Ultrariches : comment les 378 contribuables les plus fortunés ne paient que 2 % d’impôts ?

Quels impôts les milliardaires paient-ils ? Très peu, à en croire une étude de l’Institut des politiques publiques. Le taux d’imposition, progressif jusqu’au 0,1 % des foyers fiscaux les plus riches, régresse ensuite… pour ne représenter qu’une toute petite part des revenus des ultrariches. 

© Valery Hache/AFP

© Valery Hache/AFP

Les ultrariches paient-ils autant d’impôts qu’ils le devraient ? La réponse est non, selon une étude de l’Institut des politiques publiques (IPP), publiée le 6 juin.

Alors que les questions de justice fiscale reviennent régulièrement dans les débats, cette étude démontre que, au lieu de progresser, le taux d’imposition est dégressif à mesure que l’on monte dans l’échelle des plus hauts revenus.

Pour la première fois, les données de l’impôt sur les revenus sont combinées à celles de l’impôt sur les sociétés

Ces résultats sont le fruit d’un travail de recherche mené dans le cadre de l’évaluation de la réforme de la fiscalité du capital enclenchée en 2017. Pour la première fois, les données de l’impôt sur les revenus sont combinées à celles de l’impôt sur les sociétés, pour mesurer un « taux d’imposition global » (1) pour ces ménages.

© Infographie L'Humanité© Infographie L’Humanité

Jusqu’au 0,1 % des plus grandes fortunes françaises (autour de 600 000 euros de revenu économique annuel), le taux d’imposition est progressif puis régresse fortement, « jusqu’à ne représenter plus que 2 % du revenu économique parmi les 378 ménages les plus aisés ».

Cette dégressivité s’explique par une substitution du type de revenu : les foyers fiscaux les plus aisés contrôlent plus souvent des sociétés et ont une fortune issue non plus des revenus assujettis à l’impôt sur les revenus, mais des bénéfices des sociétés qu’ils détiennent.

L’impôt sur les socétés, quasiment le seul impôt acquitté pour ces ménages

L’impôt sur les sociétés devient donc quasiment le seul impôt acquitté pour ces ménages. Or, il n’a pas de principe de progressivité, contrairement à celui sur les revenus. Le taux global d’imposition chute ainsi de 45 % pour les 0,1 % les plus riches à 26 % pour les milliardaires.

Pire, ces données sont celles de l’année 2016, seule année pour laquelle elles sont disponibles pour le moment. Elles ne prennent pas en compte la baisse de l’impôt sur les sociétés passée de 33,3 % à 25 % à partir de 2022. Ces taux actualisés pourraient donc s’avérer encore plus bas depuis les réformes fiscales engagées par Emmanuel Macron depuis 2017.

Or, les dispositifs législatifs centrés sur les bénéfices des sociétés sont devenus « de plus en plus faibles », souligne Laurent Bach, l’un des auteurs de l’étude.

De forts abattements fiscaux sur les plus-values peuvent être mobilisés au moment de la vente des parts des sociétés. Quant à l’« exit tax », qui permet de soumettre à l’impôt sur le revenu les bénéfices non distribués accumulés en cas de départ à l’étranger, elle n’a concerné que très peu de personnes.

« Le taux d’imposition sur les sociétés était, comme l’impôt sur les revenus, autour de 50 %, avant une baisse généralisée observée à l’échelle européenne »

Enfin, l’impôt sur la donation de parts a aussi très fortement diminué ces trente dernières années. « Cela n’a pas toujours été le cas, le taux d’imposition sur les sociétés était, comme l’impôt sur les revenus, autour de 50 %, avant une baisse généralisée observée à l’échelle européenne il y a une quarantaine d’années pour éviter des effets de concurrence entre pays voisins », souligne Laurent Bach.

C’est du côté des États-Unis qu’un contre-modèle est avancé : le pays parvient à mieux intégrer les résultats des sociétés dans les feuilles d’impôt des grandes fortunes.

Ceci en raison d’une taxe spécifique sur les holdings, qui obligent les actionnaires soit à se verser directement les dividendes (et à les déclarer parmi leurs revenus imposables), soit, à ne pas les distribuer. En Europe, une directive européenne rend au contraire difficile la taxation des holdings.

Ce que les auteurs de l’étude préconisent, c’est une véritable transparence fiscale des résultats des sociétés. « C’est un système déjà en place pour un certain nombre de sociétés en France : les sociétés dites de “personnes” (SCI, SNC, SARL de famille, etc.) voient leurs revenus remonter aux feuilles d’impôt, indique Laurent Bach. Cette transparence fiscale pourrait être généralisée aux autres types de sociétés. »

« La baisse de l’impôt sur les sociétés, de 33,3 % à 25 % va faire baisser le taux effectif payé par les grandes fortunes, mais aura aussi probablement des effets d’assiette avec des profils localisés à l’étranger qui peuvent revenir en France, explique Antoine Bozio, directeur de l’IPP. La question est : que se passerait-il si l’on doublait leur taux d’imposition effectif ? On n’a aucune idée de la réponse potentielle de ces groupes à de telles réformes. »

(1) Ce « revenu économique » comprend le revenu fiscal, les cotisations sociales non contributives (maladie, etc.), et les profits non distribués des sociétés, au prorata de leur part de détention.

En savoir plus sur Moissac Au Coeur

Subscribe to get the latest posts sent to your email.

Donnez votre avis

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur comment les données de vos commentaires sont utilisées.