NDLR de MAC: Cet article éclaire l’argumentation contre l’adhésion de l’Ukraine à l’UE car les forces capitalistes sont déjà à la manœuvre pour libéraliser à outrance les marchés agricoles au profit des multinationales agroalimentaires… La guerre est aussi économique!
En Ukraine, pendant que les pauvres meurent au front …..” merci à Carole Auge qui nous transmet ce rapport et félicitons-nous que face à la thatcherisation française, il y ait chez Fabien Roussel pour la première fois l’affirmation d’une ligne politique qui défende la paix. Parce que c’est en partant des faits, de ce à quoi se heurtent réellement les couches populaires, les agriculteurs, les ouvriers, les jeunes en formation, que l’on a des chances d’intervenir efficacement et pas dans des idéologies “gauchisantes” inspirées par les faits divers de l’instant et les stéréotypes datant de la deuxième guerre mondiale, d’une conception de la “gauche” qui l’a réduite a quia. (note de Danielle Bleitrach pour histoireetsociete)
“Aujourd’hui, des milliers de garçons et de filles de la campagne, des agriculteurs, se battent et meurent à la guerre. Ils ont tout perdu. Les processus de vente et d’achat de terres sont de plus en plus libéralisés et font l’objet de publicité. Cela menace réellement les droits des Ukrainiens sur leur terre, pour laquelle ils donnent leur vie.” Ce rapport sur la prise de contrôle des terres agricoles ukrainiennes identifie les intérêts qui contrôlent les terres agricoles ukrainiennes, en présentant une analyse des dynamiques en jeu autour du régime foncier dans le pays. Cela inclut la très controversée réforme agraire qui a eu lieu en 2021 dans le cadre du programme d’ajustement structurel lancé sous les auspices des institutions financières occidentales, après l’installation d’un gouvernement pro-UE à la suite de la révolution de Maïdan en 2014. Avec 33 millions d’ht de terres arables, l’Ukraine possède de vastes étendues de terres agricoles parmi les plus fertiles du monde. Depuis le début des années 1990, des privatisations et une gouvernance corrompue ont concentré les terres entre les mains d’une nouvelle classe oligarchique. Environ 4,3 millions d’hectares sont consacrés à l’agriculture industrielle, la majeure partie, soit 3 millions d’ht, étant aux mains d’une douzaine de grandes entreprises agroalimentaires. Environ 5 millions d’hectares (2 fois la Crimée), ont été “volés” à l’État ukrainien par des intérêts privés. La superficie totale des terres contrôlées par les oligarques, des individus corrompus et les grandes entreprises agroalimentaires s’élève donc à plus de neuf millions d’ht, soit plus de 28 % des terres arables du pays. Le reste est utilisé par plus de 8 millions d’agriculteurs ukrainiens. Ceux qui contrôlent les terres ukrainiennes aujourd’hui sont un mélange d’oligarques et d’intérêts étrangers, principalement européens et nord-américains, y compris un fonds d’investissement privé basé aux EU et le fonds souverain d’Arabie Saoudite.
À l’exception d’une seule, les dix sociétés qui contrôlent le plus de terres sont enregistrées à l’étranger, principalement dans des paradis fiscaux tels que Chypre ou le Luxembourg. Même lorsqu’elles sont dirigées et encore largement contrôlées par un oligarque fondateur, un certain nombre de ces entreprises sont entrées en bourse, des banques et des fonds d’investissement occidentaux contrôlant désormais une part importante de leurs actions.
Le rapport identifie de nombreux investisseurs de premier plan, notamment le groupe Vanguard, Kopernic Global Investors, BNP Asset Management Holding, NN Investment Partners Holdings (filiale de Goldman Sachs), et Norges Bank Investment Management qui gère le fonds souverain norvégien. Plusieurs grands fonds de pension, de fondations et de fonds de dotations universitaires US ont également investi dans les terres ukrainiennes par l’intermédiaire de NCH Capital, un fonds d’investissement privé basé aux ÉU qui est le 5ème détenteur foncier de l’Ukraine.
