Pornographie : « l’école du viol » de Dominique Pelicot

Par Céline Piques d’Osez le Féminisme !, rapporteuse du rapport du Haut Conseil à l’égalité : « Pornocriminalité : mettons fin à l’impunité de l’industrie pornographique ».

 

L’effarement face à l’atrocité des crimes sexuels commis. C’est le sentiment qui nous saisit collectivement après les premières semaines du procès de Dominique Pelicot, qui a pendant dix années livré sa femme, qu’il droguait, à plus de 80 hommes pour la violer ; 51 d’entre eux ont été identifiés et sont sur le banc des accusés de ce procès au retentissement mondial.

Ce sont pourtant des hommes aux profils divers, d’une banalité confondante. Leur défense est une éprouvante litanie de poncifs patriarcaux. Ils plaident le « viol involontaire ». Ils ne savaient pas qu’ils commettaient un viol, c’était un jeu érotique. Ils étaient frustrés sexuellement. Ils avaient eu le consentement du mari, comme si celui-ci était propriétaire du corps de sa femme.

Ce qui les rassemble donc, c’est cette idéologie patriarcale dont ils sont imprégnés : les femmes ne sont que des objets, des orifices à pénétrer, et les hommes jouissent de les violenter, de les torturer, de les humilier, de les déshumaniser. Et ce qui apparaît en filigrane dans cette affaire, c’est le rôle majeur de la pornographie.

Dominique Pelicot recrutait les violeurs sur un forum de discussion du site Coco, nommé « à son insu » (ne laissant place à aucune ambiguïté), et qui rassemblait des centaines d’hommes échangeant sur leurs expériences de viol sur leurs partenaires inconscientes. Dans l’ordinateur de Dominique Pelicot, de nombreuses recherches « endormie porn » sur Google ont été retrouvées.

Ces vidéos de viols pullulent sur les sites pornographiques par milliers. Il suffit d’une minute pour trouver une vidéo intitulée « Sleeping unconscious girl » : 448 000 visionnages et 88 % de « like ». Pornhub s’est pressé d’effacer ces mots-clefs et envoie depuis très récemment un message d’avertissement que ces contenus sont illicites. Quelle hypocrisie après tant d’inaction coupable !

Sept hommes sur dix ont répondu positivement à la proposition de viol de Dominique Pelicot. Et, en dix ans, aucun n’a jugé bon de faire un signalement à la police. Aucun. Zéro. C’est à ces confins de la totale rupture d’empathie envers les femmes que se situe notre société. Combien d’entre eux avaient aussi visionné ces vidéos pornographiques montrant des viols de femmes inconscientes ?

J’espère que le procès pourra répondre à cette question. Les viols ont été aussi scrupuleusement enregistrés. Pourquoi ? Les enquêteurs ont découvert 20 000 photos, vidéos, photomontages, méthodiquement archivés dans des répertoires aux noms univoques (« abus », « ses violeurs »). Comment ne pas imaginer que Dominique Pelicot ait ensuite visionné ces images en s’excitant devant les sévices filmés ? Comme une pornographie « faite maison » pour prolonger le plaisir sadique devant une femme impuissante violentée.

Avec un courage inouï, Gisèle a visionné ces images en amont du procès et déclaré à l’audience avec une dignité et une force incroyables : « Quand on voit cette femme droguée, torturée avec des pinces. C’est une femme morte. J’ai été sacrifiée sur l’autel du vice. » Sur l’autel de la pornographie aussi. Le Haut Conseil à l’égalité, dans son rapport « Pornocriminalité : mettons fin à l’impunité de l’industrie pornographique », a répertorié, sur les 4 principales plateformes pornographiques, 70 118 vidéos avec le mot-clef « surprise » et 13 898 vidéos avec pour mot-clef « torture ».

Et malgré le sadisme des sévices perpétrés, les femmes dans la pornographie semblent en redemander. « Elles aiment ça », nous dit la pornographie, donnant un blanc-seing aux hommes pour les déshumaniser, érotiser les violences et faire tomber toute barrière morale. Un certain nombre des accusés possédait de la pédopornographie, certainement consommaient-ils aussi de la pornographie, comme 55 % des hommes en France, selon l’Arcom ?

Comment ces hommes si « ordinaires », à la sexualité si « normale », selon leurs déclarations, ont-ils pu jouir de violer et torturer une femme inconsciente sans cette puissante normalisation des violences patriarcales ?

La pornographie est devenue l’école du viol et du sadisme contre les femmes.

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