Hugo Hay, coureur de fond : « J’aurais 2, 3 choses à dire à Emmanuel Macron »
Hugo Hay, le demi-fondeur français entre en compétition mercredi, avec les séries du 5 000 mètres. L’occasion de rencontrer un des rares athlètes affichant ouvertement ses positions politiques.
Hugo Hay, triple champion de France du 5 000 mètres, est reconnu dans le monde de l’athlétisme comme l’un des meilleurs demi-fondeurs européens. Sur X, l’athlète de 27 ans est davantage célèbre pour sa plume acerbe, n’hésitant pas à critiquer sa fédération ou la politique d’Emmanuel Macron. Avant son entrée en compétition sur 5 000 mètres (ce mercredi à 11 h 10), il revient pour l’Humanité sur ses convictions et la manière dont il tente de les concilier avec sa vie de sportif de haut niveau.
Vous participez, à vos deuxièmes jeux Olympiques mais, cette fois, à la maison, devant le public français. Comment appréhendez-vous cela ?
C’est génial. L’ambiance dans Paris est incroyable. Au Stade de France, dès les premiers jours d’athlétisme, les copains nous ont dit d’y aller au moins une fois avant de courir pour ne pas être trop impressionné le jour J. Je suis sûr que ça va me porter pour atteindre la finale, avec l’objectif Top 10 ensuite.
Pour moi, ce serait comme faire une médaille. Je sais que c’est un discours critiqué, comme les résultats de l’athlétisme français en général. Mais il faut mettre les choses en perspective, c’est le sport le plus universel avec le football, la concurrence vient de partout. Nous sommes aussi touchés par le dopage. Tout ça mis bout à bout fait que c’est difficile d’aller chercher des médailles, espérons déjà que chacun s’arrache et soit à son meilleur niveau.
Le dopage est encore très présent en athlétisme ?
Je ne suis pas capable de le quantifier mais il y en a encore, c’est sûr. Au vu des progressions de certains, de leur entourage, de ce qu’on peut entendre, nous avons forcément des doutes sur plusieurs athlètes. Un contrôle positif est toujours une bonne nouvelle, ça signifie qu’il y a un tricheur en moins sur les pistes. Mais ça peut être dur à vivre.
En 2021, je termine quatrième des championnats d’Europe de cross et le deuxième, Aras Kaya, est positif à l’EPO quelques mois plus tard. Il m’a privé d’une médaille. En tant que coureurs, nous devons en parler sans que ça nous bouffe non plus. Jeune, j’étais souvent énervé devant certaines performances, alors j’ai appris à ne plus perdre d’énergie à me demander si tel ou tel adversaire est dopé.
Plusieurs athlètes ont dû ouvrir des cagnottes pour financer leur préparation, c’était votre cas ?
Non, j’ai de la chance, par rapport aux lanceurs par exemple, car il y a un marché du running, donc les sponsors sont plus faciles à trouver. J’en ai trois qui me permettent de payer tout ce dont j’ai besoin pour ma préparation et partir en vacances. Ce sont des entreprises des Deux-Sèvres, d’où je suis originaire, et Nike. Ce ne sont pas toujours des choix évidents.
Nike, par exemple, il y a plus vertueux… J’ai refusé des contrats avec des marques de luxe, de montres car ça ne correspond pas à mes valeurs de faire la promotion d’objets ostentatoires dont personne n’a besoin dans la vie. J’essaye d’être cohérent avec mes convictions, même si c’est difficile dans notre quotidien d’athlète, quand on doit prendre l’avion par exemple.
Vos convictions politiques prennent une place importante dans votre vie ?
Bien sûr, ma vie, c’est mes idées et le sport. Je ne suis absolument pas connu mais j’ai une petite communauté sur les réseaux sociaux, autant que ça serve à essayer de sensibiliser des gens sur l’écologie, la justice sociale. Ce n’est pas parce que je suis athlète de haut niveau que je dois fermer ma gueule.
Comme athlète olympique, avez-vous été gêné par certaines conséquences de l’organisation des JO ?
Ce qui est dur, c’est qu’en 2015, j’étais à fond derrière la candidature de Paris 2024, pour la promesse de Jeux plus populaires et plus sobres. Résultat, les places sont très chères, on a vidé Paris des sans-abri, viré des étudiants de leur logement… Comme athlète, tu as envie d’être en accord à 100 % avec le projet, là ce n’est pas possible. Sur le parcours de la flamme aussi, il y a eu peu de bénévoles de clubs par exemple, j’ai trouvé ça triste. Nous aurions pu mettre en avant le sport associatif, on a préféré le sport business.
Aimeriez-vous qu’Emmanuel Macron vous appelle après votre compétition ?
J’aimerais beaucoup, même si j’ai très peu de chances de médaille. J’aurais deux, trois choses à lui dire… Emmanuel Macron est hors-sol et j’ai l’impression que son entourage le laisse sur son piédestal. Je voudrais lui dire que ce ne sont pas ses Jeux, mais ceux des athlètes. Et surtout, qu’en bas, ça gronde, qu’il faut écouter les demandes de justice sociale, la colère du peuple qui se prive, a du mal à remplir son frigo, et se fait rembarrer quand il manifeste contre la réforme des retraites.
Pendant l’interview pré-jeux Olympiques d’Emmanuel Macron le 23 juillet, vous avez twitté « le devoir de réserve est très dur à tenir ». Que vouliez-vous exprimer ?
J’étais très énervé par son histoire de « trêve politique », de balayer la question de nommer une première ministre de gauche, et aussi quand il a dit que Netanyahou était le bienvenu à Paris.
Certains sportifs ont refusé de concourir contre des Israéliens ou de leur serrer la main, vous les comprenez ?
Si cela concerne quelqu’un qui soutient ouvertement le gouvernement israélien et le génocide, je le comprends, mais il ne faut pas assimiler tous les Israéliens à ce que fait leur État à Gaza. Des membres de la délégation sont certainement contre la politique de Netanyahou.
Ce que je ne ferai pas, c’est échanger un pin’s (le jeu auquel s’adonnent les athlètes des différentes nations – NDLR) israélien. Déjà en 2021, à Tokyo, j’ai refusé celui d’une sportive qui me le proposait, je ne me voyais pas afficher le drapeau israélien sur ma veste. Je suis par contre très heureux d’en avoir trouvé un de la Palestine.
Comment avez-vous vécu les législatives anticipées, à quelques semaines du début des JO ?
Très mal. Nous en avons beaucoup parlé avec mon préparateur mental parce que je perdais ma concentration, mon énergie. Je ne voulais pas penser aux Jeux, ça aurait été égoïste. Le sport est secondaire par rapport à la vie démocratique de notre pays et à la nécessité de combattre l’extrême droite.
J’étais aussi très énervé du traitement médiatique, la diabolisation de la gauche, les thèmes imposés dans le débat, la passivité de l’Arcom… Ça me rendait fou. Le soir du second tour, j’ai crié. Nous savons que la menace d’extrême droite est toujours là mais, personnellement, ça m’a libéré d’un poids et permis de me projeter totalement vers les Jeux.
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