Le tribunal de commerce a désigné le repreneur de la plus grosse Scop de France, avec une énorme casse sociale à la clé.
C’est un feuilleton de plusieurs mois qui vient de connaître un dénouement tragique : le tribunal de commerce de Lyon a finalement désigné le nom du repreneur de Scopelec, plus grosse coopérative de France et sous-traitant d’Orange. Le groupe Circet, mastodonte des télécoms détenu par un fonds d’investissement britannique, ICG, va donc reprendre les rênes de l’entreprise. 1 049 emplois seulement vont être sauvés sur les 2 300 que compte Scopelec. « C’est une catastrophe, le plus gros plan social de France, peste l’avocat des salariés, Ralph Blindauer. Les administrateurs judiciaires ont fait ce qu’ils ont pu avec les fonds disponibles dans l’entreprise, mais ils n’ont pu mobiliser que 2 millions d’euros pour le PSE, une misère… »
« Il reste à savoir comment se comportera Circet lorsque la totalité de la fibre aura été posée dans le pays, dans deux ou trois ans. » Ralph Blindauer
Une offre de reprise concurrente s’était mise sur les rangs, soutenue par le mouvement coopératif, avec davantage de postes repris à la clé. Mais ce projet n’a pas fait le poids face à la force de frappe de Circet, géant des télécoms (13 000 salariés, 2,4 milliards d’euros de chiffre d’affaires), qui se prévalait d’un plan de financement plus solide. Le groupe a probablement été alléché par les marchés détenus par Scopelec, qui s’occupait de l’installation et de la maintenance de la fibre optique pour le compte d’Orange. « Il reste à savoir comment se comportera Circet lorsque la totalité de la fibre aura été posée dans le pays, dans deux ou trois ans », s’inquiète Ralph Blindauer. Que décidera le groupe s’il considère alors qu’une partie de sa main-d’œuvre est devenue inutile ?
Intenable sans casse sociale
En attendant, ce conflit social emblématique symbolise la violence de la sous-traitance dans le secteur des télécoms. Petit retour en arrière. Pendant cinquante ans, tout allait bien entre Orange et Scopelec, mais les choses ont brutalement dégénéré, à l’automne 2021 : le 16 novembre, la direction de l’opérateur décroche son téléphone pour prévenir son sous-traitant des résultats du dernier appel d’offres, qui va l’évincer de marchés importants. De nombreuses régions dans lesquelles Scopelec opérait jusqu’à présent vont passer sous la houlette de concurrents. En pratique, cela signifie qu’il va devoir s’asseoir sur la moitié de son chiffre d’affaires… Intenable sans casse sociale.
À l’époque, Orange justifie sa décision par la mauvaise qualité des prestations assurées par Scopelec. Réponse, agacée, d’un dirigeant de Scopelec contacté alors par l’Humanité : « Au cours des six dernières années, nous avons réalisé 15 millions d’interventions dans toute la France. Ce qu’Orange nous renvoie à la figure, ce sont les 70 plaintes que nous avons reçues durant toute la période ! Je ne nie pas que des problèmes puissent survenir mais, lorsqu’on rapporte les plaintes à l’ensemble de notre activité, cela semble anecdotique. »
Pendant des mois, les salariés de Scopelec et leurs représentants, n’ont eu de cesse d’alerter les pouvoirs publics sur le désastre social en cours. Sans succès…
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