Depuis un an, l’augmentation des marges des entreprises explique pour moitié l’envolée des prix de production. Les géants du secteur en jouissent à plein.
Oui, Emmanuel Besnier a bien entendu le ministre de l’Économie, Bruno le Maire, souhaiter que l’agro-alimentaire répercute la baisse des cours des matières premières, de l’énergie et du fret maritime dans ses prix, afin de rendre du pouvoir d’achat aux Français.
La valse des étiquettes des produits alimentaires (+ 15,6 % sur un an) n’est-elle pas devenue le principal moteur de l’inflation (+ 5,7 %) ? Mais le patron et actionnaire familial de Lactalis n’en a cure.
Vendredi 21 avril, alors qu’il fêtait l’entrée de son groupe dans le top 10 des géants mondiaux de l’agro-industrie, devant Danone dont il chipe le titre de numéro un tricolore, le peu disert PDG de la multinationale lavalloise a juste lâché : « Nous ne nous sentons pas concernés. »
Un « rattrapage des marges »
À en croire ce grand patron taiseux, l’envolée de son chiffre d’affaires (+ 28,4 % en 2022, à 28,3 milliards d’euros) n’est pas synonyme d’explosion des marges ni de la rentabilité (+ 1,36 % en 2022). Car l’augmentation des prix de Lactalis ne traduirait que l’inflation des coûts de production dont Emmanuel Besnier ne voit d’ailleurs pas d’amélioration pour 2023. Danone opine. Malgré ses + 13 % de chiffre d’affaires, les profits ne seraient pas à la hauteur espérée par les marchés.
Les temps sont durs dans l’agro-alimentaire ? Pas vraiment, répond l’Insee. Si les prix de l’alimentaire tirent l’inflation générale, c’est en grande partie parce que les entreprises du secteur privilégient la hausse de leurs profits. « Depuis deux ans, les prix de production ont vivement augmenté. Mais, si en 2021, l’augmentation des prix des intrants, de l’énergie, des matières premières expliquait cette hausse – les marges des entreprises étant rognées –, depuis le deuxième trimestre 2022, c’est la hausse des excédents bruts d’exploitation qui prédomine, explique Nicolas Carnot, directeur des études et synthèses économiques à l’Insee. Ce rattrapage des marges n’est pas surprenant. Mais il atteint des moyennes historiques. Dès lors, la question est : quand cela va-t-il s’arrêter ? »
Les grandes entreprises captent plus de 80 % de la valeur ajoutée créée par l’agro-alimentaire
Pour l’heure, c’est jackpot pour les grandes entreprises, qui captent plus de 80 % de la valeur ajoutée créée par l’agro-alimentaire. Demandez aux mastodontes mondialisés Unilever (+ 26 % de bénéfices nets en 2022), ou Nestlé (taux de profit de + 17 %).
vient d’annoncer + 32 % de chiffre d’affaires (9 milliards d’euros) et + 45 % de résultat net (218 millions).
À l’Institut La Boétie, proche des insoumis, Sylvain Billot craint que le consommateur demeure longtemps le dindon de la farce. « Dans l’agro-alimentaire, l’augmentation des profits contribue à plus de la moitié de celle des prix de production. Dans le même temps, les salaires augmentent, mais moins vite que la hausse des prix. C’est une situation inédite : nous faisons face à une boucle inflation-profits. »
Pour le statisticien, une solution : « Bloquer les prix de l’alimentaire pour diminuer les effets de l’inflation, notamment sur les plus modestes. »
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