Gaza : le plan d’Israël pour contourner l’ONU passe par l’organisation américaine GHS

Sous prétexte d’aide humanitaire, Tel-Aviv, avec l’accord des États-Unis, veut substituer aux Nations unies des compagnies privées. Un projet concocté par un groupe unissant des hommes politiques, des militaires et des financiers, comme l’a révélé le New York Times.

La démission de Jake Wood de son poste de directeur exécutif de la Gaza Humanitarian Foundation (GHF, Fondation humanitaire de Gaza), annoncée dimanche 25 mai, soulève un certain nombre de questions sur les finalités de cette structure officiellement créée pour distribuer de l’aide à Gaza.

Wood, un ancien marine américain, a expliqué qu’il n’était pas possible de mettre en œuvre ce plan « tout en respectant strictement les principes humanitaires d’humanité, de neutralité, d’impartialité et d’indépendance ». Est-ce en lien avec ses précédentes déclarations dans lesquelles il affirmait : « Je ne participerai à aucun plan, à quelque titre que ce soit, s’il s’agissait d’une extension d’un plan de l’armée israélienne ou d’un plan du gouvernement israélien visant à déplacer de force des personnes n’importe où dans Gaza » ?

 

Lire aussi: 1 million d’oliviers pour la paix en Palestine ! 🕊️

Ce qui n’a pas empêché la direction de la fondation d’affirmer que « nos camions sont chargés et prêts à partir. À partir du lundi 26 mai, la GHF commencera à livrer directement de l’aide à Gaza ». Hier, toutefois, rien ne permettait de confirmer le lancement effectif de ces opérations.

Des collaborations avec deux entreprises américaines de sécurité et de logistique

Dans la bande de Gaza, les Palestiniens manquent de tout – nourriture, eau, carburant et médicaments – après plus de deux mois d’un total blocage de l’aide humanitaire qu’Israël n’a que partiellement levé le 19 mai pour des livraisons au compte-goutte. Moins de 5 % des terres agricoles de Gaza sont désormais cultivables et/ou accessibles, exacerbant encore le risque de famine, selon le dernier bilan satellitaire, ce 26 mai, de l’Organisation des Nations unies pour l’agriculture et l’alimentation (FAO).

Le départ de Jake Wood souligne la confusion qui règne autour de cette fondation, sa création et ses buts. D’autant que Trial International, une organisation non gouvernementale qui lutte contre l’impunité des crimes internationaux, a annoncé vendredi 23 mai avoir demandé aux autorités suisses d’ouvrir des enquêtes administratives pour déterminer si GHF respectait le droit, notamment pour son recours prévu à des sociétés de sécurité pour transporter l’aide depuis les points de passage jusqu’à des sites de distribution.

La fondation prévoit en effet de collaborer avec des entreprises privées américaines de sécurité et de logistique, UG Solutions et Safe Reach Solutions (SRS). Deux sociétés loin d’être inconnues. Safe Reach Solutions est dirigée par Philip Reilly, un ancien agent de la CIA (il avait entraîné les contras au Nicaragua au début des années 1980). SRS était notamment intervenue lors du cessez-le-feu à Gaza (de janvier à mars) pour contrôler les voitures palestiniennes qui remontaient du sud au nord du territoire, officiellement pour vérifier si des armes n’étaient pas transportées.

Une opération « humanitaire » comme couverture

C’est dire si cette entreprise a d’excellents contacts avec les autorités israéliennes. Selon le démissionnaire Jake Wood, Safe Reach Solutions est désormais la principale société choisie pour sécuriser les sites de distribution de nourriture qui doivent être mis en place dans le sud de Gaza. Selon le site israélien Shomrim, centre pour les médias et la démocratie en Israël, le même avocat a procédé à l’enregistrement de la GHF et de SRS dans l’État du Delaware (un paradis fiscal), aux États-Unis.

On voit mal comment Israël ne serait pas partie prenante d’une telle opération. « Les Israéliens vont être impliqués dans la fourniture de la sécurité militaire nécessaire, car c’est une zone de guerre, mais ils ne participeront ni à la distribution de la nourriture ni même à son acheminement dans Gaza », a jugé utile de préciser l’ambassadeur des États-Unis en Israël, Mike Huckabee. « La sécurité sera prise en charge par notre armée et la distribution sera assurée par des compagnies privées américaines », a précisé l’ambassadeur d’Israël à Paris, Joshua Zarka.

En réalité, toute cette opération « humanitaire » pourrait n’être qu’une couverture. « Le New York Times a constaté que les grandes lignes du plan ont été discutées pour la première fois fin 2023, lors de réunions privées de responsables partageant les mêmes idées, d’officiers militaires et d’hommes d’affaires ayant des liens étroits avec le gouvernement israélien », écrit le quotidien. L’idée de ce groupe qui s’est baptisé Mikveh Yisrael Forum réside dans l’utilisation d’entrepreneurs privés pour distribuer de la nourriture à Gaza, ce qui permettrait de contourner les Nations unies, notamment l’Unrwa (l’agence onusienne pour les réfugiés palestiniens).

Un projet qui « subordonne l’aide à des objectifs politiques et militaires »

Il existe donc une collusion entre les décideurs politiques, militaires et financiers, chacun y trouvant son intérêt, tous partageants la même vision d’un Israël colonisateur. D’ailleurs, les officiers de réserve à l’origine de cette initiative servaient sous les ordres du colonel Roman Gofman, maintenant secrétaire militaire de Benyamin Netanyahou.

L’un des promoteurs de cette initiative, Yotam HaCohen, conseiller stratégique, a même publié une partie de ses idées en la matière dans le journal du Dado Center, appartenant à l’état-major israélien, dont « la mission est de développer l’art opérationnel et la pensée systémique afin de les assimiler au sein de l’armée ». Il y écrit notamment : « Israël coupera l’herbe sous le pied (du Hamas) une fois qu’il commencera à travailler directement avec la population civile, à gérer lui-même la distribution de l’aide et à assumer la responsabilité de construire le ”jour d’après”. »

On comprend mieux pourquoi l’ONU estime que la GHF ne respectait pas les principes « d’impartialité, de neutralité et d’indépendance ». Lors d’une intervention devant le Conseil de sécurité, Tom Fletcher, chef de l’aide humanitaire des Nations unies, a expliqué les failles du plan initié par Israël : « Il entraîne de nouveaux déplacements. Il expose des milliers de personnes à des dangers… Il limite l’aide à une seule partie de Gaza, tout en laissant d’autres besoins urgents non satisfaits. Il subordonne l’aide à des objectifs politiques et militaires. Il fait de la famine un argument de négociation. »

Israël et les États-Unis n’ont pas abandonné l’idée de voir la Libye accueillir un million de Palestiniens. En échange de quoi, Washington débloquerait les milliards de dollars saisis après la chute de Kadhafi.


En savoir plus sur MAC

Subscribe to get the latest posts sent to your email.

Donnez votre avis

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur la façon dont les données de vos commentaires sont traitées.