Logement : pour résoudre la crise, la loi Kasbarian flingue les HLM + Lettre PCF

Le projet de loi « sur l’offre de logements abordables » a été présenté en Conseil des ministres ce vendredi 3 mai. Il s’attaque à la loi SRU et aux détenteurs de HLM, pour tenter de masquer la chute sans précédent de la construction. Une manœuvre grossière, dénoncée par les associations.

S’il y a bien une constante dans l’idéologie des membres du gouvernement, c’est bien celle qui consiste à accuser les ménages en difficulté d’être responsables de tous les problèmes du pays et à éviter tout questionnement sur leurs choix politiques. Le projet de loi « pour développer l’offre de logements abordables », présenté le vendredi 3 mai en Conseil des ministres, ne fait pas exception.

Trois jours après la parution des chiffres de la construction les plus bas depuis 2015, il reprend à son compte la promesse d’un « choc de l’offre », déjà formulée il y a six ans par le président Macron, en faisant des locataires HLM les responsables du manque de logements abordables en France.

Une attaque injustifiable contre la loi SRU

Sans surprise, le texte met en musique la volonté d’affaiblissement de la loi SRU annoncée par le Premier ministre lors de son discours de politique générale. L’article 1 propose d’inclure les Logements locatifs intermédiaires (LLI) dans les objectifs fixés par la loi SRU : à savoir, pour chaque ville de plus de 3 500 habitants, de se doter d’au moins 25 % de logements sociaux.

Présentée comme un outil au service de mixité sociale, la mesure interroge sur sa pertinence, à l’heure où le manque de logements touche en priorité les classes populaires, salariées au SMIC ou juste au-dessus, dont les revenus ont totalement décroché des prix, à la location comme à l’achat.

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« Ces logements locatifs intermédiaires s’adressent pour l’essentiel à un public très différent des demandeurs HLM, puisque les plafonds de ressources permettent d’y loger plutôt des cadres, jusqu’à 7 500 euros par mois pour un couple avec deux enfants dans des villes comme Lyon ou Lille », ont rappelé, dans un communiqué commun, la Fédération des acteurs de la solidarité (FAS), la Fondation Abbé Pierre (FAP) et l’Union sociale pour l’habitat (USH). Cette préférence pour le LLI est d’autant plus incompréhensible que le HLM est déjà une réponse pour les classes moyennes, 70 % des ménages étant déjà éligibles aux HLM.

Forte inquiétude sur la construction de logements adaptés aux besoins

Sans rapport avec la réalité de la demande, la mesure risque aussi d’affaiblir plus encore la construction annuelle de logements sociaux, qui a déjà chuté de près de 40 000 unités depuis l’arrivée au pouvoir d’Emmanuel Macron. Malgré le refus de certains maires de l’appliquer, la loi SRU a, tant qu’elle bénéficiait d’un soutien politique au niveau national, permis de donner un vrai coup de pouce à la construction de HLM et d’améliorer leur répartition sur le territoire.

« Vous offrez un cadeau aux villes qui contournent l’obligation de construire des logements sociaux. Le non-respect des obligations touche 63 % des villes concernées et représente un manque de près de 280 000 logements ! » accuse, dans un courrier adressé au ministre Guillaume Kasbarian, Emmanuel Grégoire, premier adjoint PS à la Maire de Paris et Jacques Baudrier, l’adjoint PCF en charge du logement.

Présenté en avant-première sur CNews, le projet de loi s’est doté de certains garde-fous. Ne pourront intégrer des LLI dans leurs programmes que les municipalités déjà dotées d’au moins 15 % de HLM et qui, précise le ministère, « ont signé un contrat de mixité sociale avec l’Etat dans lequel elles s’engagent sur une trajectoire et des moyens pour produire du logement social ». Néanmoins, l’inquiétude sur la construction de logements adaptés aux besoins est d’autant plus forte que la loi, dans son article 7, autorise les bailleurs à détenir 20 % de LLI au lieu de 10 % actuellement. Une possibilité qui pourrait s’avérer tentante alors que les diverses coupes budgétaires opérées depuis 2018 par le gouvernement ont grévé le budget des HLM de plus d’1,6 milliards d’euros par an.

