Humoriste engagée et chroniqueuse éloquente, elle raconte dans un premier roman détonnant son parcours chaotique avant le récent succès de son seule en scène. Un combat féministe et féminin.

En cette fin avril, l’Européen, temple parisien du seul en scène, accueille l’une des dernières représentations du Drama Queen de Mahaut Drama, avant un petit tour en région et puis s’en va. La salle est complète. Une majorité de femmes, tous âges confondus, sont venues prendre une dose d’humour survolté et découvrir son programme présidentiel en trois points : vasectomie obligatoire pour les hommes, opération bénigne, gratuite, réversible et trop méconnue. Abrogation de l’exhibition sexuelle pour les femmes seins nus. Et une saisie immobilière pour toutes les personnes qui diraient « Mais, elle était habillée comment ? » Question qui peut se décliner en « Mais, elle était bourrée ? »
À la sortie du show, le hall retentit encore des rires. Une table est dressée avec des exemplaires du premier livre de Mahaut, Que jeunesse se passe (éditions Robert Laffont), pour une séance de dédicaces. À la dernière fan qui n’a pas pu acheter l’ouvrage, elle offre spontanément l’exemplaire du présentoir. Nous retrouvons trois semaines plus tard la stand-uppeuse sur la péniche la Nouvelle Seine, amarrée sur la berge du quai de Montebello, face à Notre-Dame. Elle a joué un paquet de samedis dans ce comedy-club bienveillant, avant d’avoir accès à des jauges plus grandes. Son parcours, elle le raconte en partie dans les 264 pages de ce premier livre.
À la ville comme à la scène
« C’est un roman d’aventures urbaines, inspiré de faits réels », résume-t-elle. Un roman qui démarre crûment, au réveil d’une overdose. Le dysfonctionnement familial, le rejet maternel, les phases de bipolarités du père, le harcèlement scolaire, les abus d’alcool, les conduites à risques, le logement insalubre, les échecs. Beaucoup d’échecs : aux concours des beaux-arts, aux écoles de journalisme, puis les débuts dans le stand-up… et toujours la fête, comme une philosophie, comme un tuteur qui la soutient, avec le pouvoir de l’amitié.
Fausse fourrure, diamants en plastique, cœurs fluo aux oreilles, maquillée comme un camion volé, l’héritière du vestiaire de Josiane Balasko dans Nuit d’ivresse est à la ville comme à la scène. « J’ai toujours été comme ça dès que j’ai eu l’autorisation de m’habiller comme je voulais, à 13 ans. Tout de suite, j’ai porté du rouge à lèvres, des décolletés. Tout le monde me disait que j’étais grosse. Je m’habillais toujours sexy alors que j’aurais dû me cacher, ça agaçait. C’est devenu une revendication. »
Quand elle commence le stand-up, voici huit ans, elle se prend en pleine figure le peu d’interactions avec les autres humoristes en coulisse, majoritairement masculins. « Même la réaction des publics était frileuse. J’arrivais sur scène et je sentais que les gens étaient tendus. J’ai réalisé que c’était mon look qui provoquait ça. Je ne ressemble pas à ce qui peut être drôle. Le rire est censé être masculin et, quand une femme s’en empare, c’est encore étonnant. »
Queen militante à la radio
Elle constate que son spectacle est clivant, que les hommes viennent moins nombreux. « Récemment, au Salon du livre de Paris, seules des femmes ont acheté mon bouquin. Je me suis dit que les hommes ne s’intéressent pas à ce que font les femmes, se désole-t-elle. Nous, on va voir leurs films, on lit leurs livres, alors qu’eux ne s’intéressent pas au travail des femmes. Ça, vraiment, ça me troue le cul. »
Depuis 2021 sa personnalité de queen militante s’affiche à la radio, Nova puis France Inter, et actuellement sur le plateau de l’émission Quotidien, sur TMC, où elle enfonce le clou en prouvant « qu’on peut faire rire avec de gros seins et des gros bijoux ». Et faire réfléchir aussi, avec ses chroniques qui épinglent l’actualité, les sujets sociétaux, ou les aberrations légales. « Le rire est un médium idéal pour faire passer des idées, pour dédramatiser les enjeux et désacraliser à peu près tout. »
Une artiste politisée
Elle a vécu dans une grande précarité pendant deux ans avant d’obtenir le statut d’intermittente du spectacle. « Aujourd’hui, avec les spectacles et les chroniques, je gagne entre 2 500 et 3 000 euros par mois, je respire enfin. Je viens de quitter ma chambre de bonne il y a un mois. 30 ans et 30 mètres carrés. »
Politisée, elle enrage qu’« au lieu de s’attaquer à la vraie classe dominante, on se divise et s’éparpille dans les luttes. Pendant la dissolution, il y a eu une vraie convergence. Avoir tellement flippé a stoppé net les conneries de type : « Je suis plus marxiste que toi ». On était tous ensemble, ça m’a fait beaucoup de bien. Mais ça n’a pas été écouté, alors que nous avons eu une majorité relative, déplore-t-elle. On demande aux étrangers de réussir à maîtriser l’imparfait du subjonctif, mais au plus haut sommet de l’État, on ne sait pas ce que veut dire la gauche qui a une majorité relative ».
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