Du blockhaus à la colo inclusive : le centre Danielle-Casanova, un lieu de vacances pas comme les autres dans les Landes

Chaque été depuis 1948, la résidence de vacances basée dans les Landes permet à des enfants qui n’en auraient pas la chance autrement de découvrir le surf, l’océan et les joies de la colo, dans un lieu chargé de mémoire.

 

Sur la plage des Océanides à Capbreton/Labenne (Landes), des vagues désordonnées déferlent inlassablement sur le sable fin. En cette fin août, les surfeurs venus en nombre profitent de la houle. La canicule des dernières semaines a laissé place à un ciel menaçant. Assis sur leur planche, à quelques mètres du rivage, une quinzaine d’adolescents vêtus d’un Lycra jaune écoute attentivement leurs moniteurs expliquer le b.a.-ba de la glisse.

« L’eau d’ici, est-ce qu’elle rejoint Marseille ? » questionne innocemment Ethan, 13 ans, entraînant les rires de ses camarades. Comme lui, beaucoup découvrent le surf. Cinq autres, déjà initiés, se reconnaissent à leur maillot azur. Tous participent à la colonie de vacances organisée par le centre Danielle-Casanova, baptisé ainsi en hommage à la résistante française, militante communiste morte à Auschwitz en 1943. Il est géré par l’association du même nom, basée à Montauban, dans le Tarn-et-Garonne.

Un séjour franchement sportif

« Ça fait cinq ans que je viens ici, je gère », assure Ousmane, 15 ans, en avançant vers l’eau avec sa planche sous le bras. Quelques minutes plus tard, il gratifie l’assemblée d’un roulé-boulé involontaire dans les flots. Tout au long de la séance, les chutes s’enchaînent, les rires aussi. Mais, après une heure et demie, certains arrivent à se lever fièrement sur leur surf. Les plus frileux ont renoncé depuis bien longtemps et jouent sur la plage.

Âgés de 13 à 16 ans, les 19 adolescents – tous originaires du Sud-Ouest – multiplient les activités sportives au cours des neuf jours du séjour : paintball, footings, parc aquatique, quatre sessions de surf… « On ne s’ennuie pas, ça c’est sûr », euphémise Pauline, l’une des cinq filles de la troupe. Elle n’avait vu la mer qu’une seule fois avant cette semaine. « On a l’air d’avoir un groupe plutôt volontaire cette année, s’enthousiasme Éléonore, l’une des deux animatrices du centre. Je viens là depuis mes 7 ans. Avant d’être encadrante, j’ai moi-même participé à ces colos. »

Le souci de la mixité sociale

Depuis son ouverture, à l’orée des années 1950, le centre Danielle-Casanova reçoit des enfants de toutes les origines sociales. « On travaille avec des organisations comme Jeunesse au plein air, ou avec l’aide sociale à l’enfance (ASE) pour accueillir des enfants issus de milieu défavorisés, mais pas exclusivement », explique Quentin Vergès, ancien maître-nageur, directeur du centre depuis quatre ans.

« Ce qui fait la beauté de ces colos, c’est la mixité, reprend Éléonore. Les enfants se mélangent et sont à égalité, ce qui n’arrive pas vraiment le reste du temps. Ça crée de la cohésion et de l’humilité, c’est positif pour tout le monde. » Une partie des jeunes est placée en famille d’accueil, comme Madison, 16 ans et son petit frère Lorenzo, 14 ans.

« On est un peu comme des siamois tous les deux, glisse l’adolescente, longs cheveux bruns et teint hâlé. J’avais déjà fait deux colos avant de venir ici et ça s’était très mal passé. Alors, quand l’ASE m’a proposé ce séjour l’année dernière, j’étais un peu réticente mais j’ai fini par accepter. Et au final j’ai demandé à revenir ! » En parallèle de son CAP d’aide à la personne, elle envisage de passer le Bafa (brevet d’aptitude aux fonctions d’animateur) pour peut-être « venir travailler au centre » un jour.

