Pour sa rentrée, ce mercredi, l’Assemblée nationale s’apprête à renouveler son bureau. Pour réduire le champ d’influence de la gauche, le camp gouvernemental semble prêt à tout, même à s’acoquiner avec l’extrême droite.

Ce qui se joue, c’est plus qu’une affaire de postes et de tambouille interne. Ce mercredi 1er octobre, à l’occasion de l’ouverture de la session ordinaire de l’Assemblée nationale, les députés font leur rentrée et elle s’annonce chargée.
Au programme : le renouvellement de vingt et un membres de son bureau (autorité collégiale composée de six vice-présidents du Parlement, trois questeurs et douze secrétaires), dès ce mercredi, et des membres des huit commissions permanentes, le lendemain.
« L’enjeu est de taille, c’est un peu comme le gouvernement de notre institution », observe Léa Balage El Mariky, députée écologiste. « C’est un moment de vérité », surenchérit Stéphane Peu, député PCF et coprésident du groupe GDR.
Braun-Pivet ne veut plus d’une gauche majoritaire au sein du bureau
Le partage de postes du bureau est régi par des règles bien établies. Dans un premier temps, celui-ci peut être conclu par un accord à l’amiable entre les différentes forces parlementaires à partir d’une répartition considérée comme juste pour l’ensemble de la représentation nationale.
Une voie qu’a voulu emprunter la présidente macroniste de l’Assemblée, Yaël Braun-Pivet, mais avec une drôle d’intention : offrir au Rassemblement national (RN) de Marine Le Pen des postes prestigieux par souci de représentativité, selon elle.
À savoir : deux vice-présidences de l’institution à Sébastien Chenu et Hélène Laporte. Tant pis pour le front républicain qui, en juillet 2024, a fait barrage à l’extrême droite aux portes de Matignon avant de le priver de postes clés à l’Assemblée. Mais pour Yaël Braun-Pivet, qui a mal vécu cette année de cohabitation avec une gauche majoritaire au sein du bureau, la fin de cette situation justifie les moyens.
Toutefois, ce lundi 29 septembre, la réunion des présidents de groupes n’a heureusement pas consacré ses plans. La gauche ayant refusé cette répartition proportionnelle qui équivaudrait à accepter de voir l’extrême droite intégrer le bureau. Seule la reconduction des trois questeures, Michèle Tabarot (LR), Christine Pirès Beaune (PS) et Brigitte Klinkert (Renaissance), a donné lieu à un consensus. Pour les autres fonctions, faute d’accord, il faudra donc passer par la voie du vote.
Chercher l’indulgence de l’extrême droite face à une potentielle censure
Cette opposition républicaine de la gauche n’enterre pas les espoirs du RN, loin de là, qui trouvent dans le socle gouvernemental de grands alliés dans cette quête de postes à responsabilité. Et pour cause, ceux-ci entendent proposer un bulletin avec six noms pour ce qui est de la course aux vice-présidences : deux provenant du camp gouvernemental, deux du Nouveau Front populaire (NFP) et deux autres du RN. Et pour ce qui est des secrétaires, le socle commun proposerait un bulletin avec un poste de secrétaire pour chaque groupe.
Sauf pour la formation de Jordan Bardella qui en aurait… deux ! Un plan qui pourrait donc être voté par le biais d’une alliance entre l’ensemble du camp gouvernemental et l’extrême droite. Soit 348 députés (bien au-delà de la majorité absolue fixée à 289 voix).
« Ça reste des adversaires, mais il est important de retrouver un équilibre entre les différentes forces », se justifie un député Renaissance. Pour les macronistes, c’est aussi là un moyen de s’assurer l’indulgence de l’extrême droite face à une potentielle censure du prochain gouvernement de Sébastien Lecornu.
Sur ce sujet, le NFP fait bloc
« Les macronistes ne peuvent pas dire combattre le RN et lui dérouler le tapis rouge dans des élections internes, il faut savoir ne pas vendre ses valeurs tout de même ! » clame le communiste Stéphane Peu. « Le camp gouvernemental s’apprête à briser le serment qui a été fait aux Français, le 7 juillet 2024, d’empêcher le RN d’avoir une influence sur la politique menée », alerte Benjamin Lucas, député Génération.s. « Il y a une volonté claire de la Macronie, par ces magouilles, de faire une place au RN au bureau pour réduire l’influence de la gauche », analyse pour sa part Mathilde Panot, cheffe des députés insoumis.
Du côté macroniste, on préfère jouer la carte des grands démocrates, oubliant au passage qu’il représente le camp du déni de démocratie répété (49.3 à foison, verdict des législatives ignoré, reconduction d’une politique rejetée par les Français…). « Il faut que chacun puisse être représenté en fonction de son poids électoral. Il n’y a pas de sous-députés. Cela nécessite donc un rééquilibrage du bureau », défend Marc Fesneau, député Modem et ex-ministre de l’Agriculture. « Les Français veulent que les instances des institutions correspondent à leurs aspirations », ose un ancien ministre.
Pour l’empêcher, le NFP, bien que divisé sur bien des dossiers, s’emploie à faire bloc pour empêcher le RN de « gagner en compétences et en responsabilité », mais aussi pour conserver ses postes clés : trois vice-présidences (les insoumises Clémence Guetté et Nadège Abomangoli et l’écologiste Jérémie Iordanoff) et neufs postes de secrétaires (actuellement dans les mains de trois écologistes, deux insoumis, deux socialistes et deux GDR). « Des discussions sont en cours pour déterminer nos candidatures en fonction du poids de chacun, mais un accord est en bonne voie. L’enjeu est trop important pour se déchirer », confie un insoumis.
Reprendre la main sur un moyen de contrôle de l’action du gouvernement
L’autre enjeu, pour la gauche, est également de conserver la présidence de ses commissions permanentes. Parmi elles, les très prisées commissions des Finances, des Affaires économiques ou des Affaires culturelles. Pour la première, traditionnellement réservée à l’opposition, les macronistes ont d’ailleurs tenté de diviser la gauche en proposant aux socialistes un drôle d’accord.
Pousser la nomination du député PS Philippe Brun en lieu et place de l’insoumis Éric Coquerel contre un soutien à Jean-René Cazeneuve (Renaissance) dans la course au poste de rapporteur général du budget, que le camp présidentiel entend chiper à Charles de Courson (Liot), jugé trop critique de l’action du gouvernement. Sans succès : les socialistes refusant de se couper du NFP.
« Ces commissions sont importantes car elles représentent un moyen de contrôler l’action du gouvernement et de remettre en question son travail », décrypte Aurélie Trouvé, députée LFI à la tête de la commission des Affaires économiques. D’où la volonté de la Macronie de reprendre la main. Qu’importe que cela passe par des alliances contre-nature.
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