De l’intérêt de lire et relire Marx pour se méfier de la philanthropie … et de ses avatars… Par Danielle Bleitrach

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Je poursuis mes conseils de lecture : il y a quelque chose de fascinant dans la manière dont les Etats-Unis et tout l’occident global continuent à se présenter comme la philanthropie incarnée au point que la défense de leur système mériterait le sacrifice de tous. Je lisais dernièrement un commentaire appliqué à Joe Biden et ce commentaire est d’autant plus effrayant, qu’il concerne l’impasse démocratique dans laquelle nos capacités d’intervention citoyennes sont pétrifiées.

Donc Joe Biden , qui représenterait aujourd’hui l’aspect le plus progressiste de ce que l’humanité est censée attendre des élections des Etats-Unis, est le visage vivant de la philanthropie des États Unis et de ses vassaux… Étant bien entendu de surcroit que ces élections sont le plus haut niveau que l’on peut espérer de l’actuel système impérial dit démocratique, celui qui est la seule LOI véritable, vu que l’empire se fout totalement de ce que pensent et votent toutes les autres nations.

Donc il était dit de Joe Biden que toute sa vie il avait été si occupé à passer des compromis avec la droite la plus radicale qu’il ne prenait jamais le temps de vérifier si son interlocuteur avait encore quoique ce soit à compromettre, voilà pour son réformisme. Vu l’état d’évidente sénilité du dit Joe Biden non seulement il ne s’améliorera pas mais ce travers ne fait que s’aggraver. Il n’empêche une bonne partie de ce qui s’estime la gauche sous nos climats septentrionaux en est à mettre des cierges à l’idée de le voir battu par l’antéchrist que constitue Trump. Et nous avons les icônes locales appropriées avec macron et Le pen…

Il est donc clair qu’il ne s’agit pas d’un malencontreux hasard, tous les vassaux, notre France y compris, fonctionnent sur le même modèle mais que, pour conserver la fiction démocratique, il existe un système de propagande chargé de créer des problèmes imaginaires et sur lesquels on peut débattre indéfiniment de propositions tout aussi imaginaires, développer à souhait des querelles et batailles d’autant plus âpres( ce qui était déjà le cas des hégéliens de gauche avec lesquels Marx a fini par rompre). Mais dans ce domaine la virtuosité consistant à créer une affaire dans l’affaire pour canaliser l’esprit public a atteint le stade des automatismes et nous sommes arrivés au degré ultime de la stupidité bourgeoise que l’on attribuait alors aux aphorismes de monsieur Prudhomme. Je vous recommande particulièrement l’art et la manière de passer de Gaza à l’insécurité provoquée par les étrangers basanés et de là à dieu sait pourquoi aux polémiques autour de Gégé introduite finement par un interview du président qui pendant ce là participe à tous les exercices militaires… comment le thème de l’insécurité a été réduit au petit bout de la lorgnette, là où les passions s’exaspèrent le plus entre victimes…et idées préconçues sans la moindre présomption d’innocence puisque cela part de la conception des mœurs dans ce qu’elle a de plus figé…

Est-il possible de rééduquer un peuple qui jadis lisait le capital en feuilleton et qui aujourd’hui n’arrive pas à dépasser un slogan de trois lignes par lequel on l’invite à toutes les croyances les plus sottes?

Ne jamais désespérer, d’abord toujours contextualiser, le moment historique, la nature des débats à travers lesquels se posent les possibilités de l’action et notre époque est loin d’être pire que les autres. regardez qui aurait pu imaginer que les produits de l’usine à abrutissement qu’est Hollywood aient provoqué un assaut du public non en ce qui concerne les habituelles production vantant les miracles, les merveilles de l’empire, non les entrées se sont faites massivement vers Oppenheimer… je sais ,je sais il y a de la récupération dans l’air… Ce que je veux tenter de partager avec vous c’est la nécessité de ne pas laisser en repos la moindre parcelle de conscience… et pour se donner la force d’un tel travail d’Hercule, de temps en temps aller s’alimenter à Marx et aux autres…

Cela dit je suis frappée par le fait que personne je dis bien personne ne s’intéresse à ce que je développe dans la plupart de mes articles sur Marx à propos en particulier de la Palestine, de la “question juive” à savoir que ce qui intéresse Marx c’est la monnaie, la manière dont le marché crée une illusion d’échange de marchandise sans la médiation du travail humain. Et la question juive c’est justement la manière dont des formes antérieures deviennent l’expression des rapports bourgeois lié au caractère formel de la libération de l’individu dont lémancipation du juif est la caricature. je suis frappée par le caractère central qu’a aujourd’hui la dédollarisation et le retour en force du“religieux” dans les conflits, ce qui est aussi l’art et la manière de les rendre insolubles et de créer une guerre perpétuelle…

Vous voyez bien le réformisme de la philanthropie mais vous ne voyez pas ou du moins vous ne commentez pas ce qui est pourtant au centre de la crise actuelle: la mondialisation capitaliste avec au centre le dollar (et le pétrodollar) porté à la chute de l’URSS jusqu’à son plus haut niveau, l’effondrement qui est déjà là, les coalitions de l’impérialisme et le rôle du “socialisme” chinois à la fois marché sans prétendre remplacer le dollar et dictature du prolétariat… Les questions que Marx aborde dans le Capital et dès l’idéologie allemande portent déjà sur le marché, la marchandise, le fétichisme de la marchandise dans la monnaie et dans le contrat social bourgeois.

