Épreuves au cœur de la cité, engouement populaire, rôle des services publics : ces Jeux dans la Ville lumière ont (un peu) renouvelé le genre de l’organisation olympique.
« La France semble avoir pris des vacances d’elle-même. » D’une formule séduisante, El Pais a tenté de capter cette drôle d’atmosphère dans laquelle le pays a baigné durant cette quinzaine olympique. Séduisante, la formule du quotidien espagnol semble trompeuse tant elle assigne la France à un chapelet de clichés, entre pessimisme congénital et « grogne » cultivée comme un sport national. Et si la France s’était simplement un peu retrouvée ?
Un engouement populaire subversif
Le fait n’est pas vraiment nouveau : les jeux Olympiques, à l’instar d’une Coupe du monde de football, sont devenus des événements pour VIP et supporters aisés ou cassant leur tirelire pour l’occasion. La sociologie des stades, pistes et dojos confirme cette règle de ce petit laboratoire capitaliste qu’est devenue la compétition sportive mondialisée. Paris 2024 se distingue pourtant par le niveau « décibélique » des foules, peut-être une expression profonde de l’esprit frondeur du pays, allez savoir.
Autre singularité, l’engouement en dehors des enceintes sportives : fan-zones officielles pleines à craquer, Club France pris d’assaut par les demandes et moments festifs auto-organisés par des clubs ou amicales. « Ce que montre ici l’engouement, c’est que le sport est la pratique culturelle de masse la plus répandue dans le monde », soulignait Olivier Chovaux, professeur d’histoire contemporaine, dans un entretien à l’Humanité (le 5 août). Que la preuve de cette « pratique culturelle de masse » surgisse dans un pays présenté comme rétif au sport, voire au fait social qu’il représente, ajoute une pincée d’ironie.
Les Jeux en ville : nouveau standard ou parenthèse ?
Il s’agissait du pari majeur de cette troisième édition parisienne des Jeux modernes : placer les épreuves au cœur de la cité. Avec ce choix encore un peu plus téméraire d’une cérémonie d’ouverture le long de la Seine, en plein cœur de la Ville lumière. On peut créditer Tony Estanguet, le président du Comité d’organisation, d’avoir assumé ses choix non conventionnels.
La cérémonie d’ouverture, sous la houlette de Thomas Jolly, a, par la majesté même de son cadre qui propulse toute créativité dans une autre dimension, réinventé le genre. L’équitation dans le parc du château de Versailles, les sports urbains sur la place de la Concorde, l’escrime puis le taekwondo au Grand Palais et le beach-volley au pied de la tour Eiffel ont offert des images à la beauté sans doute inégalable. Los Angeles en 2028 et Brisbane en 2032 n’offrent pas l’écrin nécessaire à pareille reproduction. Comment échapperont-elles à la banalité du retour à la normale ?
Les Jeux des services publics
La formule a fait florès : les Jeux auront été une « parenthèse enchantée ». Comme si le désenchantement se devait d’être la norme. On peut aussi envisager cette quinzaine, il est vrai un peu spéciale, comme une préfiguration. Le bon fonctionnement des transports en commun a fini de démontrer la thèse – ardemment contestée par les libéraux – selon laquelle le niveau des investissements dans les hommes et le matériel est une condition sine qua non du niveau de service rendu.
De la présence massive des policiers, gendarmes et militaires sans incidents majeurs, on peut tirer deux leçons : la mission (politique) commande l’attitude (des agents de la force publique) et tout se passe mieux (ou moins mal) lorsque l’ordre n’est pas donné de faire du chiffre et/ou de la répression ; leur présence fixe avait un arrière-goût de cette police de proximité que Nicolas Sarkozy avait démantelée et, qui sait, un avant-goût de nouvelles formes de sécurité mises en place par un nouveau gouvernement.
Le bilan sportif
Le tableau des médailles dessine toujours une géopolitique du sport qui coïncide souvent avec la « grande » géopolitique. Comme dans un calque des évolutions du monde, les États-Unis, dont l’hégémonie est contestée, demeurent la principale puissance sportive (126 médailles, dont 40 d’or contre 113 et 39 à Tokyo).
L’émergence de la Chine, consacrée lors de ses propres Jeux à pékin en 2008, se confirme (91, dont 40 en or contre 89 et 38 à Tokyo). La troisième place du Japon (45, dont 20 d’or) s’inscrit dans la foulée de Tokyo 2021, preuve que les investissements dans la préparation des athlètes et les infrastructures ont des rendements de long terme. Quant à la moisson de l’équipe de France, membre du top 5 pour la première fois depuis 1996, elle est abondante mais moins dorée qu’attendu (lire page 6).
Les derniers JO d’été à Paris
Après les jeux Paralympiques (28 août-8 septembre), la flamme va traverser l’Atlantique, direction Los Angeles pour une nouvelle olympiade. Après Londres et Paris, la « Cité des anges » va devenir triple organisatrice. Quand une vasque sera-t-elle de nouveau allumée à Paris ou, pourquoi pas, dans une autre ville française ? Mystère absolu. Paris 2024 a échappé à un épisode de canicule tant redouté par les organisateurs.
Mais l’avenir, lui, n’y échappera pas. L’augmentation constante des températures rendra, à terme, impossible l’organisation des grandes compétitions sportives pendant la période estivale. Dans son souci d’étendre la carte des villes organisatrices et de répondre à la relative pénurie des cités candidates, le CIO suivra la Fifa sur le chemin du bouleversement des calendriers.
En 2022, le Qatar avait accueilli la première Coupe du monde se déroulant durant l’automne. Quelle sera la première ville hôte de JO en novembre ou décembre ? Doha ? Riyad ?
On n’oublie pas…
On n’oublie pas que les pouvoirs publics ont mis en place un nettoyage social pour présenter un visage sans aspérités de Paris. Que des étudiants du Crous ont été virés de leur logement pour quasiment les mêmes raisons. Que le pouvoir en a profité pour expérimenter la vidéosurveillance algorithmique.
On n’oublie pas qu’Emmanuel Macron et son gouvernement démissionnaire ont fait, jusqu’à la nausée, leur miel médiatique de chaque titre. On n’oublie pas que le chef de l’État a instrumentalisé les traditions olympiques pour décréter une fort opportune « trêve politique ». Donc, on n’oublie pas que la Macronie a perdu les élections législatives anticipées… et que cette réalité va se rappeler à lui, dès ce lundi matin.
En savoir plus sur Moissac Au Coeur
Subscribe to get the latest posts sent to your email.
Et si la RUSSIE n’avait pas été interdite de JO quelle aurait été la répartition des médailles?
Dommage et significatif que Christophe Deroubaix ne pose pas la question. Quel moyen pour éjecter la Chine?