
Illustration : fiction d’une salle de commandes de machines productrices des marchandises et services satisfaisant les besoins de l’humanité.
Les transformations du monde et la question de la démocratie: vers une nouvelle conscience politique du prolétariat ?
Le monde est en pleine mutation sous l’effet de dynamiques économiques, géopolitiques et technologiques qui redessinent les rapports de force internationaux et internes aux sociétés.
Plusieurs événements récents témoignent de cette recomposition et doivent être analysés dans une perspective critique afin d’en comprendre les implications pour la démocratie et la lutte des classes.
L’essor de la Chine est le principal événement mondial des 20 dernières années, marqué par l’éradication officielle de la pauvreté extrême et un objectif de prospérité partagée d’ici 2035. Ses adversaires ont du mal à caractériser la nature de ses rapports sociaux au point qu’ils la définissent comme une dictature en s’appuyant sur le fait qu’elle est dirigée par le PCC et n’est pas conforme à leur conception bourgeoise de la démocratie libérale. Cependant ils doivent admettre que son économie fondée sur plusieurs modes de production est planifiée et remporte des succès rapides et notables sur la base de la théorie de « socialisme de marché », et ses amis reconnaissent qu’elle illustre la volonté d’un modèle alternatif inédit aux inégalités du capitalisme occidental.
Cette trajectoire singulière d’un pays dirigé par des communistes marxistes-léninistes qui ont rejeté la voie kroutchevienne et gorbatchévienne d’une URSS à bout de souffle dans la course aux armements et qui s’était engagée dans un révisionnisme rendant dogmatiques l’interprétation des textes des pères fondateurs du marxisme, est d’autant plus remarquable que s’inspirant du matérialisme dialectique les Chinois ont justement fait preuve de créativité qui les a menés aux succès que l’on sait.
Cette créativité marxiste s’est illustrée à l’international dans tout le travail de développement de la coexistence pacifique avec l’objectif face à l’impérialisme de créer un monde multipolaire fondé sur une communauté de destin. Ainsi la part majeure de la Chine dans la création des BRICS puis de leur élargissement aux BRICS+, tend à remettre en cause la domination unipolaire des États-Unis et leur contrôle du système financier mondial par le dollar. Ce basculement accélère les tensions internationales, notamment la relance des droits de douane protectionnistes par les États-Unis, qui visent à freiner la montée en puissance technologique de la Chine.
Parallèlement, le Moyen-Orient, carrefour géostratégique reste un foyer de conflits, où la violence génocidaire du pouvoir d’extrême-droite de l’Etat israélien contre le peuple palestinien rappelle les logiques impérialistes qui redessinent les régions selon des intérêts dominants, comme ce fut le cas après la Première Guerre mondiale.
Cette lutte pour le contrôle des territoires et des ressources s’inscrit dans une dynamique plus large où les rapports de force économiques et militaires déterminent en définitive les configurations politiques. C’est le cas de l’Ukraine, ancienne république soviétique qui après la fin de l’URSS est devenue un territoire convoité par les intérêts capitalistes pour la richesse de son sous-sol et de son agriculture mais aussi en raison de sa position frontalière directe avec la fédération de Russie. Un pays déchiré par des conflits sciemment organisés et provoqués par l’impérialisme qui avec le Maïdan en 2014 a financé le renversement et la répression des forces s’opposant à l’adhésion à l’Union européenne, puis en violant les accords de Minsk a provoqué la réaction et l’intervention militaire russe, la fédération de Russie justifiant la violation des frontières ukrainiennes par la nécessité de défendre la communauté russophone d’Ukraine persécutée et par son besoin de sécurité vis à vis des forces de l’OTAN. En Afrique, les déstabilisations comme celle de la Libye et la perte d’influence d’une France incapable d’engager la fin du neo-colonialisme, ont conduit l’impérialisme français à se confronter au rejet massif des peuples et à une influence grandissante encore jamais vue de la Russie apparaissant comme le leader anti-occidental et celle de la Chine qui a multiplié la création d’infrastructures routières, portuaires, aéroportuaires et sanitaires importantes. Beaucoup d’Etats africains doivent cependant faire face aux bandes terroristes organisés et armés par des mafias liées à de grands groupes capitalistes qui n’ont pas abandonné leurs objectifs de pillage des ressources naturelles du continent. La République démocratique du Congo et ses peuples souffrent particulièrement de cette situation.