Je ne sais pas si cela servira à quelque chose mais je crois que je vais publier le texte de Marx dans la Sainte famille où il reprend encore sur cette question Bruno Bauer (il a déjà écrit la question juive mais il y revient) sur la question de l’émancipation… personnellement je trouve que cela apporte des perspectives novatrices , suis-je la seule à les voir?

En janvier 1845, le jeune Karl Marx est expulsé de Paris, où il vivait depuis deux ans. Il n’est pas encore l’auteur du Capital, ni un des dirigeants de la Première Internationale. C’est pour l’heure principalement un journaliste socialiste, de formation philosophique, qui se débat dans le moule intellectuel de son maître, Hegel. À Francfort, il publie en février avec Engels La Sainte Famille, ou Critique de la Critique critique – contre Bruno Bauer et consorts, les hégéliens de gauche. Même si le texte est signé d’Engels et Marx, c’est essentiellement une contribution de Marx à ce qui va être l’Idéologie allemande. Il revient sur la question juive, abordée comme une question sociale, mais pour pouvoir s’attaquer à l’idéologie allemande en général, il s’agit de régler quelques comptes avec les socialistes utopistes, qui pratiquent ce qu’ils appellent la « Critique critique »… Marx s’appuie sur le modèle que Feuerbach vient de mettre au point pour critiquer la religion, et il montre que la Critique critique crée de toute pièce des difficultés théoriques pour mieux les résoudre de manière exclusivement rhétorique et spéculative

Il y a deux chapitres, le cinquième et le huitième, qui sont plus directement centrés sur la critique des œuvres de fiction et comment le matérialisme peut aborder une telle critique dans un but théorico-pratique, révolutionnaire? Ces chapitres ont été entièrement écrits par Marx, il s’oppose à un critique littéraire Szeliga qui œuvre dans la presse socialiste. Dans les colonnes du journal de Bauer, ce critique alors célèbre, s’intéresse à toutes les fictions traitant de près ou de loin la question sociale, et à ce titre il a écrit quelques pages sur le feuilleton qui a fait fureur en France entre juin 1842 et octobre 1843, Les Mystères de Paris d’Eugène Sue. Marx, alors parisien (et qui tente de convertir Proudhon à la dialectique sans y arriver ) connaît donc bien : en reprend l’analyse dans La Sainte Famille, afin de la corriger, et surtout de la tourner en ridicule.

Il dénonce l’aspect idéologique du paternalisme et du réformisme social avec son moralisme, le prince Rodolphe qui donne dans la philanthropie prétend sauver du vice et du crime ses protégés par la redistribution d’une part de son immense fortune. Sur le plan pratique, celui des solutions économiques la charité de la redistribution, un capitalisme vertueux, mais aussi sur celui de l’individu concret c’est inapplicable et cela conduit au massacre des êtres humains en proie à cette rédemption: Fleur de Marie une petite prostituée qui subit cette “rédemption meurt tuberculeuse déchirée par le remord”, le maître d’école force de la nature devient aveugle et hypocrite, etc…. Rien n’est plus étranger à Marx que le “moralisme”en revanche il y a dans ce texte de véritables fulgurance sur les symboles de l’aliénation…

L’enjeu pour Marx est de se distinguer également des saint-simoniens, de la charité chrétienne, et de lʼhomme providentiel hégélien. Ce faisant, il condamne à la fois la fiction prétendument exemplaire de Sue, et ceux qui s’y rallient – Bauer et consorts. C’est un pamphlet, Marx, comme Brecht pratiquent la forme la plus rude du dit pamphlet. Au contraire de lʼessai critique, il ne laisse aucune porte de sortie à l’adversaire et l’absurde est l’allié principal de la mise à mort idéologique, la négation sans état d’âme, mais c’est là que joue l’originalité de la dialectique matérialiste si c’est par la négation qu’il montre les impasses du socialisme d’Eugène Sue,il le fait en produisant un raisonnement d’une manière réellement matérialiste et critique (chapitre VIII), il construit une autre critique celle qui part de la réalité de la société et des aspirations des individus concrets. C’est une démarche d’autant plus intéressante qu’elle se situe réellement à un seuil dans l’histoire et dans la vie de Marx . En effet Marx est un philosophe, un intellectuel, un connaisseur des œuvres il est lui même un “critique et personnellement la possibilité d’une analyse matérialiste des objets culturels entre fiction et discours sur le réel, est au coeur de la relation entre la création et le politique dans un sens renouvelé.

La rencontre avec le mouvement ouvrier parisien, les luttes des classes en France vont jouer on le sait un rôle qui est déjà en gestation dans un de ses premiers textes de journaliste: le vol des bois morts. mais c’est egalement la rencontre avec Engels qui lui est de part les contraintes familiales complètement intégré au capitalisme et à ses conditions réelles d’exercice. Il plonge dans la réalité de la condition ouvrière.

Peut-être faut-il en revenir constamment à toutes ces dimensions de l’analyse dite marxiste mais à laquelle il faut ajouter le prolongement léniniste si l’on prétend comprendre pour agir, transformer et aujourd’hui plus que jamais puisque se présente un nouveau champ historique.

Danielle Bleitrach


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