Pollution : un sixième des sols agricoles sont contaminés par des métaux toxiques, révèle une étude de « Science »

Près de 1,4 milliard de personnes dans le monde vivent dans des régions où les sols agricoles sont contaminés par des métaux toxiques, alertent sept scientifiques. Leur étude internationale, publiée jeudi 17 avril dans la revue « Science », démontre qu’un sixième des sols mondiaux est touché par cette pollution toxique pour les humains, la faune et la flore.

 

Les sols agricoles mondiaux sont massivement pollués. Près d’un sixième d’entre eux – soit entre 14 et 17 % – l’est par des métaux toxiques, révèle une étude internationale publiée, jeudi 17 avril, par la revue Science. Au total, jusqu’à 1,4 milliard de personnes vivent donc dans des régions à risques, tant sanitaires qu’écologiques.

« Les métaux et les métalloïdes sont omniprésents dans les sols, provenant du substrat rocheux, des activités humaines et des infrastructures, annonce l’étude. Ces composés peuvent être toxiques pour l’homme et d’autres organismes, et leur répartition et leurs concentrations dans les sols à l’échelle mondiale sont mal connues. » Or, n’étant pas dégradables, ils s’accumulent donc dans les sols durant plusieurs décennies.

La demande croissante de métaux dans les nouvelles technologies

Les sept auteurs de l’enquête – Deyi Hou, Xiyue Jia, Steve P. McGrath, Yong-Guan Zhu, Qing Hu, Fang-Jie Zhao, Michael S. Bank, David O’Connor et Jerome Nriagu – ont analysé les données de plus de 1 000 études régionales, pour lesquelles plus de 796 000 échantillons de sol ont été isolés. Le tout, « afin d’identifier les zones de toxicité des métaux et d’explorer les facteurs à l’origine de ces tendances ».

Ces scientifiques pointent du doigt trois facteurs expliquant ce désastre humanitaire qui sommeille : le dérèglement climatique, la topographie des régions étudiées et l’activité humaine, notamment minière et l’irrigation. « La pollution des sols par les métaux est un problème mondial qui devrait s’aggraver avec la demande croissante de métaux toxiques dans les nouvelles technologies », alertent-ils.

Après s’être assurés de la fiabilité de ces données et de leur représentativité – les échantillons issus d’études portant spécifiquement sur des sites contaminés ayant par exemple été exclus – les chercheurs ont tenté de mettre en évidence les régions du monde les plus touchées.

Pour cela, cette équipe dirigée par Deyi Hou, spécialiste en sciences environnementales à l’université chinoise Tsinghua, s’est intéressée aux zones dans lesquelles les teneurs en au moins un métal – sur sept recherchés dont l’arsenic et le cadmium – étaient supérieures aux seuils recommandés pour l’exploitation agricole et la santé humaine.

« Servir d’alerte pour les décideurs politiques et les agriculteurs »

Si l’étude rappelle que certaines contaminations détectées peuvent être d’origine naturelle, les rejets de l’industrie, de l’agriculture ou encore l’exploitation minière ont joué un rôle non négligeable dans la toxicité de ces sols agricoles. Le sud de la Chine, le nord et le centre de l’Inde, ainsi que le Moyen-Orient, présentent des concentrations élevées de métaux toxiques dans leurs sols, les plaçant parmi les zones les plus à risque, selon l’étude publiée dans Science.

En raison d’un manque de données dans plusieurs zones à travers le monde, les résultats sont toutefois « insuffisants » pour permettre la mise en place de programmes ciblés d’atténuation des risques, préviennent les auteurs. Leur travail de longue haleine doit ainsi « servir d’alerte pour les décideurs politiques et les agriculteurs ». Notamment car « ces vastes zones d’enrichissement en métaux toxiques devraient continuer à augmenter en raison de la croissance de la demande en métaux critiques nécessaires à la transition écologique vers la neutralité carbone et au développement des dispositifs photovoltaïques, des éoliennes et des batteries de véhicules électriques », ajoutent-ils.

Alors que le sol fournit la base de près de 95 % de l’alimentation consommée par les êtres humains (selon les Nations unies) et que la population humaine continue de croître, amenant la production alimentaire mondiale à augmenter de 35 à 56 % d’ici 2050, sauver les sols agricoles paraît primordial. Surtout que, comme le rappelle Wakene Negassa, chimiste spécialisé en analyse des sols au James Hutton Institute interrogé par l’Agence France Presse (AFP), « l’étendue réelle de la pollution mondiale des sols » pourrait « dépasser de loin ce qui est présenté par les auteurs, en raison de la disponibilité limitée des données et d’une sous-estimation probable ».


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