Ces mutations géopolitiques ne sauraient être dissociées des contradictions internes aux sociétés capitalistes elles-mêmes.
En France, les débats institutionnels, comme la question d’une censure parlementaire du gouvernement, masquent l’essentiel : la structure même de l’État demeure au service des intérêts du grand capital. La démocratie libérale , qu’elle soit parlementaire ou présidentielle, fonctionne comme un mécanisme de régulation des contradictions du système, et non pas comme un outil d’émancipation populaire. L’histoire récente l’illustre : chaque tentative de gouvernement réformiste (Mitterrand en 1983, Jospin en 1997, Tsipras en 2015) s’est heurtée à la pression des marchés et des institutions financières, confirmant l’incapacité du cadre institutionnel actuel à remettre en cause les rapports de production dominants. Les partisans des alliances entre partis de gauche autour du NFP s’illusionnent sur la conquête du gouvernement qu’ils confondent avec celle du pouvoir : la gauche n’a pu être utile dans l’histoire du siècle passé que lorsqu’elle a dû prendre en compte d’immenses mouvements de masse dont la conscience de classe était affirmée notamment grâce à l’activité d’une CGT fortement marxiste et d’un PCF influent dans les élections mais avant tout dans la vie sociale des quartiers populaires et des entreprises.
La crise de la vie politique est aussi une crise de la démocratie représentative : nombreux sont les citoyens qui ne partagent pas ce qu’on leur présente comme la démocratie, pour qui les principes sont de la propagande puisque malgré plusieurs votes nationaux en faveur de la gauche, celle-ci a trahi les espoirs qu’elle portait.
La fragmentation du prolétariat par la précarisation et l’ubérisation du travail rend d’autant plus difficile la constitution d’un mouvement structuré capable de porter une alternative. Les forces politiques et syndicales, affaiblies et souvent enfermées dans une logique corporatiste et réformiste, peinent à articuler une réponse à la hauteur des transformations du capitalisme. La domination des géants du numérique, qui contrôlent l’information et les infrastructures technologiques, impose un nouveau terrain de lutte, le champ de bataille idéologique que la gauche peine à investir sérieusement.
Face à cet état des lieux, la question essentielle est celle de la reconstruction d’une conscience de classe et d’un projet politique en rupture avec l’illusion institutionnelle.
Il ne s’agit pas seulement de « prendre le pouvoir » par les urnes, mais de construire des luttes organisées, coordonnées et convergentes qui n’éludent pas la question d’un projet de société, autrement dit des luttes capables d’imposer un changement structurel.
Cela suppose :
1. Un travail d’éducation politique dans les lieux de production et de vie, pour reconstruire une capacité d’analyse matérialiste des contradictions du capitalisme moderne.
2. Une bataille culturelle, qui ne se limite pas à l’antiracisme ou au féminisme institutionnel, ni aux questions de genre mais qui articule ces luttes sociétales aux enjeux fondamentaux du rapport capital/travail.
3. Une stratégie de confrontation démocratique, combinant luttes syndicales, mobilisations de masse, arrêts de travail, rétention stratégique d’informations et désobéissance civile, pour imposer des avancées concrètes et préparer les conditions d’une rupture avec le système capitaliste et dans le même mouvement de construction d’un mode de production où la propriété et la gestion des grands moyens de production soient socialisées.
Les grandes avancées sociales n’ont jamais été concédées par les classes dominantes sans un rapport de force imposé par des mouvements de masse.
Aujourd’hui, alors que le capitalisme traverse une crise systémique – environnementale, économique et sociale – l’urgence est de reconstruire un mouvement internationaliste capable de porter une alternative socialiste crédible.
Dans ce contexte, les débats institutionnels ne sont que des symptômes d’un problème plus profond : sans organisation révolutionnaire et sans conscience de classe, aucune transformation réelle n’est possible. Comme l’écrivait Lénine : «Sans théorie révolutionnaire, pas de mouvement révolutionnaire».
La question centrale est donc celle de l’actualisation de cette théorie dans un monde façonné par l’intelligence artificielle, la financiarisation et qui est passé dans l’ère de l’anthropocène dans laquelle le pouvoir démocratique du prolétariat lié à la cybernétique trouvera les solutions aux grands défis de l’Humanité…

15 février 2025
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