La plupart de ces entreprises sont endettées auprès d’institutions financières occidentales, en particulier la Banque Européenne pour la Reconstructions et le Développement (BERD), la Banque Européenne d’Investissement (BEI), et la Société Financière Internationale (SFI), la branche de la Banque mondiale consacrée au secteur privé. Ensembles, ces institutions ont été des prêteurs importants pour les agro-industries en Ukraine, avec près de 1,7 milliard de $ prêtés à seulement 6 des plus grandes agro-industries au cours des dernières années. D’autres prêteurs importants sont un mélange d’institutions financières principalement européennes et nord-américaines, tant publiques que privées. Les financements occidentaux accordés à l’Ukraine ces dernières années ont été liés à un programme d’ajustement structurel drastique qui a exigé des mesures d’austérité et de privatisation, y compris la création d’un marché foncier pour la vente des terres agricoles.
Le président Zelensky a promulgué la réforme foncière en 2020 contre la volonté de la grande majorité de la population qui craignait qu’elle n’exacerbe la corruption et ne renforce le contrôle des intérêts puissants dans le secteur agricole. Les conclusions du rapport confirment ces inquiétudes. Alors que les grands propriétaires terriens obtiennent des financements massifs de la part des institutions financières occidentales, les agriculteurs ukrainiens, essentiels pour assurer l’approvisionnement alimentaire du pays, ne reçoivent pratiquement aucun soutien. Avec le marché foncier en place, dans un contexte de stress économique élevé et de guerre, cette différence de traitement conduira à une plus grande consolidation des terres par les grandes entreprises agroalimentaires.
Le rapport tire également la sonnette d’alarme sur le fait que la dette écrasante de l’Ukraine est utilisée comme un levier par les institutions financières pour conduire la reconstruction d’après-guerre vers de nouvelles réformes de privatisation et de libéralisation dans plusieurs secteurs, y compris l’agriculture.Non seulement cette dette confère aux créanciers des intérêts financiers dans les résultats des entreprises agroalimentaires, mais elle leur confère également un effet de levier important. La restructuration de la dette d’UkrLandFarming, une des sociétés qui détient le plus de terres en Ukraine, en est la preuve. Elle a impliqué des créanciers tels que les agences publiques d’import-export des EU, du Canada et du Danemark, entre autres,et a entraîné d’importants changements organisationnels, y compris le licenciement de milliers de travailleurs.Ce financement international profite directement aux oligarques, dont plusieurs sont accusés de fraudes et de corruption, ainsi qu’aux fonds étrangers et aux entreprises associées en tant qu’actionnaires ou créanciers.
Pendant ce temps, les agriculteurs ukrainiens doivent travailler avec des terres et des financements limités, nombre d’entre eux sont aujourd’hui à la limite de la pauvreté. Les données montrent que ces agriculteurs ne reçoivent pratiquement aucun soutien par rapport aux agrobusiness et aux oligarques. Le Fonds de Garantie Partielle de Crédit mis en place par la Banque mondiale pour soutenir les petits agriculteurs ne s’élève qu’à 5,4 millions de $, un montant négligeable comparé aux milliards alloués aux grandes entreprises agroalimentaires. Ces dernières années, les pays occidentaux et leurs institutions ont fourni une assistance militaire et économique massive à l’Ukraine, qui est devenue le 1er bénéficiaire de l’aide étrangère des EU, c’est la première fois depuis le plan Marshall qu’un pays européen occupe cette 1ère place. En décembre 2022, moins d’un an après le début de la guerre, les EU ont alloué plus de 113 milliards de $ à l’Ukraine, dont 65 milliards de $ d’aide militaire,8 soit plus que le budget total du département d’État et de l’USAID (58 milliards de $). Le rapport détaille comment l’aide occidentale est conditionnée à un programme d’ajustement structurel drastique, qui comprend des mesures d’austérité, des coupes dans les filets de la sécurité sociale, et la privatisation de secteurs clés de l’économie. Une des conditions essentielles a été la création d’un marché foncier, mis en place en 2020 sous Zelensky.
