À quelques mois des jeux Olympiques de Paris, les professeurs d’EPS s’inquiètent de l’état du sport à l’école. Ils sont en grève, ce vendredi, pour alerter sur l’urgence à investir dans la pratique et les équipements sportifs pour tous. Explications avec Coralie Benech, cosecrétaire générale du Snep-FSU.
Certains ont parodié cette semaine un relais olympique dans tout le pays pour demander « 4 heures de sport par semaine » à l’école. Mais les professeurs d’éducation physique et sportive (EPS) sont appelés à la grève, ce vendredi. Leur principal syndicat, le Snep-FSU, dénonce aussi bien la régression de la pratique sportive à l’école que le désert des installations sportives.
Votre syndicat appelle aujourd’hui vendredi 15, à une journée nationale d’action. Pourquoi ?
Il est beaucoup question de l’héritage que vont laisser les jeux Olympiques et Paralympiques, alors nous nous sommes dit qu’il fallait qu’on fasse événement, nous aussi. Voilà deux ans que nous menons campagne sur le thème des 4 heures d’éducation physique et sportive par semaine pour tous. Nous pensons qu’il y a urgence à investir pour développer la pratique physique chez les jeunes, qui est – entre autres – un enjeu de santé publique.
Mais en quoi consiste, concrètement, ce fameux « héritage des Jeux » ?
Rien ! On n’aura aucune retombée. Même le plan « 5 000 équipements sportifs – Génération 2024 », basé sur des équipements de proximité comme des bassins mobiles, des skateparcs, des demi-terrains de basket : tout cela ne peut servir ni à l’EPS ni à la pratique en club. Si l’idée est de lancer une dynamique autour de la pratique sportive, alors il faut permettre à l’EPS de fonctionner à l’école car c’est le premier lieu de démocratisation du sport.
Pourtant il y a d’autres dispositifs, comme les « 30 minutes d’activité physique quotidienne » en primaire et les « 2 heures de sport en plus » au collège…
Ces initiatives concurrencent l’EPS. En primaire, les « 30 minutes », sans exigence en termes de contenu ni d’installations sportives, se font en pratique au détriment des 3 heures d’EPS qui sont au programme, parce que c’est plus facile à mettre en place et parce que nos collègues professeurs des écoles ont de moins en moins d’EPS dans leur formation.
Au collège, les « 2 heures en plus » sont faites par des intervenants venant des clubs, et elles occupent les installations sur des créneaux horaires déjà tendus, dont ont besoin les cours d’EPS. Sans compter la concurrence également faite aux associations sportives des collèges et à l’UNSS (Union nationale du sport scolaire).
Quel est l’état réel de l’EPS ?
Plus de 1 200 postes ont été supprimés depuis 2017. Cela veut dire que des cours ne sont pas assurés faute de remplaçants – notamment les cours de natation qui demandent, pour des raisons de sécurité, un prof supplémentaire. Les associations sportives, assurées par les profs d’EPS à raison de 3 heures par semaine en plus de leur service, en subissent aussi les conséquences – alors qu’elles sont le principal chemin vers la pratique en club.
Par ailleurs, les programmes privilégient de plus en plus les compétences méthodologiques et sociales (arbitrage, coaching…) au détriment de la pratique sportive. Au bac, celle-ci ne représente plus que les deux tiers de la note.
Le plus gros point noir n’est-il pas le manque d’installations sportives ?
Oui, les piscines en premier lieu : l’acquisition du « savoir nager » a été décrétée priorité nationale. Pourtant 10 % des élèves n’iront jamais à la piscine de toute leur scolarité. Ce sont vraiment les équipements dont nous manquons le plus – et aussi ceux qui coûtent le plus cher. Quand elles existent, elles sont de plus en plus gérées par des sociétés privées, en délégation de service public, ce qui augmente les coûts pour les établissements.
J’ai un exemple dans les Yvelines, où les collèges ont dû renoncer au nouveau centre aquatique parce que le coût avait triplé. Et le comble, c’est que cela crée un déficit pour l’équipement… que les communes doivent compenser par contrat, à hauteur de 50 000 euros par an.
Pour les autres installations comme les gymnases, la situation est également grave : la moitié sont déjà vétustes et à rénover, 85 % devront l’être d’ici à 2030. Il y a de grandes inégalités territoriales : alors que la moyenne nationale est de 47 équipements pour 10 000 habitants, elle tombe à 24 pour 10 000 en Île-de-France et… 7 pour 10 000 en Seine-Saint-Denis. Or, on ne peut pas faire reposer la charge des indispensables constructions et rénovations sur les seules collectivités territoriales. Il serait juste que l’État en finance la moitié.
Nous avons besoin d’une action de même ampleur que le célèbre plan « 1 000 piscines » des années 1970. Là, on pourrait parler d’un véritable héritage des Jeux ! Si le gouvernement a vraiment la volonté de développer la pratique sportive, au lieu de gaspiller 16 millions pour distribuer des pièces commémoratives, il doit s’atteler à construire les équipements qui font si cruellement défaut.
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