Aide à mourir : que contient la proposition de loi adoptée par les députés

À l’issue d’un examen débuté le 12 mai et clôturé samedi 24 mai, la proposition de loi sur la fin de vie est présentée, ce mardi 27 mai, après-midi au vote solennel à l’Assemblée nationale. On vous résume les grandes lignes du texte sur l’aide à mourir dans sa version finale, qui sera présenté aux côtés de celui sur les soins palliatifs.

NDLR de MAC: votes des 2 députées du Tarn-et-Garonne
Mme Brigitte Barèges, UDR, Contre
Mme Marine Hamelet, RN, Contre

 

Après plus de 2 600 amendements examinés et au terme d’un débat qui s’est finalement déroulé sous le signe de l’apaisement, l’Assemblée nationale se prononce ce mardi 27 mai sur un texte inédit, qui acte pour la première fois un droit à l’aide à mourir en France. Le rapporteur général du texte, Olivier Falorni (Modem) avait invité, le 2 mai, à ne pas donner « des arguments à ceux qui de toute manière sont opposés au texte » en s’adressant aux députés de gauche souhaitant élargir les critères d’accès. Le député de la Charente-Maritime avait applaudi le déroulé des débats lors de la fin des discussions en commission des Affaires sociales, « nous avons fait œuvre tous, collectivement, d’un beau travail de législateur », qui a mené à une « grande loi républicaine ».

Cinq conditions cumulatives

Si les députés des Républicains (LR), du Rassemblement National (RN), et de l’Union des droites pour la République (UDR), ont tenté de s’opposer à l’aide à mourir, en déposant massivement des amendements pour cloisonner les critères d’éligibilité, les défenseurs, eux, ont réussi à faire évoluer le texte grâce à l’adoption d’amendements portés par ces derniers.

Cinq « conditions cumulatives » ont été inscrites de la manière suivante : être majeur, de nationalité française (ou résidant en France de manière stable), être atteint d’une « affection grave et incurable qu’elle qu’en soit la cause » en « phase avancée ou terminale », subir « une souffrance physique ou psychologique constante », et pouvoir exprimer sa volonté de façon libre et éclairée.

La notion de « phase avancée », jugée floue, a été précisée par un amendement gouvernemental, déposé par la ministre de la Santé, Catherine Vautrin, sur la base de la définition de la Haute Autorité de Santé (HAS), dans un avis publié le 6 mai. Elle caractérise la « phase avancée » par « l’entrée dans un processus irréversible marqué par l’aggravation de l’état de santé de la personne malade qui affecte sa qualité de vie ».

Réaffirmation du principe d’auto-administration

Les députés ont rejeté un amendement de la gauche, permettant au patient de choisir entre auto-administration ou injection par un soignant, même s’il est physiquement apte. Le gouvernement a imposé le principe inverse au nom de l’autonomie : l’administration par un tiers ne sera autorisée que si la personne est « physiquement incapable d’y procéder ». « Le principe c’est l’auto-administration, l’exception c’est l’accompagnement », a rappelé la ministre de la Santé.

La demande d’aide à mourir devra être adressée par écrit, ou « par tout autre mode d’expression adapté à ses capacités », à un médecin sans lien personnel avec le patient. Elle ne pourra pas être recueillie en téléconsultation, sauf en cas d’incapacité physique. Le médecin devra informer la personne sur l’état de santé, les alternatives en soins palliatifs et proposer un accompagnement psychologique. Une orientation vers un psychiatre ne sera cependant pas « systématique », malgré les réclamations des députés de droite.

La demande de la personne peut être retirée à tout moment, mais ne peut être présentée plusieurs fois simultanément, et n’est pas possible par directive anticipée.

Consensus autour de la procédure collégiale

Autre évolution notable introduite par l’amendement du président de la commission des Affaires sociales, Frédéric Valletoux (Horizons), soutenu par le gouvernement et Olivier Falorni : la procédure collégiale. Avant toute prise de décision, un médecin devra convoquer une réunion collégiale qui réunira au moins un spécialiste de la pathologie concercernée et un auxiliaire médical (aide-soignant, infirmier) impliqué dans le traitement du patient.

C’est seulement après cette concertation que le médecin rendra sa décision par écrit et oralement, dans un délai de quinze jours après cette réunion. Cette discussion, qualifiée de « point central » par Yannick Monnet (PCF), devra se tenir en présentiel ou à distance si le spécialiste est dans l’incapacité d’être sur place (en cas de déserts médicaux).

De nouveau, via un amendement de Catherine Vautrin, un délai de réflexion obligatoire de deux jours donné au patient, pour qu’il confirme son souhait de mourir, a été réintroduit (après avoir supprimé en commission des Affaires sociales). Le malade pourra choisir la date, le lieu et les personnes présentes au moment de l’administration. Si plus de trois mois s’écoulent entre l’autorisation du collège de médecin et la confirmation, une réévaluation de la volonté du patient est imposée.

Clause de conscience et délit d’entrave

La « clause de conscience », défendue par les soignants opposés à l’aide à mourir, a largement été adoptée par les députés. Elle permet à chaque médecin de refuser de pratiquer l’aide à mourir. Cependant elle ne concerne pas les pharmaciens qui fourniront le produit létal, malgré des demandes en ce sens.

Les députés ont décidé d’alourdir la peine prévue pour délit d’entrave à l’aide à mourir, à deux ans d’emprisonnement et 30 000 euros d’amende. Cette entrave peut prendre la forme de « pressions morales », « actes d’intimidation » ou « blocages d’accès aux établissements ». Le « délit d’incitation à l’aide à mourir » voulu par les députés de droite et extrême droite mais aussi par les députés Yannick Monnet et Frédéric Valletoux, n’a cependant pas été retenu.

Derniers points apportés au texte, la suppression de la mention de « mort naturelle » sur les certificats de décès des personnes ayant eu recours à l’aide à mourir a été adoptée de justesse. Un point polémique pour les opposants pour qui il s’agit d’une « mort administrée ». La ministre a précisé que ce point pourra encore être travaillé au Sénat.

Tous les groupes devraient accorder une liberté de vote à leurs députés, mais l’avenir du texte reste incertain au Sénat, où domine la droite. Gérard Larcher avait exprimé, jeudi 22 mai, au micro de France Inter sa réserve sur le texte mais que « tout dépendra de la nature du texte [à l’issue des débats] » a-t-il précisé. Emmanuel Macron a évoqué un éventuel référendum en cas d’« enlisement ».


En savoir plus sur MAC

Subscribe to get the latest posts sent to your email.

Donnez votre avis

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur la façon dont les données de vos commentaires sont traitées.