Un site chargé d’histoire

Au-delà de cette vocation sociale, le lieu lui-même porte une histoire singulière. Niché au creux des dunes à Labenne, près de Capbreton, le centre se trouve à quelques dizaines de mètres d’une plage parsemée de blockhaus tagués et dégradés, vestiges du mur de l’Atlantique, cet ensemble de fortifications côtières construites par le IIIe Reich.

À l’origine camp de réfugiés espagnols, la commune a été réquisitionnée par la Wehrmacht, qui a enfermé là près de 500 prisonniers. Érigé à cette période, le complexe de la colonie – également composé de blockhaus – servait de lieu de repos et de surveillance pour les militaires.

Après la guerre et le départ des troupes allemandes, Antoine Capgras, maire de Labenne et ancien otage de la Gestapo, décide de réhabiliter le site. Les bâtiments de béton sont rénovés et rehaussés. Dans les années qui suivent, l’association Danielle-Casanova rachète les murs. Aujourd’hui, les séjours d’été sont organisés par tranches d’âge, de 6 à 16 ans, et accueillent jusqu’à 80 enfants simultanément.

« Plus ils vont être en confiance et plus on va être crevé »

Une histoire qui se retrouve dans le réfectoire. Les murs de la salle sont tapissés de clichés et de souvenirs en tout genre. Chaque jour, un brouhaha emplit la pièce à l’occasion des repas. Malgré les activités physiques successives, l’énergie des adolescents semble intacte. « J’ai bu quatre Red Bull en deux heures », annonce fièrement Fanzo, 15 ans, en gesticulant sur sa chaise.

« Ça ne s’arrête jamais, souffle Émile, un autre animateur. Plus la semaine va avancer, plus ils vont être en confiance et plus on va être crevés », augure-t-il, amusé. Comme Éléonore, il vient de Bordeaux où tous deux travaillent dans un établissement scolaire. « C’est intense, mais c’est un super-métier, avec un cadre génial. Et les enfants sont hyperattachants ! »

À la tombée de la nuit, le bruit des vagues ricoche de mur en mur jusqu’au bâtiment des enfants. C’est là que se trouvent les chambres, théâtres de discussions tardives auxquelles les animateurs font la chasse, mais aussi la précieuse salle polyvalente. Solution de repli en cas de mauvais temps, elle est surtout le lieu de la plupart des veillées : de la soirée Blind test/karaoké, où les hits de Gims se mêlent aux classiques Disney comme la Reine des neiges, jusqu’à la boum du dernier soir, attendue par tous.

La plage, alliée et menace à la fois

Malgré son activité et un public fidèle, le site pourrait être menacé dans les années à venir. Avec la montée des océans et le vent, les dunes avancent inexorablement sur le centre. L’un des bâtiments commence à être peu à peu enseveli par la dune. De ce fait, il est de moins en moins utilisé. Le sable s’accumule, atteignant parfois la hauteur de certaines fenêtres qui se retrouvent murées. « Des jeunes dorment dedans mais c’est de plus en plus rare, indique Émile. Chaque été, avant la saison, les bénévoles de l’association doivent dégager le bâtiment et ses abords pour qu’il reste praticable. »

Quentin Vergès prévient, fataliste : « Le bâtiment « mer » est en péril et on ne peut rien y faire. Dans quelques années, il sera recouvert. Si on ne protège pas l’écosystème, le centre lui-même pourrait disparaître d’ici à quelques années. » Pour éveiller les enfants à ces enjeux, des activités nature sont proposées : découverte de la faune et de la flore, sensibilisation à l’érosion ou, plus largement, au réchauffement climatique.

Pour l’heure, oublieuse de cette menace à long terme, la troupe d’ados finit sa semaine entre amourettes, chamailleries et fous rires. Certains reviendront à Labenne, comme vacanciers ou comme animateurs, d’autres non. Quoi qu’il en soit, comme tous ceux qui les ont précédés, ils sont désormais liés à l’histoire de ce centre pas comme les aut


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