Les réseaux sociaux offrent aux politiques l’opportunité de gagner en visibilité, pour relayer leurs idées et capter les électeurs. S’ils offrent une audience large, ils ont a priori chacun leur cible. De Facebook à Instagram en passant par Twitter, passage en revue de ces nouveaux terrains de la politisation.
Facebook, davantage grand public
Créé en 2004 par Mark Zuckerberg, le F bleu est le réseau pionnier qui a fait entrer le monde dans l’ère du « social media », quand il est devenu grand public en 2007-2008. Il revendique 2,74 milliards d’utilisateurs dans le monde, en novembre 2021, dont 40 millions en France. Son concept ? Tisser des réseaux d’« amis » et de « groupes » d’intérêts communs. L’audience de Facebook, d’abord investi par les adolescents lors de sa mise en ligne, a peu à peu connu un vieillissement si bien qu’il a, parfois, l’image du « réseau social de papa et maman » aux yeux des plus jeunes. Le groupe des 18-34 ans diminue au profit des plus de 55 ans, désormais deuxième tranche d’âge la plus représentée sur le réseau. Le système des « amis » et des groupes affinitaires fragmentent et polarise l’espace, mimant et amplifiant en fait la partition sociologique de l’espace public. C’est surtout via la section commentaires de pages publiques (de journaux, par exemple, ou de leaders d’opinion) que le débat a lieu. Facebook carbure aux likes, et plus généralement aux réactions que ses contenus génèrent, car plus les gens interagissent entre eux, plus ils reçoivent de la publicité. Le réseau privilégie les contenus clivants qui suscitent davantage d’engagements.
Twitter, une bulle d’influenceurs
Créé en 2006, Twitter fonctionne selon le principe du tweet, soit un message très court (140 caractères à l’origine, 280 désormais). À la différence de Facebook avec les « amis », suivre un compte n’implique pas forcément une réciprocité. Twitter est un petit réseau comparé à son rival : entre 250 et 300 millions d’utilisateurs actifs dans le monde, dont 12,8 millions de « twittos » en France. Ces derniers sont sociologiquement plutôt des classes urbaines, diplômées. Les militants très politisés, les communicants et surtout les journalistes y sont surreprésentés. Cette présence des journalistes de tous médias en fait un lieu stratégique pour imposer des thèmes, via des hashtags, qui seront susceptibles d’être repris en télé ou en presse papier et de devenir un objet de discussion politique. Le #BalanceTonPorc en est un bon exemple. Twitter invite à un mode de communication rapide, percutant et lapidaire. Les idées qui peuvent se résumer en quelques mots, comme « Stop immigration » ou « Fillon rends l’argent » sont bien plus efficaces et virales. De fait, le réseau a rapidement développé une culture de l’ironie, du sarcasme, voire de l’agressivité, qui répond à ce format.
TikTok, pour toucher les primo-votants
L’application mobile chinoise consacrée au partage de vidéos a été lancée en 2016.TikTok permet de filmer, monter et diffuser ses propres clips vidéo, avec une limite de 60 secondes de contenu. La société revendique 1 milliard d’utilisateurs. Il y a 14,9 millions d’utilisateurs en France, mais seuls 10 % produisent du contenu, les 90 % autres se contentant de le « consommer », ce qui le rapproche d’une nouvelle forme de télévision. C’est le média star de la « génération Z », née entre 1997 et 2010, et surtout des jeunes femmes. Sur les 15-24 ans, il y a plus de 75 % d’utilisatrices. L’essentiel des utilisateurs naviguent sur TikTok en faisant défiler leur écran de vidéo en vidéo. Certains influenceurs politiques l’ont investi et l’utilisent pour faire passer des messages, sans véritable espace pour la contradiction. Avec 120 000 abonnés, l’influenceuse Estelle Redpill distille par exemple, sous couvert de musiques cool et jolies robes dans lesquelles elle prend la pose, des propos xénophobes et crie toute son admiration pour Éric Zemmour. Fabien Roussel a, lui, directement investi la plateforme il y a quelques mois pour s’adresser aux jeunes. Une partie des utilisateurs de TikTok n’ayant pas encore l’âge d’aller voter, il faut voir cela comme un investissement de long terme : sur l’appli, on peut potentiellement politiser les jeunes dès le collège.
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Discord, dans l’antichambre du militantisme numérique
Lancé dans sa première version en 2015, Discord est à l’origine prévu pour permettre à des joueurs de jeux vidéo de créer leurs propres serveurs. Avec le temps, le réseau a évolué et se sont créés des espaces politiques dédiés, voire des espaces de travail lors du confinement dû au Covid. Discord bénéficie de 7,9 millions d’utilisateurs en France, et 250 millions dans le monde. Les salons virtuels sont des espaces de discussion politique, mais aussi d’organisation pour des campagnes numériques. Lancé de manière autonome en 2017 avant d’être intégré dans la stratégie du mouvement, le Discord de la France insoumise réunit par exemple 16 000 comptes et est un des principaux moteurs de production numérique de la FI.
Instagram, plus de beau et moins de politique
Le réseau social dédié au partage de photos (plus récemment de vidéos) a été créé en 2010 et racheté par Facebook en 2012. Il revendique 1,3 milliard d’utilisateurs, dont 21 millions en France. Il est très jeune, et plutôt féminin : 70 % des visiteurs quotidiens d’Instagram ont entre 15 et 24 ans, 54 % sont des femmes. Parmi les comptes les plus suivis à l’échelle mondiale, on retrouve ceux des people comme Cristiano Ronaldo (270 millions d’abonnés) ou Kim Kardashian (210 millions). La culture d’Instagram est davantage tournée vers la production de contenus positifs que la conflictualité. Sa structure n’est pas pensée pour le débat et la confrontation d’idées. Il est donc sous-investi politiquement, même si certains comptes essaient de faire vivre la politique via la production de visuels humoristiques ou de mèmes, pour toucher par le décalage un public éloigné du discours politique traditionnel.
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Une réflexion sur « Les réseaux sociaux, des outils de campagne utiles pour élargir l’audience, moins pour débattre »