Le Conseil économique, social et environnemental publie mardi 8 octobre un avis sur la protection des mineurs. Il insiste sur la nécessité de renforcer la coordination entre l’État et les départements.
C’est une bonne nouvelle : jamais la société civile ne s’est autant préoccupée du sort des enfants. Les lois de 2007, 2016 et 2022 sont venues affirmer et réaffirmer leurs droits. Pourtant, les chiffres restent effarants. Vingt ans. C’est le nombre d’années d’espérance de vie en moins des enfants maltraités.
Plus de 2 000 enfants vivent dans la rue, dont 500 de moins de 5 ans, selon le dernier baromètre de l’Unicef. Le Syndicat de la magistrature, lui, révèle que 70 % des juges n’ont pas prononcé de décisions de protection parce qu’ils savaient qu’elles ne seraient pas mises en œuvre. Et il faudrait 38 000 professionnels supplémentaires afin que les structures dédiées à la protection de l’enfance fonctionnement correctement.
Désorganisation institutionnelle et disparités territoriales
Face à ce constat très préoccupant, une commission du Cese a formulé un avis d’alerte de 20 préconisations, présenté au Sénat mardi 8 octobre. « Nous avons pris acte de la désorganisation institutionnelle, des disparités territoriales, pour s’interroger sur la façon de mieux protéger les enfants », avance d’emblée la rapporteure de l’avis, Élisabeth Tomé-Gertheinrichs.
Elle propose de sortir de l’invisibilité statistique et organique en réaffirmant le rôle de l’État, car « décentraliser, ce n’est pas abandonner ». « Nous préconisons que soit élaborée, tous les deux ans, une stratégie interministérielle de prévention et de protection de l’enfance. Elle doit embarquer les 11 ministères et les 33 programmes budgétaires concernés. »
Autre préconisation : les moyens dont disposent les départements et les besoins auxquels ils doivent faire face devraient se corréler autour de critères de péréquation financière. Dans cette contractualisation entre l’État et les départements, « nous devons insister sur la prévention pour mieux repérer les situations à risques ou les dangers avérés », insiste la magistrate Josiane Bigot, co-rapporteure de l’avis.
Des problèmes récurrents de recrutement
Sur le respect des droits de l’enfant, même s’il existe des progrès notables, la France reste régulièrement épinglée par le comité des droits de l’enfant de Genève, en particulier au sujet des mineurs non accompagnés. Il serait intéressant, note Josiane Bigot, de « systématiser la présence d’un avocat spécialisé désigné par le bâtonnier en qui l’enfant aurait toute confiance ».
Par ailleurs, même si avec la loi de 2022, la prise en charge des jeunes majeurs s’est améliorée, ceux-ci doivent pouvoir sortir du dispositif en étant réellement accompagnés par les départements. Des contrôles, menés par l’inspection générale des affaires sociales (Igas) devraient être instaurés. De même, il serait opportun qu’une autorité indépendante vérifie à tout moment comment les enfants sont pris en charge.
Enfin, la question épineuse des professionnels de la protection de l’enfance doit être traitée en priorité. « Aujourd’hui, 71 % des établissements médicaux sociaux ont des problèmes de recrutement », alerte Élisabeth Tomé-Gertheinrichs.
Ce qui met sur la table l’évidente urgence de la reconnaissance du métier, qui passe notamment par la revalorisation des salaires, la normalisation des conditions de travail, mais aussi un meilleur accompagnement tout au long des carrières professionnelles. Alors que le gouvernement entend réduire toujours plus les dépenses publiques, Élisabeth Tomé-Gertheinrichs interroge : « Qui irait dire que la variable d’ajustement doit être la protection de l’enfance ? »
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