Pour la première fois en treize ans, les représentants des huit principales organisations appellent ensemble à la mobilisation et à la grève contre le projet du gouvernement. Un front commun qui ouvre la voie à une lutte d’ampleur.
C’est inédit depuis 2010. Si le projet de réforme des retraites du gouvernement d’Emmanuel Macron a un mérite, c’est bien celui d’avoir uni l’ensemble des syndicats contre lui. Dès la révélation des contours du projet par Élisabeth Borne et trois autres ministres, le 10 janvier, l’ensemble des représentants des huit syndicats nationaux ont rassemblé leurs forces pour s’opposer à ce projet antisocial. Symboliquement réunies à la Bourse du travail de Paris, les têtes des unions et confédérations se sont accordées sur une première date de grèves et de manifestations, jeudi 19 janvier, espérant ensemble qu’elle «donne le départ d’une puissante mobilisation sur les retraites dans la durée».
Voir aussi :Opposition générale à la réforme des retraites
La dernière fois que les syndicats avaient conclu une telle alliance offensive, c’était en 2010. Éric Woerth, ministre du Travail de Nicolas Sarkozy, ambitionnait alors de passer de 60 à 62 ans l’âge légal de départ à la retraite et de reculer de 65 ans à 67 ans l’âge d’annulation de la décote, permettant à tous de partir à la retraite avec une pension à taux plein. Le 12 octobre de cette année, plus d’un million de personnes, à l’appel unanime des organisations syndicales (y compris de la CFDT, pourtant peu habituée des démonstrations de force dans la rue), avaient battu le pavé.
les Français ne sont pas dupes de l’immense recul social qui les menace
Cerné par cette menace d’une nouvelle mobilisation monstre et de nombreuses grèves dans des secteurs stratégiques (certaines sont déjà prévues dans les raffineries) et face au front syndical uni qui s’oppose à lui, le gouvernement n’a de cesse de répéter ses poncifs pour convaincre les Français du bien-fondé de sa réforme. «Laisser s’accumuler des déficits serait irresponsable», a ainsi martelé Élisabeth Borne lors de sa conférence de presse, affirmant qu’obliger les Français à travailler plus longtemps était nécessaire. Comprenant que cet argument financier – d’ailleurs contredit par les données du Conseil d’orientation des retraites – ne prend pas, la première ministre s’évertue depuis à persuader que la réforme, non seulement indispensable, est aussi bénéfique. «Je suis convaincue que le projet que j’ai présenté est un projet qui à la fois permet d’assurer l’avenir de notre système de retraites et que c’est un projet de justice et de progrès social», a-t-elle assuré, samedi, interrogée par France Inter.
Malgré cet infatigable effort de répétitions, les Français ne sont guère dupes de l’immense recul social qui les menace. Selon un sondage Ifop publié dans le JDD du 15 janvier, 68 % des citoyens sont défavorables au projet du gouvernement. Dans le détail, les diverses mesures louées par Élisabeth Borne ne remportent pas de faveurs. 62 % des Français sont également en désaccord avec la nécessité de travailler 43 annuités pour pouvoir bénéficier d’une retraite à taux plein. 71 % sont contre le recul de l’âge légal du départ à la retraite à 64 ans.
Ces nombreuses colères et frustrations devraient sans aucun doute alimenter un large mouvement de contestation, jeudi, dans les rues à l’appel des centrales et confédérations réunies en intersyndicale. Selon l’Ifop, 51 % des Français soutiennent le mouvement et seraient ainsi prêts à porter leurs désaccords dans la rue. Plus de 150 rassemblements, partout sur le territoire, sont d’ores et déjà prévus, comme à Marseille (10 h 30, métro Réformés-Canebière), Strasbourg (14 heures, place de la Bourse), Rennes (11 heures, esplanade Charles-de-Gaulle) ou encore Paris (14 heures, place de la République).
Retraites. Un front uni des syndicats
Pour la première fois depuis 2010, les représentants des huit principaux syndicats présentent un front uni contre la réforme des retraites. Ils expriment les raisons de leur désaccord avec le gouvernement.
