L’égalité hommes-femmes, une histoire de lutte partout, même dans l’Éducation nationale ! Pour cette semaine du 8 mars, l’historien Claude Lelièvre revient sur les inégalités de traitement entre les femmes et les hommes. « Il faudra attendre la loi du 6 octobre 1919 pour que l’égalité de traitement entre institutrices et instituteurs soit obtenue. Quant aux égalités de carrière et de revenus effectifs… « Rien n’est jamais acquis à l’homme, ni sa force ni sa faiblesse » dit le poète ; et encore moins aux femmes » écrit-il.
Les grandes lois républicaines (celle du 9 août 1879 sur les écoles normales, celle du 28 mars 1882 sur l’obligation et la laïcité, et enfin la loi organique du 30 octobre 1886) ont certes assimilé dans une certaine mesure les institutrices aux instituteurs : ils forment en principe un seul corps (qui est de très loin le plus nombreux alors puisque l’enseignement secondaire n’accueille que 2 % d’une classe d’âge). Exemple significatif : les mêmes sanctions peuvent leur être applicables, après avis du Conseil départemental institué par la loi du 30 octobre 1886 (auquel participent, entre autres, deux élus instituteurs et deux élues institutrices).
Mais deux grandes inégalités sont gardées en toute clarté : les grilles des salaires sont différentes pour les instituteurs et pour les institutrices ; les maîtresses d’écoles maternelles n’ont pas le même règlement et ne bénéficient pas des mêmes horaires que les enseignantes des écoles primaires. Avant la Grande Guerre, l’institutrice de maternelle a dix heures de service par jour en hiver, douze en été (contre six heures de classe par jour dans l’élémentaire). Elle est privée du jour de congé du jeudi.
Une lutte longue et difficile contre ces inégalités
Au début du xxe siècle, les organisations amicalistes ou syndicalistes des enseignants du primaire ainsi que le mouvement féministe se développent. Ils se rencontrent, non sans problèmes ou affrontements.
Signe des temps, on trouve à l’article « femmes » du Nouveau Dictionnaire de pédagogie et d’instruction publique publié en 1911 et dirigé par Ferdinand Buisson, une définition du féminisme universitaire : « D’une manière générale et un peu systématique, on a nommé féminisme universitaire tout un mouvement d’opinion qui poursuit d’abord l’assimilation légale des conditions d’accès à toutes les études et à toutes les carrières d’enseignement sans distinction de sexe, ensuite l’égalité des traitements à tous les degrés de l’échelle suivant la formule : ‘’à travail égal, salaire égal’’. »
La même année, des acteurs du mouvement féministe le définissent de la façon suivante : « Le féminisme universitaire n’est que l’action spéciale du personnel enseignant en vue de rendre justice à la femme en général, à l’institutrice en particulier », selon l’exergue de l’article de Marcel Borit sur le « Groupe féministe universitaire » (paru en décembre 1911 dans Pages libres), reprise de la définition donnée par l’institutrice féministe Marguerite Bodin, initiatrice des G.F.U.
En août 1909, à Nancy, il y a imbrication entre le premier congrès féministe et le congrès des Amicales. Deux vœux préparés par les féministes sont adoptés par les délégués des instituteurs :
« 1) La question de l’égalité des traitements entre les instituteurs et les institutrices accompagnera toutes les revendications d’ordre quelconque présentées par le bureau de la fédération, et les précédera de façon à bien montrer aux pouvoirs publics l’intérêt primordial que le personnel enseignant attache à cette question ;
2) Un classement unique comprenant tout le personnel par département sera établi et aura pour base l’assimilation complète du personnel des deux sexes. »
Ferdinand Buisson avait été aux premières loges pour connaître ce dossier puisqu’il avait été nommé par Jules Ferry à la tête de l’enseignement primaire, poste où il est restera 17 ans, jusqu’en 1896. Devenu radical-socialiste, Ferdinand Buisson s’active et obtient en 1909 de 167 députés que « la Chambre invite le gouvernement à établir dans le prochain budget le principe de l’égalité des traitements entre instituteurs et institutrices de même classe, avec application échelonnée sur plusieurs exercices ».
Epilogue
Mais rien n’est décidé, le ministre de l’Instruction publique en exercice – Gaston Doumergue – ayant fait valoir que si on accordait l’égalité de salaires aux institutrices, il était nécessaire de la donner à tous les fonctionnaires. Il existe, en 1909, 118000 femmes fonctionnaires, parmi lesquelles 73000 relèvent du ministère de l’Instruction publique, dont 63000 sont des institutrices.
La loi Guist’hau, promulguée le 3 janvier 1913, n’inclut pas l’égalité, malgré un vote favorable de la commission de l’enseignement et de la commission du budget. Les traitements restent donc inégaux (une différence d’un mois de salaire en moyenne par an).
Il faudra attendre la loi du 6 octobre 1919 pour que l’égalité de traitement entre institutrices et instituteurs soit obtenue. Quant aux égalités de carrière et de revenus effectifs… « Rien n’est jamais acquis à l’homme, ni sa force ni sa faiblesse » dit le poète ; et encore moins aux femmes.
Claude Lelièvre
Samedi 8 mars, Journée internationale des droits des femmes
Le PCF, la CGT, Solidaires, la FSU et Nous Toutes organisent à Montauban une manifestation « Les femmes dans le monde».
Rendez-vous au kiosque, allées Mortarieu samedi 8 mars à 11h.
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