À gauche, quelle suite donner aux Jeux olympiques ?

Entre analyse critique et respect absolu de ce moment de cohésion nationale, les différentes forces progressistes s’interrogent sur les suites politiques à donner aux jeux Olympiques de Paris.

La flamme s’est éteinte, mais reste une lueur. Après de longues semaines de crises (politique, géopolitique, agricole) et de fatigue généralisée, la France a découvert la possibilité d’une île, d’un répit. En deux semaines, par l’organisation et l’accueil de Jeux olympiques à Paris, elle a réappris à s’aimer, à se retrouver.

« C’est pas complètement foutu, on peut être ensemble et heureux ensemble ! s’est félicitée Anne Hidalgo, la maire socialiste de la ville. Le message de l’extrême droite est écrabouillé par ces Jeux. » Ce soulagement intense, d’autant plus fort que le Rassemblement national (RN) menaçait d’accéder au pouvoir, ne doit cependant pas faire oublier certains aspects peu reluisants de ces JO. Nettoyage social, dégâts sur l’environnement, exploitation des travailleurs

C’est d’ailleurs pour « examiner avec la plus grande précision à quel prix et dans quelles conditions un événement de cette ampleur est organisé » que la France insoumise a annoncé la mise en place d’une « commission d’enquête populaire » menée par ses parlementaires. Ses conclusions sont annoncées pour la mi-septembre. Entre joie et devoir critique, le Nouveau Front populaire peut-il tracer un chemin politique en se tenant sur ses deux jambes ?

Le retour de l’idéal de paix

Adjoint à la maire de Paris et responsable de la commission sport du PCF, Nicolas Bonnet-Oulaldj fait partie de l’aventure Paris 2024 depuis dix ans. En 2014, au Conseil de Paris, il était l’un des premiers à évoquer les bénéfices à espérer de l’accueil des Jeux à Paris. T

rois ans plus tard, il était de la délégation à Lima, au Pérou, qui a obtenu du Comité international olympique la désignation tant attendue. « Paris a été une grande fête populaire, c’est la première chose à retenir, estime-t-il. On savait que le résultat serait celui-là : le retour des jours heureux et de l’idéal de paix. » Car selon lui, avant de se frotter à un travail d’inventaire nécessaire, il est important de relever les progrès obtenus par ces Jeux. Et urgent, pour la gauche, de les revendiquer.

« Tous les succès constatés sont issus de nos combats, poursuit-il. La cérémonie d’ouverture a été portée par des valeurs de gauche, la Seine va être rendue baignable, une charte sociale a été signée pour la première fois pour protéger les travailleurs des chantiers des JOP, la parité a été respectée, un travail de fond a été mené contre les violences sexistes et sexuelles… On doit être fier de tout cela. Ce sont nos Jeux ! »

Un avis que partage largement l’eurodéputée Chloé Ridel, porte-parole du Parti socialiste, selon qui « la première leçon à tirer », pour la gauche, est « celle de l’unité ». « J’ai encore en tête le tableau, lors de la cérémonie d’ouverture, partagé par Aya Nakamura et la garde républicaine, évoque-t-elle. Ce moment a montré que ce que nous présentons comme souhaitable est possible. Notre objectif doit être celui de réunir les France montrées bien trop souvent, et à tort, comme irréconciliables. » Oui, mais comment ? « Ces Jeux ont montré qu’un patriotisme inclusif est réalisable, juge-t-elle, reprenant le concept développé par le politologue Yascha Mounk, auteur de l’essai le Peuple contre la démocratie. Mais pour cela, il faut trouver des marqueurs qui rassemblent. Se réapproprier le sport comme sujet politique peut être une voie pour y parvenir. »

Pour cela, Nicolas Bonnet-Oulaldj milite pour que les parties prenantes du NFP s’engagent dans une politique de promotion du sport, « vecteur d’épanouissement, de fraternité et de lien social ». « Nous ne devons pas bouder le sport, mais le porter, tranche-t-il. En cohérence avec nos engagements pour des services publics forts, nous devons brandir la nécessité, pour le pays, que l’État investisse massivement dans le sport à l’école, les clubs amateurs, le haut niveau, et les équipements sportifs du quotidien. Nous avons trop longtemps abandonné ce combat. »

« Le but est d’être constructif, pas rabat-joie »

Aurélie Trouvé, députée FI de Seine-Saint-Denis et responsable de la commission d’enquête populaire sur les « implications sociales, économiques et écologiques des JOP 2024 », plussoie. « Nos travaux doivent justement permettre de dresser des perspectives à partir d’un véritable bilan sur le soi-disant ”héritage” des Jeux, développe-t-elle. Le but est d’être constructif, pas rabat-joie. »

Si celle-ci entend tirer au clair plusieurs sujets liés à l’accueil des jeux Olympiques, de l’expulsion d’un grand nombre de personnes, notamment d’hébergements d’urgence, aux conséquences à redouter sur le bon fonctionnement des services publics sur le long terme, notamment par la surmobilisation des policiers en période estivale, la question de l’accès au sport doit être un axe majeur des travaux.

« Le gouvernement communique sur le fait que les Jeux permettraient à beaucoup de bénéficier d’infrastructures, ajoute-t-elle. Or, dans mon département, même après les JO, on a toujours quatre fois moins d’équipements sportifs par habitant qu’ailleurs. Et par manque de moyens permettant d’avoir un nombre suffisant d’encadrants ou d’espaces, beaucoup d’enfants ne peuvent accéder à certains sports : les places sont comptées, notamment en gymnastique, en danse ou en natation… Tandis que d’autres familles n’ont tout simplement pas les moyens de payer une inscription dans un club. »

Selon Aminata Niakiaté, porte-parole des Écologistes, les « émotions positives » provoquées par les JO ne doivent pas détourner la gauche de son devoir de contrôle. « Cette parenthèse refermée, la réalité est de retour, souffle-t-elle. Ces JO ont eu un coût économique et environnemental conséquent. Ils ont aggravé la dette de la ville, ils ont eu un impact sur les espaces boisés de la ville… Si nous ne faisons pas de travail critique pour rectifier le tir, les citoyens le paieront tôt ou tard. »

En 2030, la France doit accueillir d’autres jeux Olympiques, d’hiver cette fois. Ce qui finit de convaincre l’écologiste de la nécessité de cette démarche critique. « Nous devons dessiner des pistes d’amélioration pour de meilleurs JO pour en faire un événement sobre, projette-t-elle. En préservant la ressource en eau, en se penchant sur la question des transports, en respectant les populations, en s’entourant d’entreprises issues de l’économie sociale et solidaire plutôt que de Coca ou LVMH… Nous ne sommes pas anti-JO, mais pour de meilleurs JO. » Joyeux et vertueux.

 


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