
Gérard Le Puill
Les syndicats agricoles FNSEA et Jeunes Agriculteurs engagent ce lundi des actions revendicatives et tentent ce matin de monter sur Paris avec leurs tracteurs. Les producteurs d’œufs de poule dénoncent le comportement de l’enseigne Carrefour qui fait le choix d’importer « des œufs des pays qui ne respectent pas les mêmes exigences qu’en France en matière de bien-être animal » dans les élevages. La Fédération nationale des producteurs de lait (FNPL) demande aux distributeurs de « rémunérer les éleveurs de façon juste et équitable » tandis les éleveurs de bovins, d’ovins et de caprins alertent le gouvernement le recul de la pousse de l’herbe dans les prairies de plusieurs régions, faute de pluies suffisantes depuis des semaines.
Parmi les motifs de mécontentement des paysans qui manifestent ce lundi figurent aussi l’interdiction de certains produits de traitement des cultures, à commencer par les néonicotinoïdes contre les pucerons sur la betterave à sucre. En affirmant vouloir protéger les abeilles, les groupes parlementaires de LFI et des écologistes ont déposé 3.500 amendements la semaine dernière en vue de freiner le débat sur le projet de loi Duplomb adopté par le Sénat et qui prévoit de recourir au néonicotinoïdes. Ces députés LFI et écologistes semblent ignorer que la betterave ne fleurit jamais entre le semis de la graine au printemps et la récolte de la racine en automne pour produire du sucre. Pour produire des fleurs et monter en graine, la betterave doit rester en terre une seconde année. Il est donc possible d’interdire les néonicotinoïdes aux parcelles destinées à produire de la graine sans imposer ce traitement à celles qui alimentent les sucreries.
Tandis que se multiplient les difficultés pour les paysans, nous nous sommes penchés sur un texte publié le 14 mai dernier par la Commission européenne. Cette note de plusieurs pages évoque un projet de simplification de la Politique Agricole Commune de manière souvent incompréhensible. On nous informe en page 2 du texte que « le programme de travail de la Commission présente un ensemble de propositions qui simplifient divers actes législatifs de l’UE, ainsi qu’un certain nombre d’initiatives présentant une forte dimension de simplification. Les propositions omnibus, adoptées par la suite, portent sur les secteurs prioritaires signalées par les parties prenantes et recensées dans le rapport Draghi. Elles visent à assurer la cohérence, à créer une dynamique et, partant, à maximiser les actions de simplification ».
Des mesures commentées sans être dévoilées
Voilà qui semble clair comme du jus de chique. La Commission proposera des modifications supplémentaires visant à réduire les rapports, les coûts de mise en conformité, la charge des contrôles et à faciliter l’adoption de nouvelles flexibilités offerte par la proposition actuelle de simplification de la PAC. Ces actions seront présentées dans une feuille de route et seront mises en œuvre en 2025. La Commission s’emploiera également à « mettre en place un train de mesures transversal de simplification législative qui apportera une simplification significative dans d’autres domaines d’action que la PAC qui ont une incidence sur les agriculteurs, les entreprises du secteur alimentaire et du secteur de l’alimentation animale et les administrations concernées. Il se concentrera sur les éléments qui aideront les agriculteurs ainsi que les entreprises du secteur de l’alimentation humaine et animale à être plus compétitifs er résilients».
Du coup, selon la note, « les agriculteurs bénéficieront de la suppression des obligations qui se chevauchent, de la réduction des visites sur le terrain dans les exploitations par les autorités nationales et de simplification des demandes ». Sans jamais expliquer clairement de quoi il retourne, la Commission affirme qu’une « analyse de l’impact attendu de ces mesures publiée aujourd’hui estime que les changements pourraient permettre aux agriculteurs d’économiser jusqu’à 1,58 milliard d’euros par an. Cela leur permettra de gagner du temps, contribuera à réduire le stress et leur permettra de se concentrer sur leur travail de base ».
Quand le prix du blé baisse de 40% en deux ans
Après avoir pris connaissance de ce document, la Confédération paysanne publiait un communiqué sous le titre « PAC: une simplification manquée, toujours sans réponse sur le revenu paysan et la transition agro-écologique ». Dans son texte on pouvait lire que « ce deuxième paquet de simplification, comme le premier, sacrifie les objectifs de durabilité sans garantir l’avenir des fermes. Pire, il fait un pas de plus vers la renationalisation de la PAC, en donnant encore davantage de latitudes aux Etats membres et en déconnectant la PAC des autres politiques européennes. La Confédération paysanne regrette que la Commission européenne ne mette pas autant d’énergie pour renforcer la directive UTP (sur les pratiques commerciales déloyales), afin d’interdire la vente de nos produits à des prix en dessous de leurs coûts de production, ce qui permettrait enfin de répondre aux enjeux essentiels du manque de revenu pour un grand nombre de filière ».
Nous avons montré dans notre série de cinq articles publiés ici-même la semaine dernière, les difficultés croissantes dans plusieurs filières. C’est notamment le cas avec la baisse sensible du prix du blé et du maïs passé en deux ans de plus de 300 euros la tonne à moins de 200 au départ de la ferme. Ces prix bas perdurent depuis que l’Ukraine a été autorisée à exporter ces deux céréales dans l’Europe des 27 sans droits de douane. Comme si cela ne suffisait pas, on apprenait en fin de semaine dernière que les pays membres de l’Union européenne vont taxer fortement les engrais en provenance de Russie pour sanctionner ce pays en guerre contre l’Ukraine. Mais cela se traduira par une augmentation des coûts de production de nos paysans producteurs de céréales, d’oléagineux et de fourrages, tandis que le manque de pluie dans plusieurs régions de France va faire chuter les rendements agricoles.
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