La Commune : 150 ans après, des combats brûlants d’actualité IN Humanité

La révolution de 1871 n’a duré que 72 jours. Si beaucoup de ses aspirations ont fini par obtenir gain de cause, d’autres restent inaccomplies mais gardent une puissante modernité. Travail, salaires, logement, égalité… L’écho de ses batailles, en phase avec notre époque, retentit encore et nous inspire. En témoigne la foule rassemblée samedi pour la traditionnelle montée au Mur des fédérés, à Paris.

DOSSIER 1871-2021 : La Commune au présent

Le 28 mai 1871, il y a cent cinquante ans, les troupes versaillaises achèvent d’écraser dans le sang la Commune de Paris. Cette formidable expérience populaire, démocratique et sociale est terminée. Adolphe Thiers et le « parti de l’ordre » s’acharnent même sur les survivants, afin de leur faire passer le goût de la révolution et d’intimider les générations futures.

En vidéo Une balade dans Paris, sur les traces de la « semaine sanglante »

Mais qu’a donc fait la Commune de Paris pour susciter une telle haine et une telle violence ? Qu’a-t-elle donc proposé, sur une période d’uniquement soixante-douze jours, pour que son souvenir ait une place si prépondérante dans l’histoire du mouvement ouvrier ?

Des basculements sociaux, voire civilisationnels

« Jamais sans doute événement aussi court n’a laissé tant de traces dans les représentations collectives », mesure l’historien Roger Martelli, président de l’association des Amis de la Commune de Paris. « Jamais révolution n’avait plus surpris les révolutionnaires », considérait même le communard Benoît Malon. Car l’insurrection du 18 mars, spontanée et impromptue, fait immédiatement face à une double menace : la présence de l’armée prussienne aux portes de Paris et celle des troupes de Thiers, qui attaquent la capitale dès le mois d’avril. La Commune de Paris, à peine installée, est donc confrontée à une guerre permanente.

Sur les 42 millions de francs qu’elle dépense, 33 millions sont attribués à la délégation à la guerre. Près de 75 % de son budget passent donc dans le soutien aux combats ! Que peut-elle bien réaliser à côté et inscrire au panthéon de notre histoire politique et sociale ? Le maximum possible ! « Malgré sa situation précaire, la Commune lance des basculements sociaux et parfois même civilisationnels », note Roger Martelli. Nombre des décrets qu’elle prend et des réformes qu’elle ébauche sont encore aujourd’hui d’une incroyable modernité et d’une brûlante actualité.

Paris, capitale du progrès

Paris redevient pour quelques semaines la capitale mondiale du progrès et de la citoyenneté. En pleine ébullition démocratique, les communards et les communardes se prononcent pour la séparation de l’Église et de l’État, qui ne reviendra qu’en 1905. Ils se mobilisent pour l’instruction laïque, gratuite et obligatoire, à destination des enfants des deux sexes, dix ans avant les lois Ferry. Ils brûlent les guillotines et se prononcent contre la peine de mort, sans pour autant légiférer. Elle ne sera abolie en France qu’en 1981. Autant de mesures phares qui seront ensuite reprises peu à peu, de la IIIe à la Ve République.

Mais la Commune va aussi s’attaquer à la question du travail et de la répartition de ses fruits. Elle met en place le tout premier ministère du Travail (dont le retour ne s’effectuera qu’en 1906). Elle interdit les amendes et retenues sur salaire opérées par le patronat. Elle fixe la journée de travail à 10 heures, contre 15 auparavant. Elle réglemente le travail de nuit, augmente les salaires pour les agents communaux et fixe un salaire minimum. Rien d’inconnu aujourd’hui ? Attendez : la Commune se prononce aussi pour une échelle des salaires afin de stopper les écarts de rémunération affolants. Ils sont actuellement de 1 à 860 dans plusieurs entreprises…

La Commune impose de plus l’égalité salariale entre les institutrices et les instituteurs. On attend toujours qu’elle s’étende à toutes les femmes et tous les hommes quelle que soit la profession. Elle organise enfin la réquisition des ateliers de production abandonnés par les patrons, et les remet aux travailleurs, qui se constituent en société coopérative. On parle aujourd’hui de Scop, où les salariés possèdent eux-mêmes les moyens de production et gèrent collectivement leur entreprise.

Le pouvoir du peuple, par le peuple, pour le peuple

La Commune se distingue surtout par son fonctionnement en démocratie directe pour l’ensemble de la société. Un pouvoir réellement du peuple, par le peuple et pour le peuple. « L’assemblée communale voulait répondre aux aspirations immédiates de la population, tout en refondant un nouvel ordre social dans le domaine économique, judiciaire et scolaire », note l’historien Pierre-Henri Zaidman. C’est ce qui la conduit à organiser un moratoire sur les dettes privées et à instituer la fin de la vénalité des offices pour assurer une justice indépendante et gratuite. Ou encore à attribuer des postes de ministres et de commandants à des citoyens étrangers, sur le simple critère de la compétence. Elle réquisitionne enfin les logements vacants pour les sans-abri, ce que nous sommes toujours incapables de faire.

À une heure où le gouvernement et la droite appellent à « éviter tout anachronisme » dès lors qu’il s’agit de lier politique et mémoire (que l’on parle de 1871 ou de Napoléon…), force est de constater toute la modernité de la Commune, dont les mesures prises il y a cent cinquante ans sont encore en phase avec les problèmes de notre époque. « Cela témoigne de la force d’anticipation de la Commune, de son caractère profondément novateur. Au final, elle s’est heurtée à un Adolphe Thiers qui défendait de façon absolue la propriété privée et donc la domination des possédants », note le député PCF Pierre Dharréville.

La République doit être pleinement démocratique

« La question démocratique et sociale a traversé les siècles et reste d’une violente actualité. Ce que nous dit la Commune, c’est que la République doit être sociale pour être pleine et entière. Elle nous dit aussi qu’elle doit être pleinement démocratique : lors de la Commune, l’acteur qui bouleverse le cours des événements, c’est le peuple de Paris », analyse le député FI Alexis Corbière. « Elle ouvre le champ des possibles grâce à l’implication pleine et entière des hommes et des femmes. Elle a été balayée, mais ce qu’elle proposait est peu à peu revenu. Il faut continuer de s’en inspirer », insiste Pierre Dharréville.

Où en sont aujourd’hui les questions du mal-logement, de la citoyenneté des étrangers, du temps de travail, des écarts de rémunération et de la propriété des moyens de production ? C’est cette actualité qu’a souhaité interroger « l’Humanité Dimanche », juste avant la traditionnelle montée au mur au Père-Lachaise, qui a lieu tous les ans en hommage à la Commune. Avec deux citations à l’esprit. L’une d’Eugène Varlin : « Tant qu’un homme pourra mourir de faim à la porte d’un palais où tout regorge, il n’y aura rien de stable dans les institutions humaines. » L’autre de Marx : « Les principes de la Commune sont éternels et ne peuvent être détruits ; ils seront toujours mis à nouveau à l’ordre du jour, aussi longtemps que la classe ouvrière n’aura pas conquis sa libération. »

Découvrez notre hors-série la Commune, un espoir mis en chantier

 

Revivez ces 72 jours de révolution, l’histoire de leurs acteurs et la richesse des débats qui leur succédèrent.

Disponible en kiosque et dans notre boutique en ligne.


L’Humanité célèbre les 150 ans de la Commune

… et tous nos articles sur le sujet

En vidéo


En savoir plus sur Moissac Au Coeur

Subscribe to get the latest posts sent to your email.

Donnez votre avis

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur comment les données de vos commentaires sont utilisées.