Le secrétaire national du PCF salue l’entrée du résistant communiste au Panthéon, qui consacre la reconnaissance du rôle joué par les Francs-Tireurs et Partisans. Il fustige la présence de l’extrême droite à la cérémonie officielle.
Ce 21 février, Missak et Mélinée Manouchian, et avec eux les 23 de « l’Affiche rouge », entrent au Panthéon. Que signifie cet événement pour les communistes ?
C’est d’abord un honneur d’avoir enfin un communiste qui entre au Panthéon aux côtés d’autres résistants. C’est une réparation vis-à-vis de notre histoire et de l’engagement prépondérant du PCF face à l’occupant nazi et pour la libération du pays. La Résistance a construit la nation française. Elle était constituée de courants de pensée différents qui ont su s’unir au service de la République. Beaucoup l’ont payé de leur vie.
Ces différents courants sont représentés par des personnages illustres comme Jean Moulin, qui a été le premier résistant à entrer au Panthéon. D’autres personnalités panthéonisées sont intimement liées à l’histoire de la Seconde Guerre mondiale. Je pense à Simone Veil, à Jean Zay, à Joséphine Baker. Il manquait la Résistance communiste.
Qu’elle soit représentée au Panthéon par un ouvrier poète arménien, étranger, est un honneur pour le Parti communiste français. Le PCF avait construit une branche armée, les FTP-MOI, composée de militants étrangers immigrés. C’est un symbole extrêmement fort, représentatif de notre combat, de notre vision universaliste de la société française.
Pour comprendre l’injustice qui est aujourd’hui réparée, quelle a été la part des communistes dans la Résistance française ?
Elle a été très importante. Charles Tillon lance un appel à la résistance dès le 17 juin 1940, depuis Gradignan. Pierre Georges, plus connu sous le nom de Colonel Fabien, est le premier résistant à abattre un militaire allemand, en 1941, après l’armistice. Ce combat contre le nazisme vient de loin. Dès les années 1930, la construction du Front populaire, auquel participe activement le PCF, se fait en opposition à la montée du fascisme en Europe.
Notre engagement dans la Résistance suit naturellement, et c’est pour cette raison que notre absence au Panthéon était dure à vivre. Les résistants communistes ont payé un très lourd tribut : sur les 1 009 fusillés au seul Mont-Valérien, 65 à 70 % étaient communistes et ont été assassinés pour cette raison-là. Combien d’autres l’ont été en d’autres lieux, comme Guy Môquet à Châteaubriant ? Combien ont été déportés, comme Danielle Casanova ou Martha Desrumaux ?
Tous les ans, je rends hommage, en tant que député, à la jeunesse résistante du Nord-Pas-de-Calais. Trois jeunes y ont été tués par la police française en 1942 : Eusebio Ferrari, Tadeusz Cichy et René Denys. Un Italien, un Polonais et un Français, jeunes communistes, mineurs, fauchés par les balles françaises à 21, 22 et 23 ans.
L’histoire de ces martyrs, parmi bien d’autres, fait partie de nos racines de militants communistes. Elle est enfin reconnue au Panthéon grâce au travail des historiens et du sénateur Pierre Ouzoulias, qui a soutenu cette idée auprès de l’Élysée. C’est l’aboutissement d’un long combat et nous en sommes très fiers.
La panthéonisation d’un résistant étranger par Emmanuel Macron coïncide avec le récent vote d’une loi immigration qui est particulièrement régressive. N’est-ce pas contradictoire ?
C’est toute l’ambiguïté d’Emmanuel Macron. Il peut dire blanc et faire noir, voire très noir. Sa dernière loi sur l’immigration, telle qu’elle a été votée au Parlement, fait un pas vers la préférence nationale. Il propose la fin du droit du sol sur un département, à Mayotte. C’est ce même président qui fait rentrer au Panthéon un étranger qui a donné sa vie pour la France, en mettant en avant l’universalisme de la nation française.
On a du mal à le suivre. Mais la panthéonisation de Manouchian doit justement être l’occasion de dire que la citoyenneté française ne s’acquiert pas que par le sang. Elle participe d’une construction politique. Combien d’hommes et de femmes s’engagent aujourd’hui en France dans nos hôpitaux, nos services publics, dans des entreprises, pour faire en sorte que la France vive ? Certains se battent pour avoir la nationalité française et c’est un parcours du combattant. La politique menée par Emmanuel Macron leur pose des barrières.
Depuis la fin de la guerre, l’extrême droite n’a jamais été aussi forte. Le président de la République se défend de toute responsabilité dans cette situation. Quelle est-elle, selon vous ?
Ce dont souffre la France aujourd’hui, c’est d’abord d’un taux de chômage élevé, d’un taux de pauvreté incroyablement haut, alors que des richesses colossales sont concentrées entre quelques mains. Ces inégalités suscitent un sentiment de colère chez les Français qui ne peuvent pas vivre de leur travail.
Je veux lutter contre cette injustice, contre la pauvreté qui grandit dans mon pays, contre la précarité des travailleurs, contre l’affaiblissement des services publics. Les « jours heureux », c’est le programme construit par les résistants, gaullistes, socialistes et communistes. Nous devons porter la même ambition.
Que penser de la présence du RN à la cérémonie au Panthéon ?
L’histoire de Manouchian, des FTP-MOI et de l’extrême droite française dont est issu le RN est celle d’un combat à mort. C’est la police collaborationniste, l’extrême droite française, qui a traqué nombre de résistants, de Jean Moulin à Missak Manouchian.
Si le RN considère que, malgré cela, sa place est là, il trompe les Français. Le RN est l’héritier du FN. C’est même une histoire filiale entre un père et sa fille. Or, le FN a été créé en 1972 par Jean-Marie Le Pen et Pierre Bousquet, Waffen-SS de la division Charlemagne.
Venir à la panthéonisation de Missak Manouchian, ce serait oublier que, dans leur histoire, ils ont son sang sur les mains. C’est à eux d’interroger leur propre conscience. Il ne faut jamais oublier ce qu’a été capable de faire l’extrême droite chaque fois qu’on l’a laissé prospérer et prendre le pouvoir.
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