Douze organisations syndicales et associations d’enseignant·es, de lycéen·nes et de parents d’élèves se sont réunies pour dénoncer le choc des savoirs lors d’une conférence de presse. Un évènement plutôt rare dans l’histoire de l’École. « Cet événement est inédit, à l’image de la situation inédite dans laquelle se trouve l’école publique aujourd’hui » a déclaré Élisabeth Allain-Moreno, secrétaire générale de l’UNSA éducation, en introduction. « On appelle nos concitoyens à se mobiliser samedi 25 mai pour défendre l’école publique ». « Nous avons l’ambition de construire la mobilisation de tout un pays derrière son école », renchérit Benoit Teste, secrétaire général de la FSU. « L’école est à un point de bascule, elle est en très grande difficulté. Et le remède appliqué par ce gouvernement l’affaiblit au lieu de résoudre les difficultés auxquelles elle est confrontée ».
C’est un événement assez rare qui s’est tenu mercredi 22 mai après-midi. Réunir la quasi-totalité des organisations syndicales de l’enseignement (sauf le Snalc), des lycéen·nes, la FCPE et des associations professionnelles de professeurs est exceptionnel. Et cette singularité est à l’image de la journée de mobilisation du 25 mai portée par l’ensemble des participants et participantes à la rencontre.
Un projet de société
« Nous avons l’ambition de construire la mobilisation de tout un pays derrière son école », a déclaré Benoit Teste, secrétaire général de la FSU, premier à prendre la parole. « L’école est à un point de bascule, elle est en très grande difficulté. Et le remède appliqué par ce gouvernement l’affaiblit au lieu de résoudre les difficultés auxquelles elle est confrontée ». Pour le responsable syndical, si le « choc des savoirs » est à dénoncer, c’est l’ensemble de la politique de ce gouvernement qui fragilise l’école. « Alors que le pays ne veut pas d’une école rabougrie, minimale, où l’on éjecte élève, le gouvernement persiste ». Selon lui, cette vision courtermiste est mettre en lien avec la logique libérale à l’œuvre, « ça coute moins cher d’annoncer ces mesures que de mettre sur la table les moyens dont l’École a besoin » .
« On veut une école qui porte au plus haut l’ensemble des élèves, c’est un besoin social », ajoute Benoit teste. « Notre École a de moins en moins les moyens de remplir cette mission ». Selon lui, ce qui se joue aujourd’hui, c’est tout simplement l’école de demain. « Le tri crée du ressentissent », prévient-il, « l’école doit faire société ».
Un constat que partage Élisabeth Allain-Moreno, secrétaire générale du SE-Unsa. « Le projet de ce gouvernement est de faire vivre les jeunes dans des mondes parallèles », explique-t-elle. « Tout cela amène à une société de ségrégation, une société de la violence, à une société qui ne saura pas se parler. L’école publique prépare notre avenir, la société de demain. Notre inquiétude est plus que légitime ». Selon l’élue, la politique menée sous les différents gouvernements Macron n’a eu de cesse de dégrader les conditions d’apprentissage mais aussi des conditions de travail de tous les personnels. « Quel que soit le ministre, on en a eu cinq, cela n’a pas entraîné de changement de cap ». Et pour cause, « nous sommes face à un gouvernement qui n’a pas de projet politique éducatif, mais qui ne fait que de la communication. Le ministre tient le rôle de VRP ».
Pourtant, l’enjeu est de taille soutient Élisabeth Allain-Moreno, « l’école a besoin d’un projet éducatif ». « La loi de 2013 a été détruite à petit feux, aucune n’est venue la remplacer ni sur l’inclusion, ni sur la mixité, ni sur l’éducation prioritaire… La volonté du président est de détourner le navire, nous, acteurs et actrices de la communauté éducative, tentons de garder le cap, celui d’éduquer tous les jeunes à vivre en société et à trouver leur place dans cette même société. Un projet loin de la politique marconienne étriquée, avec un élève réduit à un sujet, normé pout respecter l’autorité et s’adaptée au monde de l’emploi. » « Pour nos élèves, pour nos jeunes, pour une éducation digne de ce nom pour tous, nous refusons la méthode du tri et de l’autoritarisme. Nos élèves n’ont pas besoin d’un choc des savoirs, mais de personnels en nombre et formés pour réussir. Nos élèves n’ont pas besoin d’être uniformisés, mais de comprendre et tirer bénéfice de leurs différences. Nos élèves n’ont pas besoin d’être stigmatisés comme une génération violente, mais de retrouver des repères dans une société qui en manque cruellement. L’École publique est ce repère solide et juste « , a conclu la responsable du SE-Unsa.
Pour François Pozot, de FO, « le choc savoirs, c’est le choc de trop ». Il rappelle que cette mobilisation est multiforme, avec des familles largement impliquées depuis janvier. « Il y a des opérations ‘’collège mort’’ tous les jours, des grèves et des opérations un peu partout avec l’ensemble de la communauté éducative. Les personnels sont mobilisés, ne veulent pas trier les élèves. On lit un engagement très fort, assez nouveau, des parents ». Pour le responsable syndical, c’est le signe d’un « rejet profond de cette réforme du tri ». Et il prévient, s’il espère que la journée du 25 sera une réussite, « cela ne s’arrêtera pas là », « les personnels veulent que les ministres Attal et Belloubet n’appliquent pas cette réforme ».
