ne savent pas combien de temps ils pourront s’en sortir.
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