La Macronie, isolée, a choisi de passer en force en utilisant le 49.3 pour imposer sa réforme. L’intersyndicale lui répond par la promesse d’une intensification de la mobilisation. La gauche entend saisir tous les outils disponibles : motion de censure et recours constitutionnel, en plus de lancer une grande campagne pour un référendum.
Le bras de fer sur la réforme des retraites est loin, très loin, d’être terminé. Le conflit démocratique et social engagé ne fait peut-être que commencer, alors qu’Élisabeth Borne a dégainé le centième 49.3 de l’histoire de la Ve République, jeudi 16 mars, pour priver de vote les députés et imposer son texte à l’Assemblée nationale.
« La mobilisation et les grèves doivent s’amplifier. Le passage en force, avec l’utilisation du 49.3, doit trouver une réponse à la hauteur de ce mépris du peuple », a immédiatement réagi Philippe Martinez, secrétaire général de la CGT.
« Évidemment, il y aura de nouvelles mobilisations contre la réforme et contre le vice démocratique que constitue l’usage du 49.3, parce que la contestation est extrêmement forte. Le gouvernement ne peut pas ignorer les millions de personnes qui défilent depuis des mois contre ce texte », abonde son homologue de la CFDT, Laurent Berger. L’intersyndicale devait d’ailleurs trancher jeudi soir des futures modalités d’action, avec un durcissement possible du mouvement.
À l’Assemblée nationale, les députés des quatre groupes de la Nupes, du groupe Liot et quelques élus LR doivent déposer une motion de censure commune contre le gouvernement qui sera sans doute portée par le député centriste Charles de Courson.
« Jamais un exécutif n’aura usé d’un tel entêtement pour l’obstruction démocratique »
« Jamais un exécutif n’aura usé d’un tel entêtement pour l’obstruction démocratique. Il méprise les salariés, les citoyens, les syndicats unis et même le Parlement. Il doit cesser de gouverner sans et contre le peuple », a dénoncé le chef de file des députés PCF, André Chassaigne.
« Le combat est loin d’être terminé. Nous sommes dans un basculement autoritaire du pouvoir. Mais aujourd’hui est le premier jour de la fin du quinquennat d’Emmanuel Macron. Il enfonce le pays tout entier dans une crise de régime, mais rien n’est fini. Nous appelons les députés à censurer ce gouvernement », insiste la présidente du groupe FI, Mathilde Panot. Cette motion de censure devrait être examinée lundi 20 mars. Le vote des députés LR, profondément divisés vis-à-vis de la réforme des retraites, sera déterminant.
Mais les opposants ont une autre carte dans leur manche : celle du référendum d’initiative partagée (RIP), qui devait être déposée au plus tard ce vendredi matin, après un délai durant lequel les députés et sénateurs communistes, socialistes, écologistes et Liot sont parvenus à convaincre les élus insoumis de participer à cette aventure.
« Le RIP oblige à supendre la réforme pendant neuf mois. Elle devient de fait inapplicable, le temps que nous réunissions 4,7 millions de signatures de citoyens pour exiger un référendum sur le texte. Nous avons donc toujours l’espoir de l’emporter », s’enthousiasme Fabien Roussel.
Le secrétaire national du PCF indique que « les syndicats sont prêts à ce que nous menions ensemble la bataille du RIP et la collecte des signatures. Nous allons lancer une formidable campagne à la fois pour nos retraites et pour notre démocratie. Il s’agit de rendre le pouvoir au peuple alors que nous sommes en pleine crise, avec un gouvernement qui n’est pas digne de notre République car il méprise les Français, les syndicats et bafoue le Parlement ».
Ce 49.3 apparaît comme la violence de trop, l’erreur finale d’une Macronie coupée du peuple
Pour beaucoup d’élus, ce 49.3 apparaît comme la violence de trop, l’erreur finale d’une Macronie coupée du peuple qui s’emploie à détruire à la fois notre contrat social et notre pacte républicain.
« Neuf actifs sur dix sont contre cette réforme. Il faut en prendre la mesure. 65 % des Français sont pour le retrait du texte. Mais le gouvernement passe en force. Nous avions une démocratie fragile, elle est désormais confisquée. À quel prix Emmanuel Macron fait-il cela ? C’est grave, nous arrivons à un point de cassure et de bascule », s’inquiète Sébastien Peytavie, député Génération.s.
« Dire aux organisations syndicales que quoi que vous fassiez vous n’aurez rien, et se passer du Parlement qui représente les Français alors que ceux qui n’ont que leur travail pour vivre se révoltent, c’est laisser la place aux formes de mobilisation les plus désorganisées », prévient Boris Vallaud, président du groupe socialiste à l’Assemblée.
« La Ve République n’est plus malade, elle est à l’agonie »
« La Ve République n’est plus malade, elle est à l’agonie. Le gouvernement, en écrasant tout sur son passage, a ouvert la boîte de Pandore alors que l’extrême droite est en embuscade », alerte Éliane Assassi. La présidente du groupe communiste au Sénat compte ainsi beaucoup sur le RIP pour « apporter à la colère politique et sociale un moyen d’expression concret, en lien avec le mouvement syndical ».
« Il s’agit de refuser le passage en force du gouvernement, et de répondre par la démocratie, par la proximité, par l’éducation populaire et par un sursaut citoyen de reconquête de la décision politique. On peut obtenir les 4,7 millions de signatures. On peut imposer un référendum », assure-t-elle.
Les parlementaires ont du reste d’autres cartes en main. « Nous utiliserons tous les outils à notre disposition, dont un recours devant le Conseil constitutionnel. Depuis le début de cette histoire, la Macronie a multiplié les entorses à la Constitution. Le recours à l’article 47.1 pour réformer les retraites est lui-même contestable, tout comme la sincérité du texte et les conditions de son examen », mesure Boris Vallaud.
La partie est ainsi loin d’être terminée. Et les conséquences de ce 49.3 sont encore à venir. « J’ai un sentiment de gâchis : il fallait un vote pour que chacun prenne ses responsabilités, quitte à ce que la réforme soit rejetée. Le 49.3, c’est le scénario du pire. Quel signal on envoie ? » se lamente ainsi Christophe Blanchet, député Modem, preuve que même le camp présidentiel doute et se divise.
Élisabeth Borne a pour sa part indiqué qu’elle assumait d’être un « fusible » à la suite du recours à cette arme constitutionnelle. La veille, Emmanuel Macron avait menacé de dissoudre l’Assemblée en cas de rejet de la réforme.
« Je ne vois pas sur quoi les macronistes vont aller faire campagne s’il y a de nouvelles législatives. Ils vont nous dire qu’ils sont contre la retraite à 64 ans ? » relève Boris Vallaud. Le bras de fer, définitivement, ne fait que commencer. Et la lutte contre la réforme des retraites, pour nos conquis sociaux et pour notre démocratie, bien partie pour durer.
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