Elles furent crées en 1924, dans le but de contribuer au développement de la production alimentaire alors que la seconde guerre mondiale avait tué beaucoup de paysans. Un siècle plus tard, les « Chambres d’agriculture », qui rayonnent sur les départements, disent vouloir privilégier notre souveraineté alimentaire tout en contribuant à freiner le réchauffement climatique en cours.
Il y avait foule mercredi soir dans les locaux du siège parisien des Chambres d’Agriculture pour les vœux du président Sébastien Windsor en cette année 2024. Car il s’agissait aussi du centième anniversaire de la création de cette structure de conseils aux agriculteurs. Elle fut mise en place en 1924, suites aux privations alimentaires qui se prolongèrent après la première guerre mondiale, laquelle fit mourir beaucoup de paysans dans les tranchées tandis que les épouses tentaient de survivre sur l’exploitation.
Dans la foule présente à Paris ce mercredi soir 10 janvier, jour de la Saint Guillaume, un vieil homme m’a tendu la main en me disant qu’on s’était déjà vu quelque part. J’ai toute de suite reconnu François Guillaume, un producteur de lait de Meurthe-et-Moselle, dont j’ai couvert les activités comme journaliste à partir de 1983. Il était alors président de la FNSEA depuis 1979.
François Guillaume de la FNSEA au ministère de l’Agriculture
Quand je l’ai informé de mon identité, il m’a rappelé, qu’en novembre 1985, il avait invité Georges Marchais pour donner sa vision de l’agriculture devant les militants de la FNSEA en même temps que Jacques Chirac, Valéry Giscard d’Estaing et Lionel Jospin. Au printemps 1986, François Guillaume fut nommé ministre de l’Agriculture quand Jacques Chirac succéda à Laurent Fabius, comme Premier ministre de François Mitterrand. Plus tard, l’ancien président de la FNSEA sera élu député au Parlement européen pour un mandat, puis député de Meurthe-et-Moselle à l’Assemblée nationale jusqu’en 2007.
Président des chambres d’Agriculture depuis 2020, Sébastien Windsor n’avait que 9 ans quand Français Guillaume devient président de la FNSEA. A la tête d’une importante exploitation sur la commune de Vieux Manoir en Seine-Maritime, Sébastien Windsor élève des porcs charcutiers et produit assez de céréales et de protéines végétales pour nourrir ses animaux, ce qui permet aussi recycler la paille avec les déjections animales pour en faire des fertilisants. Avant la réception officielle, Sébastien Windsor avait tenu une conférence de presse devant une trentaine de journalistes.
Quel rôle pour les Chambres en 2024 ?
L’actuel président des « Chambres » porte un regard réaliste et lucide sur la situation de l’agriculture de notre pays et sur la manière dont il conviendrait de la faire évoluer dans les prochaines décennies. Il affirme qu’avec « 102 établissements répartis sur l’ensemble du territoire, les Chambres d’ agriculture accompagnent et représentent les agriculteurs dans les réponses à apporter aux différents enjeux et aux équilibres parfois complexes entre environnement et économie, productivité et biodiversité, développement de l’activité et revenu, attractivité des métiers et transmission des exploitations ».
Quand on prend connaissance des différentes étapes franchies par les Chambres d’agriculture dans le dossier de presse de 17 pages, on découvre que les choses ne furent jamais simples, surtout depuis la réforme de la Politique Agricole Commune de 1992, puis la modification planétaire de la commercialisation des produits agricoles, suite à la création de l’Organisation mondiale du commerce (OMC), dans le cadre du cycle d’Uruguay round qui entra en vigueur en 1995.
Depuis, les prix agricoles mondiaux à commencer par les céréales, le lait et les animaux de boucherie, font l’objet de spéculations permanentes, à la hausse ou à la baisse, sans tenir compte de l’évolution des coûts de production. Cela pénalise souvent les agriculteurs et les consommateurs, à tour de rôle, mais aussi en même temps. En France, il a suffit que l’offre de produits issus de l’agriculture biologique dépasse légèrement la demande depuis deux ans pour que les prix payés aux producteurs qui ont fait cette conversion ne couvrent plus les coûts de production. Nous avons montré dans nos trois précédents articles publiés cette semaine que ce fut également vrai pour les produits « conventionnels » dans les filières des céréales, du lait de vache, de la viande bovine et de la viande porcine.
Sortir la production agricole de l’organisation en silo
Dans sa conférence de presse, Sébastien Windsor a évoqué la nécessité de « sortir de l’organisation en silo», dans chaque filière de la production agricole. Selon lui, la baisse de la production de viande bovine, ovine et porcine ces dernières années en France et en Europe résulte de causes multifactorielles dont font partie les astreintes liées à l’élevage, comme la traite des vaches deux fois par jour, la nécessité de nourrir le bétail 365 jours par an. S’y ajoutent les aléas climatiques de plus en plus nombreux dont les sécheresses estivales, puis les inondations, les prédations contre les troupeaux par les loups et les ours, mais aussi les critiques virulentes de certaines associations contre les éleveurs. Partant de ce constat, Sébastien Windsor estime qu’il vaut mieux avoir un élevage de 150 vaches laitières avec trois actifs que trois élevage de 50 vaches avec chacun un actif de manière à pourvoir se libérer du temps à tour de rôle pour les vacances et les week-end.
Lors de la réception qui s’est déroulée après la conférence de presse, Marc Fesneau, proche de François Bayrou et ministre de l’Agriculture et de la Souveraineté Alimentaire, a été invité à prendre la parole. Il est, selon Sébastien Windsor, le 75ème ministre de l’Agriculture en France depuis la création des Chambres en 1924. Quatre autres s’étaient succédé à ce poste durant le premier quinquennat d’Emmanuel Macron à l’Elysée. Evoquant « le moment d’incertitude » dans lequel il se trouvait dans l’attente de la formation du gouvernement Attal, Marc Fesneau a ajouté qu’il se contentait « d’expédier les affaires, courantes». Hier soir on apprenait qu’il était reconduit comme ministre de l’Agriculture et de la Souveraineté Alimentaire.
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