Citoyennes, citoyens de gauche, militants soucieux de l’avenir de la biodiversité comme du climat, épris de justice sociale et de paix, ne restons pas spectateurs d’un grand cirque politique écrit en dehors du peuple et contre lui.
La France, ses conquis sociaux et démocratiques, son exception culturelle, son peuple si riche de sa diversité, qui tant de fois a répondu présent aux grands rendez-vous de l’Histoire, ne mérite pas l’affligeant spectacle qu’on lui impose à quelque quarante jours d’une élection décrétée majeure par les tenants d’un système qui agonise devant nous.
Sur cette pourriture pousse la haine, le racisme et la xénophobie la plus décomplexée. On n’avait rien vu de tel depuis les années 1930, avant que les forces de l’argent et une grande partie de leurs mandataires de droite ne se vautrent dans la collaboration. A force de ne jamais respecter ses engagements, de mépriser les gens de peu, de n’écouter que les puissants et leurs puissants intérêts, de s’inscrire dans les canons des traités libéraux européens renforçant les mises en concurrence, l’austérité, le dépeçage de nos atouts industriels et agricoles, de nos services publics et de notre exception culturelle, des forces politiques se sont discréditées. A force de promouvoir la rentabilité financière au premier rang de toute politique, de la protéger par des lois antisociales puis sécuritaires succédant aux lois d’urgence et scélérates, on aboutit à cette situation inquiétante dans laquelle nous n’avons plus un parti d’extrême droite mais deux, rivalisant dans l’ignoble.
Et voilà que la droite républicaine les copie dans une sorte de course dans l’abject et l’inhumain. Quand le ministre de l’intérieur, lors d’un semblant de débat avec la cheffe de l’extrême droite, lui a reproché d’être « trop molle », il a ouvert encore plus les vannes de l’infâme. A force de jouer avec le feu, à force de tordre notre histoire issue de la grande Révolution française pour décréter qu’il n’y a plus ni gauche, ni droite, le macronisme comme le lepénisme et le zémourisme, aidés par un média business tentaculaire et quelques abonnés des plateaux de télévision présentés comme des penseurs, empêchent tout débat sur le progrès humain et l’avenir de la planète. Avec pour objectif de contenir les choix autour du meilleur moyen d’accélérer la régression sociale, démocratique et culturelle.
C’est le cercle de « la raison capitaliste ». Ils décrètent bêtement la fin de la lutte des classes pour mimer entre eux « la lutte des clash ». Et que dire de cet incroyable vaudeville où se rallient au panache du président de la République, ensemble, d’anciens ministres socialistes et d’anciens ministres de droite qui se sont succédés au pouvoir puis dans l’opposition, sans trouver aucun mot assez dur pour fustiger, à tour de rôle, leurs opposants de pacotille.
Et du côté de l’extrême droite, ceux qui hier sont venus de la droite renforcer le Rassemblement national, changent à nouveau d’écurie pour rejoindre l’ancien scribouillard du Figaro et cracheur de haine sur C-News. Même au mercato de foot, les impétrants sont plus courtois et les spectateurs plus respectueux. Pour certains, les priorités ne sont pas l’avenir des prochaines générations mais leur avenir dans la prochaine élection. Oui, ce cirque est dégoutant, répugnant, ignoble à bien des égards. Je comprends dès lors que l’on doute de la chose publique, des partis et des responsables politiques. Je rencontre tous les jours des voisins, des amis qui me le disent. Mais chacune et chacun doit comprendre que toute cette mise en scène sert depuis des mois à bannir les idées de progrès et de gauche du débat public, à écraser les forces de gauche et de l’écologie, les syndicats, les mouvements associatifs, les chercheurs et penseurs progressistes dans leur diversité. Il en est ainsi car, malgré l’apparence, le système est menacé.
Mais on ne peut en rester là. Les enquêtes d’opinion qui estiment le total des voix de gauche aux alentours de 25% n’aboutissent à ce résultat que parce que l’autre moitié de ces électrices et électeurs n’est pas décidée à se déplacer, souvent par doute, par dégout ou en pensant qu’il n’y aurait rien à faire contre l’actuel mouvement. Pourtant, ce sont les aspirations sociales, démocratiques, écologique et de paix qui sont largement prioritaires dans ces mêmes enquêtes d’opinion.
Une électrice, un électeur de gauche sait que la formation d’un rapport de force où les extrêmes-droites feraient 34% dans le cadre d’un bloc des droites fort de 49% est gros de dangers. S’il s’abstenait, il contribuerait malgré lui au scénario du pire dans un contexte d’exacerbation d’une multiplicité de crises.
Une électrice, un électeur de gauche sait que s’il apporte son soutien au président de la République, il donne des forces à celui qui méthodiquement au nom de « l’apolitisme » oxygène le capital en détruisant tout ce que la gauche a construit dans son histoire : le droit à la retraite reculé à 67 ans dès le mois de juillet, puis la Sécurité sociale démantelée au bénéfice des assurance privées, la fonction publique remplacée par les cabinets privés, la torsion des mots autour des « cotisations sociales » baptisées « charges » pour poursuivre le démantèlement de l’hôpital public, le remodelage de l’école et de l’université aux canons du capitalisme mondialisé, le renforcement de l’austérité et l’augmentation des impôts indirects au nom du remboursement de la dette.
Au nom de l’intérêt des travailleurs, des retraités, de la jeunesse, des chômeurs et des précaires, l’enjeu pour les forces de gauche n’est donc pas de se répartir 25% de celles et ceux qui ont d’ores et déjà choisi de voter pour l’un de ses candidats, mais de créer un mouvement d’émulation dans le débat et l’action pour en conquérir ensemble plus de 50%. Ce n’est pas le transfert de voix d’un candidat à l’autre qui permettra de construire une perspective politique nouvelle mais le gain en influence de chaque force. C’est la progression de chaque candidat qui fera progresser l’ensemble et peut permettre à un candidat issu de la gauche d’être au second tour pour battre les politiques de régression sociale, économique, culturelle, démocratique et écologique que veut mettre en œuvre le quatuor de tête désigné par les sondages.
Des conditions nouvelles seraient ainsi créées pour un pacte d’engagement législatif et gouvernemental commun porté par une majorité de gauche à l’assemblée nationale. Plus les militants soutenant les différents candidats de gauche mèneront le débat dans la rue, dans leurs entreprises, bureaux ou villages plus ils feront reculer la tentative « d’hégémonie culturelle » du proto-fascisme rampant. Fabien Roussel y a récemment insisté lors du rassemblement tenu à Montreuil : « Je ne veux pas retirer des voix aux autres candidats de gauche, mais aller en chercher de nouvelles, renforcer la gauche pour qu’elle soit de nouveau majoritaire » a-t-il lancé.
Tel est en effet l’enjeu des jours à venir. La cordialité, voir la fraternité entre militants marchant si souvent côte à côte, partageant tant d’objectifs et de valeurs communes, agissant ensemble dans les assemblées élues et dans le mouvement social, sont parties intégrantes de ce combat. Retenons cette apostrophe de Walter Benjamin : « Laisser aller le cours des choses, voilà la catastrophe ». Ensemble ne laissons donc pas aller le cours des choses… Pleinement de gauche, pas spectateurs!
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