Les conclusions du rapport montrent que la création d’un marché foncier augmentera encore la quantité de terres agricoles entre les mains des oligarques et des grandes entreprises agroalimentaires qui ont déjà commencé à élargir leur base foncière. Kernel a annoncé son intention de porter sa réserve foncière à 700 000 ht, contre 506 000 hectares en 2021.10 De même, MHP, qui contrôle actuellement 360 000 hectares de terres, cherche à étendre ses possessions à 550 000 hectares.11 MHP contournerait également les restrictions relatives à l’achat de terres en demandant à ses employés d’acheter des terres et de les louer à l’entreprise. En soutenant les grandes entreprises agroalimentaires, les institutions financières internationales subventionnent la concentration des terres et un modèle industriel d’agriculture basé sur l’utilisation intensive d’intrants synthétiques, de combustibles fossiles et de monocultures à grande échelle, dont il est prouvé depuis longtemps qu’elles sont destructrices pour l’environnement et la société. En revanche, les petits exploitants agricoles ukrainiens font preuve de résilience et d’un grand potentiel pour mener l’expansion d’un modèle de production différent basé sur l’agroécologie, la durabilité environnementale et la production d’aliments sains.
Ce sont les petits et moyens agriculteurs ukrainiens qui garantissent la sécurité alimentaire du pays, alors que les grandes entreprises agroalimentaires sont orientées vers les marchés d’exportation. En décembre 2022, une coalition d’organisations paysannes, d’universitaires et d’ONG a appelé le gouvernement ukrainien à suspendre la loi sur la réforme agraire de 2020 et toutes les transactions foncières sur le marché pendant la période de guerre et d’après-guerre, “afin de garantir la sécurité nationale et la préservation de l’intégrité territoriale du pays en temps de guerre et pendant la période de reconstruction d’après-guerre”.
Comme l’explique la professeure Olena Borodina, de l’Académie nationale des sciences d’Ukraine (NASU), “aujourd’hui, des milliers de garçons et de filles de la campagne, des agriculteurs, se battent et meurent à la guerre. Ils ont tout perdu. Les processus de vente et d’achat de terres sont de plus en plus libéralisés et font l’objet de publicité. Cela menace réellement les droits des Ukrainiens sur leur terre, pour laquelle ils donnent leur vie.”
Ce rapport soulève de grandes inquiétudes quant à l’avenir des terres agricoles et de la production de denrées alimentaires dans le pays, qui risque fortement de se consolider et d’être contrôlés de plus en plus par des oligarques et des intérêts étrangers.Ces inquiétudes sont exacerbées par la dette extérieure vertigineuse et croissante de l’Ukraine, contractée au détriment des conditions de vie de la population en raison des mesures imposées par le programme d’ajustement structurel. L’Ukraine est aujourd’hui le 3ème débiteur mondial du FMI et le poids écrasant de sa dette entraînera probablement une pression supplémentaire de la part de ses créanciers, des détenteurs d’obligations et des institutions financières internationales sur la manière dont la reconstruction d’après-guerre, dont le coût est estimé à 750 milliards de $, devra se dérouler. Ces puissants acteurs ont déjà explicitement indiqué qu’ils utiliseraient leur influence pour privatiser davantage le secteur public du pays et libéraliser son agriculture. Le reste du rapport (en commentaire) détaille avec précision et en tableaux, les noms des entreprises agro-alimentaires ukrainiennes et les noms des actionnaires étrangers associés aux oligarques qui les détiennent les entreprises… Pour ceux qui veulent lire le rapport en PDF allez directement sur le post de Stéphanie Omnes
Guerre et spoliation : la prise de contrôle des terres agricoles ukrainiennes
Depuis l’invasion russe en février 2022, la guerre en Ukraine est au centre des questions de politique étrangère et des médias. Cependant, peu d’attention a été accordée à une question majeure qui est au cœur du conflit : qui contrôle les terres agricoles dans le pays connu comme le « grenier de l’Europe » ?
Ce rapport Guerre et spoliation : la prise de contrôle des terres agricoles ukrainiennes comble cette lacune en identifiant les intérêts qui contrôlent les terres agricoles ukrainiennes, et en présentant une analyse des dynamiques en jeu autour du régime foncier dans le pays. Cela inclut la très controversée réforme agraire qui a eu lieu en 2021 dans le cadre du programme d’ajustement structurel lancé sous les auspices des institutions financières occidentales, après l’installation d’un gouvernement pro-Union européenne (UE) à la suite de la révolution de Maïdan en 2014.
