Non à la défense européenne, oui à la sécurité européenne

Publié le 05 mars 2025

Les effets de manche guerriers de nombre d’éditorialistes de plateau qui défilent sur les chaînes infos cherchent à justifier la marche à la guerre et le passage du pays, et de l’Europe, en économie de guerre. L’offensive de Trump prospère en réalité sur fond de krach politique, diplomatique et industriel de l’Union européenne. La construction capitaliste et atlantiste de l’Union européenne, forgée dans les traités européens, est incapable structurellement d’y répondre dans les intérêts des peuples européens. Elle fait ici la démonstration de son impasse.

La panique qui s’est emparée des représentants des bourgeoisies européennes depuis plusieurs semaines est à la hauteur de la force du lien de dépendance industriel et politique de l’UE envers les USA. Cela est également valable pour le Royaume-Uni qui a organisé un sommet ce dimanche 2 mars dans l’objectif de rabibocher les Européens avec les USA. On a vu ce spectacle incroyable et lamentable d’annonces d’Emmanuel Macron désavouées quelques heures plus tard par le premier ministre britannique, ce qui montre leur totale désorientation. Qui d’ailleurs peut accorder du crédit à une trêve d’un mois formulée uniquement pour s’accommoder avec Trump ? Le discours désemparé du premier ministre François Bayrou à l’Assemblée nationale en est également une des pathétiques manifestations. Nous sommes favorables à un cessez-le-feu qui amène à la paix, c’est-à-dire à la résolution des causes profondes du conflit. La proposition d’Emmanuel Macron, reprise partiellement par Volodymyr Zelensky est tout à fait différente.

Face à ce krach, on annonce un emprunt commun de l’UE pour la défense et l’européanisation de la force nucléaire française, c’est-à-dire un nouveau pas, et d’importance, vers un fédéralisme armé. Le PCF s’y oppose. Par ailleurs, cela se mène sans rompre avec la relation de dépendance à l’OTAN, c’est-à-dire le bras armé des États-Unis, ni avec l’industrie de défense américaine qui sera la grande bénéficiaire de l’augmentation des dépenses militaires. Comment apporter la moindre crédibilité aux grands discours sur « l’autonomie stratégique », alors qu’aucun des liens de dépendance structurels n’est fondamentalement remis en cause ?

L’impasse politique et morale de l’Union européenne actuelle est également due à son absence totale de prise d’initiative diplomatique pour mettre fin à la guerre en Ukraine déclenchée par la Russie de Vladimir Poutine. Or, les évènements actuels démontrent bien qu’une telle initiative aurait été possible.
Il n’y aura aucune sécurité des peuples européens, ni sous le parapluie américain, ni sous celui d’un fédéralisme botté et nucléarisé. L’urgence est à construire une autonomie stratégique pour la paix, et non une autonomie stratégique pour la guerre.

Or, une véritable politique de sécurité et de paix en Europe implique plusieurs éléments :

  • Celui de voir plus loin que l’espace géographique de l’Union européenne. La sécurité des peuples européens est indissociable de celui des peuples qui vivent à l’Est, le peuple russe, le peuple ukrainien. Le caractère dramatique et exceptionnellement dangereux du moment le démontre crument. Comme l’avait ébauché l’acte final de la déclaration d’Helsinki, en pleine guerre froide, l’espace de sécurité collective pan-européen court de Brest à Vladivostok. Il implique également l’espace méditerranéen. Cela nécessite une rupture avec l’OTAN, la sortie du commandement intégré et la dissolution de l’OTAN dans le cadre d’une refondation de la sécurité collective en Europe. Cela permettra aussi de renouer avec les négociations de désarmement multilatéral et d’abord dans le domaine nucléaire.
  • Celui de travailler à une reconstruction d’une base industrielle de défense sous pilotage de la nation, au service des intérêts de la défense du pays et non sous l’empire des intérêts capitalistes. Cette industrie de défense a été vendue à la découpe aux intérêts privés, souvent américains.
  • Celui de travailler à la reconstruction d’un lien entre l’armée et la nation au service d’une politique de paix et de sécurité collective. Une armée uniquement professionnelle ne répond pas à ces objectifs.
  • Celui de travailler sur ces bases à la construction de coopérations politiques et industrielles et d’alliances nouvelles et flexibles à l’échelle du continent et au-delà.

Voilà l’initiative que la France devrait prendre.

Vincent Boulet

 


En savoir plus sur Moissac Au Coeur

Subscribe to get the latest posts sent to your email.

Donnez votre avis

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur la façon dont les données de vos commentaires sont traitées.