À l’ordre du jour de l’Assemblée nationale, jeudi, le groupe d’extrême-droite met sept textes sur la table, dont la présomption de légitime défense et l’uniforme à l’école, et reprend aussi à son compte des propositions revendiquées par la gauche.
Un fond réactionnaire et des manœuvres stratégiques. Voilà, en résumé, l’esprit des sept propositions inscrites dans la niche parlementaire du Rassemblement national (RN), qui aura lieu le 12 janvier.
D’abord, il y a quelques idées phares du programme de Marine Le Pen, comme la présomption de légitime défense, proposition partagée avec Eric Zemmour lors de la dernière présidentielle. Avec une telle loi, un policier, un gendarme ou un militaire ne serait plus pénalement responsable si « pour se défendre ou défendre autrui contre une atteinte injustifiée, il s’est trouvé dans l’obligation d’utiliser son arme », y compris si cet usage donne la mort. Un texte qui piétine l’Etat de droit, notamment en retirant la notion de « proportionnalité », qui exige que la réponse à une attaque soit égale à sa gravité.
Une porte grande ouverte à l’arbitraire et l’impunité, d’autant que le cadre du texte est flou, et pourrait justifier de nombreuses violences policières, comme les décès provoqués après des refus d’obtempérer. « Ce que l’on nous propose ne s’appelle plus la République, c’est un régime dans lequel les policiers pourraient blesser ou tuer sous couvert d’une présomption qui les dispenserait de s’en expliquer », a réagi la communiste Elsa Faucillon lors de l’examen en commission, lors duquel le texte a été rejeté.
L’uniforme à l’école, fausse bonne idée
NDLR de MAC: Cette offensive sur la question de l’uniforme est préparée de longue date avec la complicité des forces fascisantes locales LAICITE : Le RN/FN et Reconquête en manœuvres conjointes
Autre proposition fidèle au projet conservateur du RN : le retour de l’uniforme à l’école – bien qu’il n’ait jamais été véritablement obligatoire. La tenue viserait, selon l’extrême droite, à « abolir dans l’établissement (scolaire) les distinctions sociales ou culturelles à caractère vestimentaire ». Une justification qui « pourrait présenter un intérêt », a d’abord réagi la communiste Soumya Bourouaha, avant d’ajouter aussitôt : « Cependant, son instrumentalisation empêche de l’aborder sereinement. »
« Nous ne nous faisons aucune illusion sur votre réel objectif, a ajouté le socialiste Inaki Echaniz. Il ne s’agit en rien de gommer les distinctions mais, au contraire, de prendre en considération les divers comportements, croyances, coutumes, pratiques et langues. » Ne tombant pas dans le panneau, la gauche a unanimement rejeté cette proposition en commission. L’écologiste Sophie Taillé-Polian y a vu une « mesure décorative » : « Cachez-moi cette fracture sociale que je ne saurais voir ! »
L’enrobage faussement social semble devenir la marque du RN. C’est d’ailleurs ce qui caractérise leur proposition de loi libérale « visant à favoriser et inciter les entreprises à augmenter les salaires nets de 10 % », qui repose sur des exonérations patronales.
Le reste des textes compris dans la niche du RN vise à ramener, une nouvelle fois, ses opposants face à un dilemme : voter à ses côtés, quitte à se compromettre ; ou maintenir un cordon sanitaire, quitte à prendre position contre leurs propres idées. C’est le cas du texte sur l’uniforme, plusieurs fois défendu par les parlementaires LR.
L’extrême droite reprend aussi la proposition de loi de la socialiste Christine Pirès-Beaune de février dernier, consécutive au scandale des Ehpads Orpea. Elle visait à étendre le droit de visite des centres sociaux et médicaux sociaux aux parlementaires français et européens élus en France. Une « piraterie parlementaire », a dénoncé le socialiste Joël Aviragnet, dont le groupe s’abstiendra, jeudi. « C’est délicat, difficile à expliquer aux électeurs mais on le fera. On a envie de dire au RN : Arrêtez de jouer au coucou ! », a expliqué Christine Pirès-Beaune au Monde.
Objectif : mettre la gauche dans l’embarras
Une autre proposition de loi porte sur l’élection des députés via une proportionnelle intégrale. Soit l’idée défendue par le MoDem et la FI, tandis que Marine Le Pen proposait elle, dans son programme présidentiel, d’intégrer à cette proportionnelle une prime majoritaire. Là encore, l’ensemble de la gauche devrait s’abstenir, voire voter contre, comme la majorité, refusant de rentrer dans le jeu de l’extrême droite.
Quant à la proposition de mettre fin aux zones à faibles émissions (ZFE), l’objectif est là encore de mettre la gauche dans l’embarras pour fustiger « l’écologie punitive », bien que la Nupes se soit opposé à ce projet macroniste. Y compris EELV, qui exige a minima un accompagnement social aujourd’hui absent.
Face à de telles méthodes, beaucoup de parlementaires pourraient opter, jeudi dans l’hémicycle, pour la politique de la chaise vide. En prenant garde, toutefois, que le RN n’en profite pas pour obtenir des victoires.
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