Philippe Martinez, CGT
« L’unité syndicale, meilleur indicateur de la nocivité de la réforme »
François Hommeril, CFE-CGC
« Deux ans de plus à travailler, cela pèse sur l’espérance de vie en bonne santé»
Murielle Guilbert et Simon Duteil, Solidaires
« Leur réforme, c’est mourir au travail ou la retraite à l’hôpital »
Philippe Louis, CFTC
« Nous n’avons pas d’autre choix que de frapper vite et fort »
Benoît Teste, FSU
« Les pensions des femmes sont de 40 % inférieures à celles des hommes »
Frédéric Souillot, FO
« Il n’y a pas de problème de financement des retraites, mais un problème d’emploi »
Laurent Escure, Unsa
« Pas un jour, pas un mois, pas un an de plus »
Laurent Berger, CFDT
« Un projet de réforme profondément injuste »
À Montauban aussi, l’intersyndicale est en ordre de marche pour jeudi
Comme partout en France, les syndicats se sont réunis à Montauban et appelle à une grande mobilisation générale contre la réforme des retraites. Rendez-vous jeudi.
Les organisations syndicales CFDT, CGT, FO, CFFE/CGC, CFTC, UNSA, Solidaires et FSU du Tarn-et-Garonne se sont réunies jeudi 12 janvier. Tous sont tombés d’accord et défileront ensemble jeudi à Montauban pour protester contre le projet de réforme des retraites voulu par le gouvernement.
Dès 10 heures, le rendez-vous est donné sur l’esplanade des Fontaines à Montauban.
« Nous défilerons sur l’avenue Gambetta jusqu’au rond, puis nous irons à l’hôpital, rue Sainte-Claire, Quai Montmurat. Nous passerons devant l’Hotel de ville et terminerons devant la préfecture », détaille Eliane Teyssié, la secrétaire générale de l’Union départementale de Force ouvrière.
« Nous espérons que beaucoup de gens nous rejoindrons. Qu’ils soient syndiqués ou non, précise la secrétaire générale. Les gens du privé, même ceux qui sont dans des petites entreprises, et qui n’ont pas de syndicats, sont couverts par le préavis de grève national que l’intersyndical a déposé. Ils n’ont qu’à prévenir leur patron, leur manager et venir nous rejoindre, rappelle-t-elle. La seule restriction, c’est pour les entreprises de transport des personnes, le soin, et dans les écoles », tempère-t-elle toutefois, ces secteurs étant soumis à des conditions particulières.
« Vous ne pouvez pas être sanctionné si vous faites grève, n’ayez pas peur de faire grève », ajoute la syndicaliste.
Bien sûr, cela entraînera une retenue de salaire, un sacrifice minime face à l’enjeu, surenchérit Christophe Couderc, secrétaire départemental à la politique revendicative pour le syndicat CGT.
Bloquer l’économie pour créer un rapport de force
« C’est le début de la mobilisation contre ce projet de loi. Nous voulons lancer un grand mouvement de grève dans toutes les entreprises pour élever le rapport de force, dévoile le cégétiste. Grève, débrayage, occupation : tous les moyens sont bons pour aller au combat contre cette réforme injuste et injustifiée. Le blocage de l’économie, c’est la seule chose qu’ils comprennent. Il faut aller reprendre l’argent dans leur poche », martèle-t-il.
« Les richesses produites par les travailleurs sont captées par les grandes entreprises qui viennent cette année de battre des records de dividendes. Les retraites seraient largement financées par les aides que le gouvernement octroie aux grandes entreprises. On fait un distinguo entre les artisans et les grandes entreprises, précise-t-il. Arrêtons les exonérations de cotisations sociales sur les grandes entreprises, c’est un choix de société, c’est possible »!
« Il y a une colère, on le sent quand on tracte, il y a de la résignation aussi, mais aujourd’hui, on sent que ça bouillonne. Il faut que l’on retrouve l’ambition de la transformer cette société pour que tout le monde puisse vivre dignement », conclut-il.
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