À la CGT Éduc’Action, Michael Marcilloux salue l’union des organisations syndicales, malgré les « désaccords ». « Ce gouvernement a réussi à attaquer profondément les collèges, nous sommes dans un schéma identique à celui de l’hôpital », soutient-il. « Ce gouvernement sensé être un gouvernement de sachants, fait le contraire de ce que prône la recherche. On renonce à ce qui existe depuis 60 ans. C’est une véritable politique réactionnaire ».
Un projet en positif pour l’École
Pour Maud Valegas, co-secrétaire fédérale de Sud éducation, la journée du 25 mai est l’occasion de porter « des revendications en positif, de porter un vrai projet alternatif pour l’École ». « La défense de l’École passe par la lutte contre les inégalités. Le Choc des savoirs, c’est le renoncement à cette lutte ». Elle resitue les annonces de Gabriel Attal : dans la foulée des résultats PISA – deux heures après. Des résultats qui rappelaient que la France ne reproduit pas seulement les inégalités, elle les amplifie. « Ces résultats pousse à interroger la politique éducative, notamment celle de l’éducation prioritaire » commente Maud Valegas. Autre information importante de ces dernières années qui auraient dû changer la donne : le dévoilement des IPS, « qui a donné à voir le manque de mixité sociale ». Pourtant, le dossier a été « fermé aussi vite qu’il a été ouvert ». « Pourquoi ? » demande-t-elle, sarcastique. « Parce qu’il aurait fallu investir dans l’école en lui consacrant des moyens… Il aurait aussi fallu s’atteler à l’épineuse question l’enseignement privé. Deux sujets sur lesquels le gouvernement a refusé de travailler ». « Le 25, c’est le début d’une mobilisation plus large pour construire école publique et émancipatrice pour nos élèves ».
À la Cfdt, Caroline Brisedoux parle elle aussi d’un moment fort d’union, « nous sommes nombreux et tous d’accord pour ne pas trier les élèves ». « Nous refusons la politique éducative que ce ministère veut nous imposer ». Si le gouvernement a reculé sur l’appellation de groupes de niveau, c’est pourtant ce qu’il prévoit de mettre en place soutient la responsable syndicale. « On nous a dit qu’il s’agit de groupes de besoin, mais les groupes de besoin, ce sont quelques heures en accompagnement personnalisé. C’est efficace. Ce qui nous est imposé est très différent. Dans les faits ce sont des groupes de niveau, un outil de maintien des ségrégation sociale. Cela heurte nos valeurs ». C’est la raison pour laquelle, le syndicat a porté l’affaire devant le conseil d’État. Caroline Brisedoux rappelle le projet que porte son syndicat : plus de mixité, une baisse des effectifs, le fait de travailler avec les acteurs sur les programmes, des personnels formés et mieux rémunérés – « tous les personnels pas que les professeurs ». « Le projet du gouvernement est à rebours de tout ça ».
Lycéens et parents, aussi dans la lutte
Gwenn Thomas-Alves, président et porte-parole de l’Union syndicale des lycéens, évoque le DNB voulu par Attal, « machine de sélection à l’image de ParcourSup ». « ParcourSup, c’est 90 000 vœux sans réponses, ce sont 90 000 rêves brisés », rappelle-t-il. Pour le jeune syndicaliste, ce gouvernement veut des classes homogènes, des prépa seconde, des groupes de niveaux… et non une « politique qui permet de répondre aux principal enjeu école : élever les élèves pour qu’ils deviennent des citoyens éclairés ». Et lui aussi prévient, « on ne s’arrêtera pas au 25 ». Une menace brandie aussi par la FCPE qui assure que « le 25, ce n’est pas la fin de cette mobilisation ». Abdelkrim Mesbahi, parent d’une élève qui passe en 6e, et numéro deux de la FCPE était présent à la conférence de presse, il abonde, le 25, ce n’est que le début. « À la FCPE, nous avons saisi la justice, à l’image de l’Unsa éducation. Et moi aussi, à titre individuel, en tant que parent », ajoute-t-il. « Nous refusons le tri des élèves. À la FCPE on se bat pour la mixité, pour l’hétérogénéité dans les classes plutôt que pour parquer les mauvais avec les mauvais ».
La journée de samedi 25 sera fondamentale. Les organisations syndicales, les associations de professeur·es et la FCPE arriveront-ils à mobiliser largement ? Quelle que soit la hauteur de cette mobilisation, ils et elles promettent que ce ne sera pas fini tant que le gouvernement n’aura pas abandonner sa réforme. « On réfléchit déjà à des mobilisations pour la fin de l’année et la rentrée prochaine » nous confiait Sophie Vénétitay, du Snes-FSU.
Lilia Ben Hamouda
Articles similaires
En savoir plus sur Moissac Au Coeur
Subscribe to get the latest posts sent to your email.