Les dotations horaires annoncent des fermetures de classes et de dispositifs pédagogiques utiles aux élèves les plus fragilisés par la crise sanitaire.
Pas très convaincant, Jean-Michel Blanquer, quand il veut jouer les prestidigitateurs. En décembre 2021, le ministère de l’Éducation nationale sortait triomphalement de son chapeau 1 615 « équivalents temps plein supplémentaires » dans l’enseignement secondaire pour la rentrée de septembre 2022. Un lapin blanc franchement miteux apparu grâce à une réforme de la formation initiale des enseignants qui envoie une partie des stagiaires à temps plein devant les classes. Au fond du chapeau : 440 suppressions de postes bien réelles. Depuis fin janvier, l’arrivée des dotations horaires globales (DHG) dans les collèges et lycées ne fait que confirmer cette crainte et suscite la colère.
Profs et parents se mobilisent
Grèves, blocages, rassemblements devant les inspections académiques… Les actions touchent toutes les régions et rassemblent souvent enseignants et parents d’élèves, inquiets des conditions de la prochaine rentrée. Le 11 février, le Snes-FSU, principal syndicat du secondaire, en recensait une cinquantaine. À Levallois-Perret, dans les Hauts-de-Seine, le collège Louis-Blériot était en grève le 8 février – 80 % des professeurs et 100 % de la vie scolaire, soutenus par les parents d’élèves. Dans cet établissement, la DHG risque de conduire à la suppression de trois classes : une sixième, une cinquième et une troisième. Conséquence : « En sixième, on va passer à 27 élèves par classe au lieu de 24 ou 25 jusqu’à présent », explique Marian Petitfils, professeur de mathématiques dans le collège (et cosecrétaire départemental du Snes-FSU). Et en troisième, « on sera entre 31 et 32 élèves par classe ! ».
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Non loin de là, dans la ville de Gennevilliers, le collège Guy-Môquet est l’un des deux établissements classés REP+ (éducation prioritaire renforcée) du département. Cette classification ne le met pas à l’abri des coupes claires dans ses moyens de fonctionnement pédagogique. Déjà à la rentrée 2021, la DSDEN (direction des services départementaux de l’éducation nationale) voulait y supprimer 60 heures d’enseignement. Mobilisation et négociations avaient permis de regagner, en deux fois, 30 heures.
Rebelote pour la rentrée 2022, où… 30 heures seraient à nouveau supprimées. « Cela nous oblige à choisir entre maintenir les effectifs par classe ou supprimer une classe – en l’occurrence en quatrième – pour pouvoir préserver des projets comme des demi-groupes en sciences et en français », témoigne Guillaume Auzou, professeur d’EPS dans le collège. Un choix que l’équipe a dû se résoudre à faire car ses élèves les plus fragiles ont besoin de ces dispositifs. D’autant que ces quatre dernières années, le collège a déjà perdu 95 heures hebdomadaires. Ce qui a conduit à la disparition d’une classe spécifique pour les élèves « grands décrocheurs », d’une partie des cours en coanimation en français et mathématiques, de cours d’aide en anglais et en histoire-géographie et – déjà – de demi-groupes en sciences et en technologie.
« Un refus de mettre les moyens »
« Partout, on constate que l’éducation prioritaire est particulièrement touchée », relève Sophie Vénétitay, secrétaire générale du Snes-FSU, qui cite l’exemple d’établissements dans l’académie d’Orléans-Tours que la réduction de leur dotation horaire conduit eux aussi à supprimer des dispositifs similaires. En cause : une modification dans les calculs plus ou moins savants régissant l’attribution des heures d’enseignement qui prend dorénavant plus en compte l’isolement et l’éloignement des établissements et moins le niveau social des élèves qui les fréquentent. Mais, précise la syndicaliste, « on ne va pas opposer le rural et l’éducation prioritaire : le problème, c’est d’abord l’insuffisance globale des DHG ! » Marian Petitfils, lui, se souvient qu’il a entendu des représentants des autorités académiques expliquer crûment que, « dans les établissements les plus favorisés, il n’y a plus rien à gratter, alors c’est le tour de l’éducation prioritaire »…
« Depuis l’arrivée de Blanquer, on n’a eu que des suppressions de postes dans le secondaire », rappelle Sophie Vénétitay. « Mais là, en plus, ils le font alors que depuis deux ans et demi les élèves subissent une scolarité sous Covid, avec une crise sanitaire qui a des conséquences pédagogiques lourdes. Ça signifie qu’on ne veut pas traiter le problème, qu’on refuse de mettre les moyens pour relever les défis de cette crise, et qu’on renvoie aux familles la responsabilité d’aider leurs enfants… si elles le peuvent. » Une réalité que les coups d’esbroufe de l’illusionniste de la rue de Grenelle ne parviennent plus à masquer.
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