Incarcéré mardi 21 octobre à la prison de la Santé, Nicolas Sarkozy a été reçu secrètement par Emmanuel Macron, vendredi dernier, confirment « Libération » et l’AFP. Quelques heures avant cette révélation, lundi 20 octobre, Gérald Darmanin a annoncé avoir prévu de rendre visite à l’ex-président, sous prétexte d’être inquiet pour ses « conditions de sécurité ».

© Dominique JACOVIDES/POOL-REA
Les semaines passent et les soutiens à Nicolas Sarkozy, qui doit être incarcéré mardi 21 octobre à la prison parisienne de la Santé, se multiplient. Largement appuyé par le champ médiatique et par la frange de droite – et d’extrême droite – de la classe politique, l’ex-chef d’État a reçu jusqu’au soutien du locataire de l’Élysée. Emmanuel Macron, en pleine tempête institutionnelle au vu du contexte politique, a pris le temps de recevoir l’un de ses mentors, vendredi 17 octobre, ont appris Libération et l’Agence France-Presse (AFP).
« Cela a bien été le cas », a confirmé l’Élysée au quotidien et à l’agence de presse, sans préciser les circonstances de cette entrevue. Interrogé à ce sujet, Emmanuel Macron n’y voit pas de controverse. Au contraire, le président de la République trouve cela « normal sur le plan humain » de recevoir Nicolas Sarkozy avant son incarcération. Près d’un mois après la condamnation de Nicolas Sarkozy à cinq ans de prison dans l’affaire du financement libyen de sa campagne présidentielle de 2007 et alors que le gouvernement Lecornu tente de survivre, l’invitation de l’ex-président sonne pourtant comme une faveur hors de propos.
Pas sur l’agenda officiel d’Emmanuel Macron
Sans même parler de la symbolique de dérouler le tapis rouge à un ancien élu condamné par la justice – il a fait appel et reste donc présumé innocent. La confidentialité était de mise en ce qui concerne la rencontre au palais présidentiel. Libération rappelle que ce rendez-vous n’apparaissait pas à l’agenda officiel d’Emmanuel Macron « et que l’Élysée, sollicité dès dimanche, n’a reconnu que lundi matin ». Le secrétaire général de l’Élysée, Emmanuel Moulin, s’est quant à lui rendu, mercredi 8 octobre, au pot de départ en détention de l’ex-chef d’État, révélait Mediapart.
Les déclarations du ministre de la Justice, Gérald Darmanin, qui a indiqué prévoir de rendre visite à Nicolas Sarkozy en prison – sous prétexte de s’inquiéter des « conditions de sécurité » lors de sa détention – n’aide pas à atténuer un sentiment de favoritisme. « Je ne peux pas être insensible à la détresse d’un homme, a ainsi osé lancer Gérald Darmanin en direct des studios de France Inter, dont il était l’invité dans la matinale du lundi 20 octobre. Le ministre de la justice peut aller voir n’importe quelle prison et n’importe quel détenu quand il le souhaite. »
Garant de l’indépendance de la justice, Emmanuel Macron s’est bien gardé de commenter la condamnation de son prédécesseur, hormis pour dénoncer les menaces dont les magistrats ont été les cibles. Le président de la République s’était aussi opposé à la suspension de la Légion d’honneur de Nicolas Sarkozy, suite à sa condamnation à trois ans de prison dont un ferme dans l’affaire Bismuth.
« C’est important pour les présidents, et les anciens présidents évidemment », avait-il plaidé. Une énième illustration d’une justice à deux vitesses, jugée laxiste quand il s’agit des cibles de la droite mais partisane quand elle touche l’un des leurs.
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La République des copains, pas celle des citoyens
Pendant que des milliers de détenus croupissent dans des cellules surpeuplées sans voir l’ombre d’un avocat ou d’un ministre, Nicolas Sarkozy, lui, bénéficie d’un traitement VIP. Emmanuel Macron le reçoit discrètement à l’Élysée, hors agenda officiel, juste avant son incarcération. Et Gérald Darmanin annonce tranquillement qu’il ira lui rendre visite en prison pour « s’inquiéter des conditions de sécurité ». On croit rêver.
Qu’un ancien président condamné pour financement illégal de campagne puisse bénéficier d’un tel soutien politique, en plein bras de fer institutionnel, ce n’est pas de “l’humanité”, c’est du piston de classe. Quand Macron dit que cette rencontre est « normale sur le plan humain », il oublie de préciser : humain mais seulement entre gens du même monde.
Darmanin, lui, découvre soudain qu’il existe des prisons en France. Il ne s’est jamais déplacé pour les détenus abandonnés, les suicides, les conditions indignes, les peines exécutées dans la misère. Mais pour Sarkozy, il trouve son GPS, son agenda et sa compassion.
Et on ose encore nous parler d’indépendance de la justice ? On ose encore nous faire la leçon sur l’égalité devant la loi ?
On se souvient que Macron s’était déjà opposé au retrait de la Légion d’honneur de Sarkozy après sa condamnation dans l’affaire Bismuth. On apprend aussi que le secrétaire général de l’Élysée s’est rendu à son « pot de départ en détention ». À ce niveau-là, ce n’est plus de la complaisance, c’est de la connivence assumée.
Quand un syndicaliste, un gilet jaune ou un jeune des quartiers passe au tribunal, il n’a droit qu’à la fermeté, aux peines exemplaires et au mépris. Quand un ex-chef d’État est condamné, il a droit aux honneurs, aux visites officielles et au silence complice.
Ce n’est pas un dérapage. C’est un système. La justice dite “républicaine” montre son vrai visage : dure pour les faibles, clémente pour les puissants. On ne parle pas d’humanité, on parle d’immunité sociale.
Pas besoin de grands discours sur l’unité nationale ou l’État de droit : la scène Macron-Sarkozy-Darmanin résume tout. On ne défend pas un homme incarcéré, on protège un membre du clan.
La République n’est pas menacée, elle est privatisée.