Un surloyer dès le premier euro de dépassement du plafond

La loi présentée vendredi entend aussi « mettre fin au logement à vie », a proclamé le ministre du Logement. Pour cela, elle prévoit une série de mesures qui vont pénaliser les locataires HLM ayant connu une légère amélioration de leur niveau de vie. Le surloyer, ce complément jusque-là appliqué aux locataires dont les revenus avaient dépassé de 20 % les plafonds d’attribution, sera désormais mis en place dès le premier euro au-dessus desdits plafonds. Le texte prévoit aussi de réduire « de 50 % à 20 % le dépassement de plafond de ressources applicable dans le parc social », seuil au-delà duquel les locataires devront quitter leurs logements.

Ce durcissement – alors que des limites existaient déjà – va peser comme une épée de Damoclès sur des locataires HLM, dont, rappelle l’USH, 88 % ont des revenus inférieurs à 2 333 euros par unité de consommation. « Ça peut être des personnes qui ont 2 000 ou 2 500 euros de revenus », a expliqué sur RTL Christophe Robert, délégué général de la FAP. Mais quel logement vont-elles trouver ? La marche entre le coût du logement social et celui du locatif privé est parfois tel que l’inquiétude, c’est que les personnes ne trouvent pas de logement du tout ! » Présentée comme un outil de mobilité résidentielle et de justice sociale, la mesure doit selon le gouvernement permettre de « libérer » 30 000 logements sociaux pour répondre aux 2,6 millions de demandeurs. Une façon de faire payer aux pauvres des décisions gouvernementales qui ont fait chuter la production HLM de 40 000 logements…

« La porte ouverte au clientélisme et à la préférence communale »

Au motif qu’il faut les encourager à construire, la loi donne aussi la priorité aux maires sur la totalité des attributions de logements neufs. Or, comme l’a montré le sociologue Fabien Desage, les édiles ont tendance à appliquer, quand ils attribuent un HLM, la « préférence communale », en privilégiant les petites classes moyennes stables, déjà résidentes dans leurs communes. Dans la quasi-totalité des cas, c’est l’État qui, en utilisant le contingent dont il dispose, loge les plus pauvres, bénéficiaires des minima sociaux ou prioritaires DALO.

Si l’État se dessaisit de cette prérogative pour la donner aux maires, quelles places vont rester pour ces populations en difficulté dont personne ne veut ? Cette délégation aux élus comporte par ailleurs des risques important de discriminations. « Imaginez, quand vous êtes demandeur HLM dans une ville RN comme à Fréjus, sur qui va porter le droit de véto de David Rachline ? ! Au-delà des discriminations, c’est la porte ouverte au clientélisme et à la préférence communale », a souligné sur X (ex Twitter) Manuel Domergue, directeur des études de la FAP.

Autre nouveau motif d’inquiétude pour les ménages fragiles, déjà les plus touchés par le mal logement, la loi autorise les bailleurs à modifier les loyers à la relocation pour les ajuster sur ceux, beaucoup plus élevés, des logements neufs. « Cela aboutirait en quelques années à finir de faire disparaître le parc HLM à très bas loyer (autour de 5 €/ m²), qui est pourtant le seul encore accessible aux ménages pauvres. Comment faire accéder au logement des personnes sans-domicile dans ces conditions, dans le contexte de baisse des APL ? « s’est inquiété Manuel Domergue.

Malgré l’ambition affichée, difficile de voir comment cette série de régressions pourrait répondre au déficit de logements abordables dans un pays qui compte plus 4 millions de mal logés, et où le nombre de sans domicile a augmenté de 30 % en dix ans, pour atteindre 330 000 personnes. « Il faut développer une offre massive de logements. Il y a le feu et on propose une goutte d’eau », a martelé sur France info Emmanuelle Cosse, présidente de l’USH.

Fidèle à ses marottes libérales, le projet de loi porté par Guillaume Kasbarian ne s’occupe, en dehors d’un article destiné à permettre aux maires de libérer du foncier, que de la refonte du logement social, désigné à la fois comme seul responsable et comme seule solution à la crise. C’est pourtant une approche globale qu’il faudrait adopter, estiment dans leur courrier, les deux élus de la mairie de Partis. « Il est nécessaire, écrivent-ils, de réguler le parc immobilier privé. Car le fond du problème est sûrement ici : l’immobilier ne doit pas être vu comme une valeur spéculative. C’est un besoin fondamental et l’État doit en être le garant. »


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