Vers un retour de l’École normale d’instituteurs ?

Revenir à un concours en fin de licence et permettre des prérecrutements rémunérés, pourquoi pas dès l’après-bac : ce sont les propositions chocs de la mission flash de l’Assemblée nationale, pour résoudre la crise de recrutement dans le primaire.

Le recrutement de nouveaux professeurs est un enjeu majeur pour l'avenir de l'école. © Fréderick Florin AFP

Le recrutement de nouveaux professeurs est un enjeu majeur pour l’avenir de l’école. © Fréderick Florin AFP

Sous Jean-Michel Blanquer, l’une était la voix parlementaire qui portait et défendait les projets du ministre. L’autre, coprésident de la FCPE, était l’un des plus véhéments opposants – et l’une des principales cibles – de ce dernier, juste après les syndicats. Effet de l’absence de majorité absolue à l’Assemblée nationale : c’est ensemble que les députés Cécile Rilhac (Renaissance) et Rodrigo Arenas (Nupes-LFI) ont conduit, pour la commission des Affaires culturelles et de l’éducation, la mission flash « sur le recrutement, l’affectation et la mobilité des enseignants du premier degré ». Ils ont rendu leur copie le 23 novembre, sans masquer leurs divergences et avec quelques propositions qui pourraient bousculer le Landerneau de l’éducation nationale, en tête desquelles figure celle de (re) mettre en place un recrutement dès la licence, voire dès le bac.

Une formation sur cinq ans, dès l’après bac, avec une rémunération

Le premier trait notable de ce travail, c’est qu’il ne retient guère ses critiques vis-à-vis du système actuel et de certaines des réformes menées par Jean-Michel Blanquer. Au premier rang, celle de la formation, dont on sait qu’elle a joué un rôle dans l’exacerbation, à la rentrée 2022, de la crise de recrutement. Le déplacement du concours de professeurs des écoles à la fin de la deuxième année de master, au lieu de la première, « repousse d’une année l’obtention d’un salaire, entraîne une charge de travail excessive pendant cette dernière année et rend plus difficile la réorientation en cas d’échec, autant d’éléments dissuasifs voire rédhibitoires pour un grand nombre de candidats potentiels », expliquent les deux auteurs. Ils proposent donc de déplacer l’épreuve dès la fin de la 3 e année de licence, comme c’était le cas avant 2010, en la faisant suivre de deux années de formation rémunérée, éventuellement en alternance. Mais, pour éviter le « décrochage » de qualification par rapport au secondaire et rester à bac + 5, la titularisation dans la fonction publique resterait conditionnée à l’obtention du master.

Cette petite révolution s’accompagnerait de « la création de véritables écoles de formation des futurs enseignants » – que ne seraient donc pas, pour les deux députés, les actuels Inspé (Instituts nationaux supérieurs du professorat et de l’éducation). C’est aussi leur principal point de divergence : quand Cécile Rilhac veut des « écoles de professionnalisation » après la licence, Rodrigo Arenas va plus loin en reprenant une proposition qui figurait, avec diverses nuances, au programme de plusieurs candidats de gauche à la présidentielle. Il s’agirait de proposer aux candidats une formation sur cinq ans, dès l’après bac, offrant une rémunération en contrepartie d’un engagement de service. Une sorte de retour à l’École normale d’instituteurs, avec ce que celle-ci impliquait de véritable mixité sociale dans le recrutement… mais à bac + 5.

La participation des syndicats, « à restaurer impérativement »

L’autre grand domaine de critique est celui des affectations. La situation dans ce domaine « n’est plus acceptable », avertissent les deux co-rapporteurs. Les incertitudes sur les affectations et mutations, les conditions de travail, les évolutions de carrière sont telles – ajoutées aux conditions de rémunération – qu’elles ont un effet dissuasif sur de nombreux candidats potentiels.

Également dans le viseur : la suppression depuis 2019 des commissions administratives paritaires, où les décisions étaient prises avec l’apport et sous le regard des syndicats. Cécile Rilhac et Rodrigo Arenas reconnaissent que cette mise à l’écart des syndicats et l’opacification des décisions qu’elle a entraîné ont suscité « une incompréhension et une défiance des personnels vis-à-vis de l’institution ». La participation des élus syndicaux, écrivent-ils, « est à restaurer impérativement, pour rétablir de la confiance dans le processus » et aussi, en favorisant une appréciation fine et plus humaine des situations, éviter des injustices.

Mais cela ne suffira pas. Dans les territoires les plus déficitaires, un cercle vicieux devra être brisé : les enseignants les évitent parce que les conditions d’exercice y sont – à tort ou à raison – réputées plus difficiles et qu’il est devenu difficile d’en partir… parce qu’il n’y a pas assez de candidats. Les diverses primes « ne peuvent suffire à résoudre » ce problème, écrivent les députés : il faut améliorer les conditions de travail, valoriser les acquis de l’expérience – y compris pour les néotitulaires en reconversion professionnelle – et agir « sur les leviers du logement, des transports ou encore du salaire ».

Vaste programme, en vérité, pour une mission flash dont le propos n’était pas de bouleverser le système, en tout cas au départ. Reste à savoir ce que deviendront ces propositions. Elles sont en tout cas versées au débat, en attendant que les parlementaires et surtout les premiers concernés, les enseignants eux-mêmes, décident – ou pas – de s’en saisir.


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