Les HLM poussés au bord du gouffre
Le déficit de logements, à destination notamment des classes populaires, est sans précédent. Mais le gouvernement reste aveugle à la crise et continue de croire que ce secteur doit permettre de faire des économies budgétaires.
Les bailleurs sociaux sont moins que jamais en position de répondre à la demande. En 2023, la production « sera en berne », résumait Emmanuelle Cosse, présidente de l’Union sociale pour l’habitat (USH), à quelques jours du 83e congrès des HLM qui se tient à partir de ce mardi 3 octobre à Nantes. Les remontées du terrain indiquent que moins de 90 000 logements sociaux seront construits cette année, moins qu’en 2022, et très loin des 125 000 en 2017.
À plus long terme, les perspectives sont encore plus inquiétantes. Le rapport annuel prospectif de la Banque des territoires, pourtant modéré, évoque seulement 65 000 nouveaux logements HLM à partir de 2028. Faute de moyens suffisants, la rénovation de plus de 100 000 logements par an, nécessaire au respect de la Stratégie nationale bas carbone (SNBC) comme au bien-être des locataires, se fera nécessairement au détriment de la construction, analyse l’organisme. « Le secteur n’est plus en capacité financière de soutenir le plan d’investissement présenté en 2022 », estime-t-il.
Des besoins inégalés
Les besoins n’ont pourtant jamais été aussi importants. Fin 2022, le nombre de demandeurs de HLM a atteint le niveau inédit de 2,42 millions, soit 7 % de plus qu’en 2021. « Toutes les régions sont touchées. En Bourgogne – Franche-Comté, la demande a ainsi augmenté de 7 %. Laval et Angers sont désormais considérés comme des zones tendues. Nous n’avons plus de logements vides », insiste Emmanuelle Cosse.
Cette demande est alimentée par la crise de l’offre dans le secteur du locatif privé. « Comme il n‘y a plus de parc libre à louer, on assiste à un report sur le logement social », analyse la présidente de l’USH. Dans une étude divulguée en amont du congrès, l’organisation calcule que, entre 2024 et 2040, il faudrait créer 518 000 nouveaux logements par an, dont 198 000 HLM, pour répondre aux évolutions démographiques liées notamment à la hausse des séparations, et résorber le mal-logement.
L’inflation n’épargne pas le secteur
Si la chute de la production de HLM a des explications conjoncturelles, elle est d’abord le fruit des attaques du pouvoir macroniste. Et l’inflation n’épargne pas le secteur. Elle renchérit les coûts de construction et augmente fortement la dette des bailleurs, indexée sur le livret A. « Avec un taux passé de 0,5 à 3 % en un an, les charges d’intérêts des organismes de logement social se trouveront alourdies de 3,75 milliards d’euros, impactant très lourdement leurs résultats d’exploitation et leur capacité à investir », rappelait déjà l’USH en janvier.
Pour maintenir leur trésorerie, les bailleurs HLM vendent donc de plus en plus. Mais, si cette dette pèse tant, c’est surtout parce que, depuis 2018, l’État non seulement a cessé toute aide budgétaire, mais ponctionne, en outre, tous les ans, autour d’un milliard d’euros aux organismes HLM, les contraignant à accroître leur dépendance à l’emprunt.
Désinvestissement de la puissance publique
Ces attaques s’accompagnent d’un déni, alors que l’ensemble des acteurs du logement tirent depuis des mois la sonnette d’alarme. « Nous avons le sentiment qu’il y a un réel désinvestissement de la puissance publique vis-à-vis du logement, à la fois sur le plan économique et, surtout, d’un point de vue idéologique », résume Emmanuelle Cosse. Selon elle, plusieurs « croyances » circulent dans les cercles du pouvoir, à commencer par l’idée qu’il n’y aurait plus besoin de nouveaux logements, la rénovation étant censée seule répondre aux besoins.
« On retrouve cette idée dans un rapport du Trésor, mais il oublie le besoin de logements lié aux séparations. Il n’intègre pas non plus l’immigration dans l’évolution de la population et ne prend en compte ni la suroccupation ni le mal-logement », détaille la présidente.
Sur le même thème
La vision est d’autant plus hasardeuse qu’en matière de rénovation énergétique, le gouvernement se contente de fixer un calendrier sans se pencher sur les moyens d’y parvenir, comme le démontre encore l’absence, dans la prochaine loi de finances, de fonds destinés à aider les organismes HLM à atteindre les objectifs.
Malgré l’échec de cette politique, démontrée par la profondeur de la crise actuelle, l’exécutif continue à croire inutile toute intervention de l’État. Ce dogmatisme s’accommode de la dégradation des conditions de logement pour tous ceux qui sont mal logés et du renchérissement du coût de ce qui est désormais la première dépense des Français. « Cette crise, si elle continue, prévient Emmanuelle Cosse, on en payera tous collectivement le prix, d’un point de vue social, mais aussi politique et démocratique. »
Lire aussi:
Derniers avis