Sous-financement du primaire, professeurs parmi les plus mal rémunérés, déséquilibre des enseignements au profit des « fondamentaux » : l’étude annuelle de l’OCDE montre un système éducatif français inégalitaire et sous-financé.
Des dépenses un peu au-dessus de la moyenne pour des résultats qui restent inégalitaires, des enseignants toujours sous-payés. Pas grand-chose de nouveau sous le soleil de la France scolaire, est-on tenté d’écrire après la présentation, mardi 12 septembre, de la grande enquête annuelle de l’OCDE (Organisation de coopération et de développement économique), « Regards sur l’éducation ».
Pourtant, avec la promotion tous azimuts de l’apprentissage et la réforme du lycée professionnel, notre pays fait figure de bon élève d’une organisation idéologiquement marquée, puisque née – rappel – au sortir de la Seconde Guerre mondiale pour veiller à la mise en œuvre du plan Marshall en Europe.
Il faut le savoir pour décrypter Regards sur l’éducation, qui demeure malgré tout une précieuse source de données sur les systèmes scolaires des pays membres de l’OCDE, dont le nôtre. À commencer par la mesure de l’investissement dans l’éducation. Ainsi, quand l’étude relève que plus les pays sont riches, plus leurs dépenses éducatives sont élevées, elle n’enfonce pas, malgré les apparences, une porte ouverte.
Les fameux « fondamentaux » occupent déjà 59 % du temps scolaire
Si la dépense française est logiquement supérieure à celle de la moyenne de l’OCDE (13 545 dollars par élève et par an, contre 12 647), elle est inégale. Toujours en regard de la dépense moyenne dans l’OCDE, la France investit ainsi 2 % de plus par élève au niveau du collège, 4 % de plus dans le supérieur, mais 32 % de plus pour le lycée et, à l’inverse, 9 % de moins dans l’élémentaire.
En outre, les dépenses françaises dans l’élémentaire et le supérieur ont baissé de 2,9 % entre 2019 et 2020, alors qu’elles ont augmenté de 0,4 % dans l’OCDE. Ce qui n’a pas empêché Gabriel Attal, présent lors du dévoilement de l’étude, de se vanter que le budget consacré par la France à l’éducation « n’a pas cessé de progresser depuis la première élection d’Emmanuel Macron »…
Autre élément à relever : dans l’élémentaire, la France consacre « la proportion la plus élevée de tous les pays de l’OCDE » à « la compréhension de l’écrit (…) et aux mathématiques » : les fameux « fondamentaux », qui occupent déjà 59 % du temps scolaire et dont le nouvel occupant de la rue de Grenelle entend toujours faire la force de frappe du « choc des savoirs » qu’il met en avant.
Cela malgré, soulignons-le au passage, un temps total d’instruction qui est en France très nettement supérieur – 8 192 heures sur neuf ans, contre 7 634 heures – à la moyenne de l’OCDE. Ce qui n’empêche pas l’organisation, toujours par la voix de son secrétaire général, de recommander d’offrir « dès leur plus jeune âge » aux élèves « une orientation professionnelle de qualité ».
Hasard ou coïncidence ? On sait qu’Emmanuel Macron veut imposer aux collégiens dès la classe de 5e des séances de « découverte des métiers », avant d’enchaîner avec une réforme du lycée professionnel dont la mission unique serait désormais de répondre à court terme aux besoins de main-d’œuvre du tissu économique local. Soit, à la lettre, les orientations suggérées par l’OCDE.
Un prof de collège français gagne la moitié du salaire de son collègue allemand
Et les professeurs dans tout ça ? Pour Mathias Cormann, secrétaire général de l’OCDE, « il faut veiller à ce que les enseignants aient de bonnes perspectives » de carrière, afin « d’attirer les meilleurs » et de les conserver. Or, avec des effectifs par classe parmi les plus élevés de l’OCDE et un temps de présence devant élèves plus important, en particulier dans le primaire, les enseignants français demeurent parmi les plus mal rémunérés.
En primaire, le salaire effectif moyen se monte à 45 320 dollars/an, contre une moyenne OCDE s’établissant à 48 023 dollars/an. C’est à peine mieux au collège (50 609 dollars/an au lieu de 49 911 dollars/an) et au lycée (56 037 dollars/an contre 53 119 dollars/an).
Encore faut-il comparer ce qui est comparable au sein de l’OCDE, et les pays riches comme la France aux autres pays riches. Exemple : en début de carrière au collège, un prof français gagne 37 720 dollars/an. S’il était espagnol, il toucherait 12 000 dollars de plus (49 905 dollars/an) et… plus du double (77 905 dollars/an) s’il était allemand !
Entendre après cela Gabriel Attal vanter sans sourciller sa fameuse « revalorisation inédite » de « 125 à 250 euros net en plus par mois » avait quelque chose de tragique. Si, comme l’explique l’OCDE, l’avenir d’un pays se jauge à son investissement dans l’éducation, nous voilà fixés sur l’ambition de la Macronie pour la France.
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