Représentant de l’aile la plus droitière de la Macronie, Sébastien Lecornu a été appelé à Matignon par le chef de l’État. Il devient son septième premier ministre. Un choix qui trahit l’obstination à pencher toujours plus à droite.

© Laurent GRANDGUILLOT/REA
Il est l’un des premiers fidèles d’Emmanuel Macron et le voilà récompensé. Sébastien Lecornu, 39 ans, ex-ministre des Armées, devient le septième premier ministre depuis le premier mandat du chef de l’État. Alors que la gauche revendiquait Matignon, le chef de l’État opte pour le candidat soutenu par l’ancien président Nicolas Sarkozy. C’était aussi le profil le moins rejeté par le Rassemblement national, avec celui de Bruno Retailleau, qui devrait par ce choix rempiler à l’Intérieur.
Venu de la droite, poulain dès 2009 de Bruno Le Maire puis d’Edouard Philippe, aujourd’hui très proche de Gérald Darmanin, ex-ministre de l’Intérieur puis Garde des Sceaux, qui le considère comme son « frère », Sébastien Lecornu a fait partie de tous les gouvernements macronistes depuis 2017. D’abord nommé secrétaire d’État auprès du ministre de la Transition écologique, un certain Nicolas Hulot, il devient quelques mois plus tard ministre chargé des Collectivités territoriales.
C’est sous cette étiquette qu’en janvier 2019, en pleine crise des gilets jaunes, il est désigné pour animer le grand débat national en binôme avec Emmanuelle Wargon, alors secrétaire d’État. Par ces fonctions, il porte au nom du deuxième gouvernement d’Edouard Philippe la loi « Engagement et proximité » visant à renforcer le statut des élus locaux pour « valoriser l’engagement des élus locaux ».
Des relations cordiales avec le RN
En juillet 2020, Sébastien Lecornu devient ministre des Outre-mer, cette fois dans le gouvernement de Jean Castex. Une nomination critiquée à l’époque. Depuis 2009, aucun non-ultramarin n’avait été nommé à ce poste. « Plus d’ultramarin au ministère des Outre-mer : vive le temps des colonies ! », avait réagi Younous Omarjee, député européen LFI. En novembre 2021, , pressé par les élus locaux, il ouvre la voie à une autonomie de la Guadeloupe. « D’après eux, la Guadeloupe pourrait mieux se gérer d’elle-même. Ils souhaitent moins d’égalité avec l’Hexagone, plus de liberté de décision par les décideurs locaux. Le gouvernement est prêt à en parler, il n’y a pas de mauvais débats du moment que ces débats servent à résoudre les vrais problèmes du quotidien des Guadeloupéens », indiquait-il à l’époque.
À partir de mai 2022, et jusqu’à son arrivée à Matignon, Sébastien Lecornu est ministre des Armées. À seulement 35 ans à cette prise de fonction, il devient la personnalité la plus jeune à avoir occupé ce poste depuis 1792 et Pierre Auguste Lajard, officier de l’Ancien régime et ministre de la Guerre pendant quelques mois. En avril 2023, il présente une loi de programmation militaire prévoyant un doublement du financement des armées avec l’objectif de les doter de 300 000 soldats. Des annonces dénoncées par le PCF : « Le budget de la Défense occupera alors la place hautement symbolique de premier budget de l’État, devant celui de l’Éducation, de la Santé ou de la Justice. Il sera aussi vingt fois supérieur à celui de la diplomatie, signal inquiétant de la prédominance accordée au recours à la force. »
En juin dernier, il a en outre menti en déclarant qu’« il n’y a pas d’armes vendues à Israël » par la France. Quelques jours plus tard, un rapport d’une dizaine d’ONG affirme que, depuis octobre 2023, par voie aérienne et maritime, la France livre « un flux ininterrompu » d’armes à Israël.
Ces dernières années, Sébastien Lecornu a été concerné par plusieurs procédures judiciaires. En 2021, il est visé par une enquête préliminaire pour « prise illégale d’intérêts » et « omission de déclaration à la Haute autorité pour la transparence de la vie publique (HATVP) ». En cause : sa rémunération comme administrateur de la Société des autoroutes Paris-Normandie alors qu’il a participé, en tant que président du département, à plusieurs délibérations en sa faveur. Le 30 juin 2023, le Parquet national financier annonce le classement sans suite de cette enquête. « Aucun élément n’a permis d’établir que Sébastien Lecornu avait cherché à faire prévaloir les intérêts de la SAPN sur ceux du conseil départemental de l’Eure », indique alors le PNF.
Un bébé Sarkozy
Figure de l’aile droitière de la Macronie, Sébastien Lecornu a fait ses débuts, dès l’âge de 16 ans, dans les rangs de l’UMP de Nicolas Sarkozy. Depuis la campagne présidentielle de 2017, celui-ci milite pour un virage définitif à tribord toute d’Emmanuel Macron, en particulier sur les questions de frontières, d’immigration et de sécurité. Dans ce sens, il entretient des relations cordiales avec le Rassemblement national (RN), dont les parlementaires le jugent « courtois ». Principalement pour l’attention qu’il porte aux amendements de l’extrême droite au Parlement.
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En juillet 2024, il est d’ailleurs épinglé par Libération pour avoir participé aux « rencontres secrètes » organisées par Thierry Solère, ex-conseiller d’Emmanuel Macron dont il est proche, entre membres de la macronie et Marine Le Pen. Des rencontres d’abord démenties par son entourage avant d’être, deux mois plus tard, confirmées. Deux rendez-vous discrets auraient eu lieu avec l’ex-candidate d’extrême droite à la présidentielle afin d’échanger sur la question ukrainienne.
Une considération appuyée de l’extrême droite qui marque un choix clair du président de la République. Plutôt se compromettre (encore) avec l’extrême droite que chercher des compromis avec la gauche. Encore. Et sans aucune garantie, puisque le RN réclame une dissolution.
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