Violences policières : « Avant un éventuel procès, un policier n’a pas sa place en prison », le directeur général de la police suscite le tollé

Le directeur général de la police nationale, Frédéric Veaux, a apporté son soutien public aux quatre policiers mis en examen pour avoir passé à tabac un jeune homme, en marge des violences consécutives à la mort de Nahel. Des propos « gravissimes », qui remettent en cause l’État de droit, selon la gauche et les syndicats de magistrats.

Frédéric Veaux, directeur général de la Police Nationale et Gerald Darmanin, ministre de l'Intérieur.

Frédéric Veaux, directeur général de la Police Nationale et Gerald Darmanin, ministre de l’Intérieur.
Thierry STEFANOPOULOS/REA

Après la haie d’honneur et les applaudissements, voilà maintenant le soutien public du chef de la Direction générale de la police nationale (DGPN). « Je comprends l’émotion, et même la colère, qu’a pu susciter dans les rangs policiers le placement en détention de l’un des leurs », a affirmé Frédéric Veaux, le DGPN, dans une interview accordée au Parisien, le 23 juillet.

Il fait ici référence au mouvement de fronde des policiers marseillais suscité par la mise en examen de quatre de leurs collègues de la Brigade anticriminalité (BAC), en particulier le placement en détention provisoire de l’un d’eux, pour « violences en réunion par personne dépositaire de l’autorité publique avec usage ou menace d’une arme ».  Ce dernier est soupçonné d’avoir, avec ses trois collègues de la BAC, roué de coups un homme de 21 ans dans la nuit du 1 er au 2 juillet, au moment où la ville était en proie aux violentes émeutes qui avaient suivi la mort de Nahel.

À leur sortie de l’IGPN, quelques minutes avant leur transfert au palais de justice, les quatre fonctionnaires mis en examen avaient été accueillis par les applaudissements d’une vingtaine de leurs collègues, menés notamment par les syndicats Alliance et Unsa. « Le savoir en prison m’empêche de dormir », a ajouté Frédéric Veaux, qui a rendu visite au détenu et aux policiers marseillais pour leur apporter « un message de soutien de la part du ministre de l’Intérieur et de moi-même », invoquant le contexte « de chaos total lors des émeutes » pour justifier leur comportement. Il estime par ailleurs qu’ « avant un éventuel procès, un policier n’a pas sa place en prison ».

Indignation de la gauche

« Je partage les propos du DGPN », a par ailleurs tweeté Laurent Nuñez, le préfet de police de Paris et ancien préfet de police de Bouches-du-Rhône.

Des propos qui ne passent pas dans les rangs de la gauche et parmi de nombreux observateurs de la vie politique et des institutions. Ce qui se joue, selon eux, dans ce soutien public et avec la bénédiction du ministre de l’Intérieur, c’est bien la question de l’indépendance de la justice et du respect de l’État de droit.

« Gravissime, toute la hiérarchie policière se place au-dessus de la justice et des règles de la détention provisoire et le ministre de l’Intérieur est en arrêt maladie ! Ce qui se joue là, c’est la démocratie et le respect de l’État de droit. Le parlement doit être réuni en urgence », a ainsi exigé Olivier Faure, le premier secrétaire du Parti socialiste.

« Alors ? Darmanin, Macron et “l’arc républicain” refusent d’appeler la police au calme et au respect de la loi ? Donc ils les encouragent à “faire la guerre” aux “nuisibles” ? Écœurant. L’État ridiculisé », a enchéri Jean-Luc Mélenchon, le chef de file des Insoumis.

Des propos qui ont également soulevé l’indignation des syndicats de magistrats. « Le directeur général de la police nationale, sous la tutelle du ministère de l’Intérieur, fait pression sur l’autorité judiciaire dans une affaire individuelle. le président de la République doit réagir», a par exemple écrit le syndicat de la magistrature sur Twitter.

« Un signal fort », selon les syndicats policiers

Parmi les syndicats de police, c’est en revanche la satisfaction qui prédomine. Se félicitant de ces soutiens « sans équivoque », l’UNSA Police a ainsi salué sur Twitter ce « signal fort à destination des hommes et femmes qui composent les rangs de la police nationale ».

Ils appellent par ailleurs les agents à poursuivre leur mouvement – plusieurs d’entre eux se seraient d’ores et déjà mis en arrêt maladie selon le patron de la DGPN – en les appelant à « se mettre en 562 », c’est-à-dire à ne plus assurer que les missions essentielles.


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