« Un prof devant chaque classe » : comment la promesse de Macron s’est heurtée à la réalité

Face aux promesses d’Emmanuel Macron mettant un enseignant devant chaque classe, le Snes-FSU oppose les faits : l’enquête menée à la rentrée par le syndicat montre qu’il en manque au moins un dans 48 % des établissements du second degré. Les explications de Sophie Vénétitay, porte-parole de l’organisation.

« Nous savons par les témoignages qui nous sont remontés que certains établissements, le jour de la rentrée, comptaient jusqu’à 3, 4 voire 5 professeurs manquants – le « record » étant de 8 », explique Sophie Vénétitay, porte-parole du Snes-FSU.© AFP

 

« Un professeur devant chaque classe » : la promesse du gouvernement n’est pas tenue. Principal syndicat des enseignants du secondaire, le Snes-FSU a mené sa propre enquête : sur un échantillon représentatif de 500 collèges et lycées généraux, près d’un sur deux (48 %) manque d’au moins un enseignant.

En outre, ce décompte a été arrêté, vendredi 8 septembre, au terme de la première semaine de cours, donc en laissant à l’administration de l’éducation nationale le temps de réagir – et normalement, de remédier – aux premiers manques constatés. Pour Sophie Vénétitay, porte-parole du syndicat, cet échec avéré doit conduire le gouvernement à prendre en compte les vraies urgences que sont les salaires et les conditions de travail du personnel.

Les résultats de l’enquête vous ont-ils surpris ?

Non, malheureusement. Nous savions que les promesses de Gabriel Attal et d’Emmanuel Macron en la matière n’étaient pas tenables, tant elles étaient hors-sol. Là où nous attendons le ministre à présent, c’est sur sa capacité à se reconnecter au réel et la réponse qu’il entend apporter à ce problème.

Existe-t-il des académies, des disciplines plus ou moins touchées par le manque d’enseignants ?

Toutes les académies sont concernées. On peut toutefois distinguer deux des trois académies d’Île-de-France, Créteil et Versailles où, respectivement, 60 % et 55 % des établissements manquent d’au moins un professeur – tandis qu’à l’inverse, en Dordogne, dans l’académie de Bordeaux, on avait, vendredi dernier, un tiers « seulement » des établissements touchés par les absences.

Les disciplines où on a le plus de mal à faire le plein au moment des concours de recrutement sont, sans surprise, celles où les manques sont les plus prononcés : lettres modernes, anglais… Signalons encore celles où on peine en outre à recruter des contractuels, comme les mathématiques, l’économie-gestion ou les sciences et techniques de l’ingénieur. Quand on a un bac + 5 en mathématiques, en marketing ou qu’on sort d’une école d’ingénieurs, on a du mal à voir l’intérêt d’être recruté comme contractuel dans l’éducation nationale…

A-t-on une idée du nombre d’établissements où il manque plus, voire beaucoup plus, d’un enseignant ?

Non, mais nous savons par les témoignages qui nous sont remontés que certains établissements, le jour de la rentrée, comptaient jusqu’à 3, 4 voire 5 professeurs manquants – le « record » étant de 8. Ces absences ont pu être compensées au fil de la semaine par l’arrivée, notamment, de personnel contractuel. Au passage, notons que cela marche dans les deux sens : dans mon propre établissement, un stagiaire ne s’est pas présenté, et un contractuel est parti dès le deuxième jour. Et ce ne sont pas des cas isolés…

La situation s’est-elle améliorée par rapport à l’an dernier ?

On ne peut pas vraiment comparer : l’an dernier, nous avions arrêté les comptes le 3 septembre, dès le lendemain de la rentrée. À cette date, 60 % des établissements manquaient au moins d’un professeur. En considérant que cette année on est à J + 6, on peut se dire que c’est mieux… ou constater qu’au bout d’une semaine, le progrès est insuffisant.

Le ministre Gabriel Attal lance, à partir de mercredi 13 septembre, une « grande concertation » sur le thème de l’attractivité du métier. Qu’allez-vous lui dire ?

Que ces résultats signent l’échec du « choc d’attractivité » promis par Emmanuel Macron. Et que, pour nous, les salaires et les conditions de travail constituent les sujets sur lesquels il faut agir en priorité, non la qualité de vie au travail ou l’accompagnement dans le métier – qui sont certes des sujets, mais pas aussi essentiels. Dans une vision à moyen ou long terme, la question du management doit également être posée. Le pilotage par les chiffres, l’absence d’écoute, notamment au sujet des dernières réformes, font énormément de mal. Nous avons beaucoup de collègues qui nous disent « mon métier n’a plus de sens », parce qu’on leur demande de faire des choses qui ne correspondent pas aux raisons pour lesquelles elles et ils se sont engagés dans ce métier.

Une semaine après la rentrée, si vous aviez un message à adresser aux familles, aux parents d’élèves, quel serait-il ?

Ce serait de leur dire que, quand on se bat pour nos salaires et nos conditions de travail, cela conditionne la capacité de notre pays à recruter les enseignants de demain. Ce faisant, nous défendons l’avenir du service public, et cela constitue un enjeu pour tout le monde, les élèves et leurs parents, et pas seulement pour les personnels.


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