Jamais nous ne mélangerons nos votes avec celles et ceux qui ne considèrent pas tous les êtres humains comme des frères

par André Chassaigne

 

Mme la présidente. La parole est à M. André Chassaigne.

M. André Chassaigne. À la suite de la discussion précédente, je tiens à émettre une protestation. Notre groupe, qui devait s’exprimer par la voix de Pierre Dharréville, a été écarté des différentes prises de parole accordées en fin de débat. Chacun pourra en faire objectivement le constat en prenant connaissance du compte rendu des débats. Cet ostracisme est pour nous choquant, incompréhensible et inacceptable.

La présente motion de censure du groupe Rassemblement national, présentée à l’issue d’une première lecture inachevée, est loin de signer la fin de l’histoire de cette contre-réforme des retraites inique.
Elle n’est en réalité qu’un numéro de claquettes, une mise en scène pour tenter d’exister dans ce débat et de récupérer un mouvement qui lui est étranger. Le Rassemblement national se moque de l’issue du débat : peu lui importe, à partir du moment où ça lui rapporte.

Alors, il défend une motion de censure, à contretemps, en sachant pertinemment qu’elle est vouée à l’échec et que le Gouvernement en profitera pour pérorer et s’offrir un remontant à peu de frais, alors même que son projet sortira d’ici sans légitimité et qu’il a perdu la bataille de l’opinion.
Si peu visible dans le débat, si peu convaincant dans ses rares interventions, le groupe Rassemblement national joue les parangons de vertu législative.
Lorsqu’on s’arrête sur l’exposé sommaire d’un de ses amendements, on comprend mieux. Malgré ma conscience, je le cite avec un peu de gourmandise : « le bénéfice des prestations familiales doit être réservé aux Français ou aux ménages dont au moins un des parents est français… » Puisque j’ai été interrompu, je reprends la citation : « le bénéfice des prestations familiales doit être réservé aux Français ou aux ménages dont au moins un des parents est français, car les politiques en faveur de la famille sont le moyen de soutenir les familles qui éduquent des enfants. »
Inutile d’en faire une longue exégèse : il faut un parent français pour que les enfants soient bien éduqués. Cette obsession de diviser les travailleurs et les travailleuses de notre pays est éclairante : l’extrême droite ne changera jamais. Elle veut prospérer sur la misère de nos concitoyens. C’est son fonds de commerce, tout simplement.
Nous ne tomberons pas dans le piège.

Je le dis avec gravité à ceux qui en doutent : au nom du nécessaire rassemblement de nos concitoyens, au nom de l’histoire de notre pays, jamais nous ne mélangerons nos votes avec les voix de celles et ceux qui ne considèrent pas tous les êtres humains comme des frères – jamais !
Le fossé est immense entre l’idéologie d’extrême droite du Rassemblement national et les propos vêtus de préoccupation sociale que ses représentants tiennent à la tribune.

Madame la Première ministre, vous avez tort de mettre le pays en souffrance ; vous avez tort de rajouter de nouvelles difficultés, de nouvelles angoisses, à la vie chère, à l’énergie chère, au carburant cher.
Certes, votre texte continuera à cheminer, mais les 75 % de nos compatriotes, les 93 % des actifs qui s’opposent au recul de 62 à 64 ans de l’âge du départ à la retraite, se rappelleront régulièrement à vous, dès le 7 mars prochain.
Le débat, pour frustrant qu’il ait été, est loin d’être clos, car vous n’êtes pas seulement minoritaires dans le pays, vous êtes ultraminoritaires. Vous avez corseté le débat, en utilisant la procédure inadmissible de l’article 47-1 de notre texte fondamental. Vous l’avez refusé et tout le monde, en dehors de cet hémicycle, a bien compris la manœuvre. Rien d’étonnant à ce que certains soient devenus les maîtres des horloges, avec les conséquences que nous connaissons.

Malgré ces circonstances et leur trop grande brièveté, les débats ont montré que le sucre d’orge des 1 200 euros était une chimère ; que certains des salariés qui ont commencé le plus tôt devront cotiser quarante-quatre ans ; que vous voulez profondément diviser les Français en revenant sur des régimes pionniers, que vous appelez spéciaux, pour les aligner vers le bas. Les débats ont révélé l’injustice flagrante de vos choix, qui pénaliseront davantage encore les femmes, et votre réaction épidermique à de nouvelles sources de financement adossées aux richesses et aux patrimoines indécents que l’on a vu prospérer depuis quelques années. Selon vous, il ne faut pas toucher au grisbi !
Les débats ont montré que votre seule boussole est le détricotage des droits humains et sociaux. Uni, rassemblé, déterminé, notre pays s’y oppose, pour que son refus mène au retrait. Parce que nous n’avons qu’un seul, un unique objectif : le retrait de ce projet de loi, injuste et injustifiable !

 


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