Après plusieurs semaines de mobilisation des agriculteurs, quel bilan tirer des annonces gouvernementales ?
Les mesures présentées par le Premier ministre s’inscrivent dans la continuité des choix libéraux : un énième plan d’urgence pour l’agriculture, qui ressemble à tous les plans précédents. Le disque est rayé. Pourquoi ? Parce que le pouvoir se refuse à prendre des mesures fortes sur les enjeux structurels. Les revendications des agriculteurs portaient d’abord sur la question des prix d’achat et sur celle des protections face aux productions importées. C’est justement là où le pouvoir reste l’arme au pied.
Quelles mesures vous paraissent prioritaires ?
Nous demandons de longue date, qu’aux côtés de la profession, l’État intervienne non seulement dans la détermination des prix de vente, mais aussi dans la répartition de la valeur ajoutée sur l’ensemble de la chaîne de valeur.
Il faut construire une économie agricole régulée, avec des outils et des institutions efficaces : commissions permanentes pour la définition de prix minimum, coefficient multiplicateur, interdiction des pratiques commerciales abusives. L’État s’y refuse pour une raison très simple : il ne veut pas contraindre, ni mettre en cause les critères de rentabilité des groupes de l’industrie agroalimentaire et de la distribution. Si les lois Egalim sont en échec, c’est bien parce qu’il manque ces outils fondamentaux d’intervention publique.
Et sur le volet des accords commerciaux et du libre-échange ?
Là-aussi, le pouvoir fait mine de temporiser et d’agir au plan européen, notamment sur les négociations avec le Mercosur. Mais dans les faits, il n’y a aucune remise en cause des grandes orientations en faveur de la libéralisation des échanges. L’agriculture reste un secteur-clé de la conclusion des accords. Les volumes d’importation de produits agricoles sans droits de douane accordés aux pays tiers servent de monnaie d’échange pour ouvrir les portes de ces pays aux secteurs de l’industrie, des services et de la finance.
Pour nous, il est clair que nous devons redéfinir en profondeur la politique extérieure de l’Union européenne : passer des accords de libre-échange à des traités de coopération dans l’intérêt de nos peuples et territoires
respectifs.
Dernière question : vous venez de déposer une proposition de loi visant à garantir aux travailleurs saisonniers agricoles des conditions de travail et d’accueil dignes. Sur quoi porte-t-elle ?
Ce sujet fait partie des angles morts de la politique agricole et du droit du travail dans notre pays. Le nombre de salariés et de travailleurs temporaires et saisonniers en agriculture ne fait que croître, notamment en raison de la concentration et de la spécialisation des exploitations et entreprises agricoles. Les conditions d’accueil, d’hébergement, de travail et de rémunération de tous ces travailleurs de la terre sont le plus souvent déplorables.
Avec les syndicalistes de la FNAF CGT, nous avons entamé depuis un an maintenant, un travail de fond pour renforcer les droits de ces « invisibles » de l’agriculture. Le texte présenté, qui concerne les travailleurs de France continentale comme ceux des Outre-mer, comporte une dizaine de mesures d’urgence articulées autour de trois axes : le renforcement des droits, l’instauration de contrôles systématiques et la responsabilisation des donneurs d’ordre.
Interview paru dans la Lettre des députés communistes – février 2024.
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