« Marine Le Pen et Jordan Bardella ont rejoint le front bourgeois », estime Ian Brossat

Le porte-parole du PCF dénonce un « coup d’État qui ne dit pas son nom » à la suite de la nomination de Michel Barnier à Matignon, et fustige une entente tacite entre la Macronie, la droite et l’extrême droite.

 

Que pensez-vous de la nomination de Michel Barnier à Matignon ?

En faisant ce choix, Emmanuel Macron se comporte en agent provocateur. Rien ne justifie que le représentant d’un parti qui a fait 5 % des voix aux législatives et qui dispose de moins de 40 députés obtienne le poste de premier ministre. C’est parfaitement absurde et scandaleux, car c’est faire fi du vote des Français.

Cela revient à balayer d’un revers de main les aspirations qu’ils ont exprimées en portant en tête le Nouveau Front populaire. Nous vivons un terrible déni démocratique, car c’est la gauche qui a obtenu le plus grand nombre de députés et c’est donc Lucie Castets qui aurait dû être nommée à Matignon. Mais le but du président n’est pas de respecter nos institutions, il est avant tout d’empêcher toute alternative à sa politique.

Sommes-nous entrés dans une crise de régime inédite ?

Ce qui se passe tient du jamais-vu. Il suffit de lire la presse internationale pour voir à quel point l’image de la France est écornée. Nous avions la réputation d’être une grande démocratie, et nous sommes en train de devenir une démocratie illibérale. C’est insupportable.

Par millions, les Français se sont mobilisés dans la rue contre la réforme des retraites et le président n’en a tenu aucun compte. Ils ont exprimé leur rejet de sa politique aux européennes et aux législatives, et de nouveau le chef de l’État fait comme si de rien n’était… On dépasse ici toutes les limites, c’est un coup d’État qui ne dit pas son nom et qui appelle à refonder en profondeur notre régime.

Une petite musique est entretenue selon laquelle ce serait la faute de la gauche si Michel Barnier a été nommé à Matignon, car elle a refusé que ce soit Bernard Cazeneuve…

C’est un mensonge éhonté. La réalité, c’est que Macron a fixé deux critères dans son choix pour Matignon : la stabilité institutionnelle et le maintien de sa politique économique et sociale. Dès le départ, il avait annoncé que son futur premier ministre ne devrait ni retirer la réforme des retraites, ni augmenter le Smic. La question, ce n’était donc pas Lucie Castets ou Bernard Cazeneuve, c’était surtout que le chef de l’État excluait toute politique de gauche qui entrerait en rupture avec celle de 2017.

Le récit mensonger de la Macronie vise en réalité à effacer la volonté de Macron de sceller un pacte avec la droite et avec l’extrême droite de Marine Le Pen. Les Français voulaient le changement, mais le président leur impose la continuité. C’est la gauche qui gagne, mais c’est la droite qui gouverne. Voilà ce qui est en train de se passer.

Assiste-t-on à une inversion du « front républicain » contre la gauche ?

C’est d’un cynisme total : les macronistes ont sauvé leurs députés grâce au front républicain contre l’extrême droite, et maintenant ils s’apprêtent à sauver leurs ministres grâce à la bienveillance du RN. Ils ont gagné au tirage et au grattage contre toute espèce de cohérence, et à rebours du résultat des urnes.

Le RN, qui se revendique « antisystème », est-il en train de devenir la béquille du président des riches ?

Le RN s’est macronisé en scellant une alliance avec le président. Il a trahi ses électeurs une première fois en annonçant sa volonté de censurer Lucie Castets d’emblée, car cela revient à priver ses électeurs d’une hausse du Smic et d’une abrogation de la réforme des retraites.

Et il les a trahis une deuxième fois en adoubant Michel Barnier, un ultralibéral antisocial qui va mener la politique de la Commission européenne. Les électeurs du RN doivent donc savoir que madame Le Pen et Jordan Bardella ont au fond rejoint le front bourgeois qui a fait obstacle à l’avènement d’une politique de rupture avec celle de Macron.

Que peut faire la gauche ?

Désormais les choses sont claires : nous sommes la seule opposition à la politique de casse sociale qui va être menée par Michel Barnier, puisque tous les autres le soutiennent ou l’ont adoubé. La droite et le RN devront être tenus pour responsables des politiques menées par le futur gouvernement. Nous devons tenir bon et ne pas céder à une forme de désespérance. N’oublions pas que si nous n’avions pas construit le NFP, Bardella serait à Matignon.

C’est notre mobilisation qui a permis d’éviter ce scénario catastrophe. Désormais, il faut se tenir prêts et se mettre en stratégie de conquête pour disposer demain d’une majorité absolue à l’Assemblée. Car nous voterons la censure de ce gouvernement dès que possible. La morale de cette histoire, ce n’est pas qu’il faut être moins combatif, c’est qu’il faut l’être davantage.


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