Avec 33 millions d’hectares de terres arables, l’Ukraine possède de vastes étendues de terres agricoles parmi les plus fertiles du monde. Depuis le début des années 1990, des privatisations malavisées et une gouvernance corrompue ont concentré les terres entre les mains d’une nouvelle classe oligarchique. Environ 4,3 millions d’hectares sont consacrés à l’agriculture industrielle, la majeure partie, soit trois millions d’hectares, étant aux mains d’une douzaine de grandes entreprises agroalimentaires. En outre, selon le gouvernement, environ cinq millions d’hectares – la taille de deux Crimée – ont été “volés” à l’État ukrainien par des intérêts privés. La superficie totale des terres contrôlées par les oligarques, des individus corrompus et les grandes entreprises agroalimentaires s’élève donc à plus de neuf millions d’hectares, soit plus de 28 % des terres arables du pays. Le reste est utilisé par plus de huit millions d’agriculteurs ukrainiens.
Ceux qui contrôlent les terres ukrainiennes aujourd’hui sont un mélange d’oligarques et d’intérêts étrangers divers – principalement européens et nord-américains, y compris un fonds d’investissement privé basé aux États-Unis et le fonds souverain d’Arabie Saoudite. À l’exception d’une seule, les dix sociétés qui contrôlent le plus de terres sont enregistrées à l’étranger, principalement dans des paradis fiscaux tels que Chypre ou le Luxembourg. Même lorsqu’elles sont dirigées et encore largement contrôlées par un oligarque fondateur, un certain nombre de ces entreprises sont entrées en bourse, des banques et des fonds d’investissement occidentaux contrôlant désormais une part importante de leurs actions.
Le rapport identifie de nombreux investisseurs de premier plan, notamment le groupe Vanguard, Kopernic Global Investors, BNP Asset Management Holding, NN Investment Partners Holdings (filiale de Goldman Sachs), et Norges Bank Investment Management qui gère le fonds souverain norvégien. Plusieurs grands fonds de pension, de fondations et de fonds de dotations universitaires américains ont également investi dans les terres ukrainiennes par l’intermédiaire de NCH Capital, un fonds d’investissement privé basé aux Etats-Unis qui est le cinquième détenteur foncier de l’Ukraine.
La plupart de ces entreprises sont endettées auprès d’institutions financières occidentales, en particulier la Banque Européenne pour la Reconstructions et le Développement (BERD), la Banque Européenne d’Investissement (BEI), et la Société Financière Internationale (SFI) – la branche de la Banque mondiale consacrée au secteur privé. Ensemble, ces institutions ont été des prêteurs importants pour les agro-industries en Ukraine, avec près de 1,7 milliard de dollars prêtés à seulement six des plus grandes agro-industries au cours des dernières années. D’autres prêteurs importants sont un mélange d’institutions financières principalement européennes et nord-américaines, tant publiques que privées.
Les financements occidentaux accordés à l’Ukraine ces dernières années ont été liés à un programme d’ajustement structurel drastique qui a exigé des mesures d’austérité et de privatisation, y compris la création d’un marché foncier pour la vente des terres agricoles. Le président Zelensky a promulgué la réforme foncière en 2020 contre la volonté de la grande majorité de la population qui craignait qu’elle n’exacerbe la corruption et ne renforce le contrôle des intérêts puissants dans le secteur agricole. Les conclusions du rapport confirment ces inquiétudes. Alors que les grands propriétaires terriens obtiennent des financements massifs de la part des institutions financières occidentales, les agriculteurs ukrainiens – essentiels pour assurer l’approvisionnement alimentaire du pays – ne reçoivent pratiquement aucun soutien. Avec le marché foncier en place, dans un contexte de stress économique élevé et de guerre, cette différence de traitement conduira à une plus grande consolidation des terres par les grandes entreprises agroalimentaires.
Le rapport tire également la sonnette d’alarme sur le fait que la dette écrasante de l’Ukraine est utilisée comme un levier par les institutions financières pour conduire la reconstruction d’après-guerre vers de nouvelles réformes de privatisation et de libéralisation dans plusieurs secteurs, y compris l’agriculture.
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