« La honte doit changer de camp ! » De Paris à Marseille, des dizaines de milliers de personnes, dont 80 000 dans la capitale – ont défilé ce samedi 23 novembre pour réclamer un « sursaut » contre les violences faites aux femmes, sur fond d’onde de choc provoquée par le procès hors norme des viols de Mazan. À Paris, les associations et collectifs féministes dénoncent la « culture du viol » qui persiste dans l’ensemble de la société.
Des dizaines de personne se pressent depuis le parvis de la gare du Nord. Armées de leur pancarte, elles se faufilent entre les passants pour rejoindre le boulevard Magenta. Sur place, l’ambiance est électrique. Des militantes du collectif féministe NousToutes distribuent des pancartes violettes le long de l’avenue. Des slogans tels que « Le féminisme est anti-raciste et anti-fasciste » et « La transphobie tue » flottent dans l’air glacial. Brandies par des centaines de personnes, les pancartes forment une immense vague violette qui s’étale sur une centaine de mètres. Entièrement vêtue de cette couleur symbolique de la défense des droits des femmes, Mélodie zigzague entre les manifestants. « Je dois rejoindre mon groupe de Batucada en tête de cortège », dit-elle essoufflée en pointant l’immense batterie qu’elle porte sur le dos. Sur celle-ci, la jeune femme de 33 ans, illustratrice de profession, a scotché un carton où elle a peint le visage de Gisèle Pélicot. « Si je manifeste aujourd’hui, c’est évidemment pour toutes les femmes, mais aussi tout particulièrement pour Gisèle Pélicot, confie Mélodie. Je ne sais pas si la médiatisation actuelle du procès ouvrira une plus grande prise de conscience. En tout cas, pour moi, il y a un avant et un après. Aujourd’hui, je n’accepte plus d’entendre certains propos qui valorisent la culture du viol ! »
En finir avec la « culture du viol »
Le cortège, qui a rassemblé 80 000 personnes, s’élance en direction de la place de la République. « En France, toutes les deux minutes trente, est commis un viol ou une tentative de viol ! » lance une militante de NousToutes, juchée à l’arrière d’un camion. Une centaine de manifestants se sont arrêtés pour l’écouter. « Un adulte sur dix est victime d’inceste dans son enfance ! » poursuit-elle. Patrice Thébault l’écoute religieusement. À 44 ans, ce développeur informatique, secrétaire général du syndicat CGT Airbus dans les Yvelines, est un habitué des cortèges. S’il convient d’une meilleure prise de conscience vis-à-vis des violences faites aux femmes, Patrice fustige la « culture du silence » qui règne au travail : « Dans les entreprises, et chez les dirigeants, il y a beaucoup de féminisme washing ! Mais dès qu’une affaire qui concerne des violences sexuelles commence à circuler, on fait tout pour l’étouffer. » À l’instar de Mélodie, la médiatisation de l’affaire Pélicot lui a permis de prendre du recul : « J’ai réalisé que les violeurs ne sont pas des monstres mais des hommes ordinaires. » En face de lui, dans le sillage du camion de NousToutes, des dizaines de manifestants chantent à tue-tête : « Violeur, t’es foutu, on est toutes dans la rue ! »
Visibiliser les violences contre les minorités de genre et les femmes précaires
Reconnaissables à leurs t-shirts roses, des militants de SOS Homophobie défilent le sourire aux lèvres. « C’est très important pour nous d’être là aujourd’hui. Il faut qu’on soit ensemble pour changer la société ! » explique Véronique Cerasoli, 49 ans, porte-parole de l’association, qui plaide pour une meilleure prise en compte des violences visant les minorités de genre. « Il est impératif de visibiliser les violences que subissent les femmes lesbiennes et transgenres qui sont souvent invisibilisées », complète-t-elle. Un constat que partage également Ève Derriennic, 44 ans, coordinatrice générale Paris à Médecins du Monde : « Si toutes les femmes sont victimes de violences sexistes et sexuelles, certaines y sont plus exposées que d’autres, notamment celles qui vivent dans la précarité. Ce sont les femmes à la rue, exilées et les travailleuses du sexe. » Et la responsable associative de réclamer des efforts « pour que ces femmes soient mieux prises en charge par les professionnels du soin et de la justice ».
Aux côtés des militants et des syndicats, de nombreux jeunes brandissent des pancartes et crient des slogans. Mélanie, 16 ans, lycéenne dans les Hauts-de-Seine, en est. « Pour moi, c’était une évidence de venir pour défendre nos droits. L’égalité femmes-hommes est loin d’être encore acquise ! » explique-t-elle. Son amie, Lina, qui l’accompagne, ajoute : « Nous voulions également rendre hommage à la mémoire de ces femmes, victimes de violences sexuelles et sexistes, qui ne sont plus là pour le dire ! » Sa pancarte « My body, my choice » (mon corps, mon choix) rappelle que des droits essentiels comme celui de procréer ou pas, d’avoir un rapport sexuel, ou pas, restent à défendre en 2024. Pour la jeune génération, le combat ne fait que commencer.
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