Un rapport de France Stratégie souligne le poids écrasant de l’origine sociale sur les trajectoires de vie. Deux tiers des élèves des catégories supérieures font des études après le bac, contre un quart parmi les enfants de familles modestes.
« Poids des héritages et parcours scolaires ». L’intitulé du rapport rendu public ce 7 septembre par France Stratégies, un organisme autonome gouvernemental, traduit bien les enseignements de cette vaste étude destinée à comprendre « comment se fabriquent les inégalités au cours des parcours scolaires ».
Les travaux menés par ses trois autrices, Johanna Barasz, Peggy Furic et Bénédicte Galtier, dressent un vaste panorama qui met en lumière, à travers une synthèse des travaux statistiques conduits depuis une quinzaine d’années, le poids écrasant de l’origine sociale, de l’ascendance migratoire et du genre sur les parcours éducatifs, démontrant que les inégalités commencent « dès les premiers pas de l’enfant ». Peggy Furic, cheffe de projet chez France Stratégie sur les questions d’inégalités et de pauvreté, éclaire ici cette démarche inédite et dévoile ses principaux constats.
Beaucoup d’études ont déjà fait état du poids des inégalités sociales sur les parcours de vie. En quoi votre démarche est-elle originale ?
Beaucoup de travaux ont effectivement été menés. Ce rapport a d’ailleurs la spécificité de prendre en compte toute la littérature publiée sur le sujet. L’autre originalité de ces travaux réside dans le fait qu’ils condensent l’ensemble du parcours scolaire, c’est-à-dire depuis la petite enfance, à travers une étude des modes d’accueil, jusqu’à l’entrée dans les études supérieures.
Nous avons ainsi observé les inégalités scolaires sous forme de dynamiques, c’est-à-dire à travers les trajectoires. Nous avons aussi identifié à quel moment il y a eu des nœuds à l’origine des inégalités et comment s’est, dès lors, enclenché un processus cumulatif. Il y a donc cette idée de trajectoire et de vision d’un panorama plus large. Nous avons également été attentives au poids attribué à la fois à l’origine sociale, au genre et à l’ascendance migratoire sur ces trajectoires. Cette démarche qui est inédite apporte ainsi des constats très frappants.
Quels sont les principaux enseignements qui ressortent de ces travaux ?
Le premier constat est assez connu et documenté. Les trois variables retenues dans ce rapport, à savoir l’origine sociale, le genre, l’ascendance migratoire, ont une influence sur les trajectoires. Mais l’enseignement le plus fort, c’est que le poids de l’origine sociale est massif. C’est-à-dire que des trajectoires vont diverger en fonction de l’origine sociale et cela, même pour des enfants qui auront les mêmes résultats scolaires.
En d’autres termes, à même niveau, les orientations dans telle ou telle filière, ou encore les retards scolaires, sont fortement liés à l’origine sociale des enfants. Ensuite, sur la question du genre, ce qui est marquant c’est que, tout au long de leur scolarité, les filles ont en moyenne de meilleurs résultats que les garçons. Cela n’empêche pas des inégalités dites « horizontales » entre filles et garçons, particulièrement au moment des orientations vers les filières d’études.
Les filles vont ainsi s’orienter vers des filières qui vont être moins rentables professionnellement, moins sélectives, délaissant par exemple les sections scientifiques, ou encore les classes préparatoires aux grandes écoles. Sur la variable migratoire, il y a des écarts, mais ils sont limités. À origine sociale identique, on se rend compte que finalement les trajectoires sont plutôt équivalentes.
Peut-on dire, au vu de vos constats, que l’école fabrique des inégalités ? Comment les politiques publiques peuvent-elles s’emparer des enseignements de ce rapport ?
Disons que l’école n’est pas une fabrique de l’égalité. Ensuite, pour ce qui est des préconisations, nous ne sommes pas encore allés sur ce terrain-là, dans ce rapport. Nous en sommes restés sur les constats. Des travaux ont toutefois déjà été réalisés par France stratégie sur la question de la petite enfance, notamment. Nous avions ainsi mené un séminaire « Premiers pas » en 2021 sur les inégalités qui émergent dès ce stade-là.
Il était effectivement démontré que, dès les premières années, on observe des différences de compétences entre les enfants, marquées par un fort gradient socio-économique. Autrement dit, les enfants qui sont issus de milieux défavorisés versus ceux qui sont issus de milieux favorisés vont avoir un développement moins avancé. Toutefois, et c’est là qu’il ne faut pas se montrer déterministe dans l’approche de la politique publique : si jamais les enfants accèdent à des modes d’accueil collectifs type crèche, il y a des bénéfices qui peuvent se faire sentir.
À l’heure actuelle, une minorité d’enfants des classes sociales défavorisées accèdent aux crèches. Ce qu’il faudrait faire, c’est inverser les choses. Les politiques publiques doivent en effet s’emparer de ce sujet et mettre en place des moyens pour agir dès le commencement, dès l’émergence des premières inégalités.
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