Le collectif enquête depuis trois ans sur les causes de la sous-représentation des classes populaires dans les sphères politiques. Il entend rendre obligatoire la « parité sociale » pour tous les scrutins.

© Francois HENRY/REA
En 20 ans, la représentation des classes populaires en politique a dégringolé. C’est l’un des constats clés du collectif Démocratiser la politique (Dlp), qui a présenté mardi 10 juin les premiers éléments de son enquête, qui sera dévoilée fin juin.
De la même manière que la parité femme-homme dans les scrutins a fait son chemin dans la loi, l’organisation prêche une parité sociale obligatoire dans tous les scrutins. « Après la double séquence de l’élection présidentielle et des législatives 2022, nous nous sommes dit qu’il n’est plus possible de laisser les classes populaires se faire léser du côté des électeurs et des candidats », explique Kevin Vacher, sociologue et chercheur membre de Démocratiser la politique.
La parité sociale, rappelle-t-il, « n’est pas une idée récente. Elle est structurellement liée à la promesse démocratique. Les partis politiques ont été créés autour des premières forces d’organisation ouvrière, qui devaient être représentées. Aujourd’hui quoi que nous fassions, quoi que nous votions, l’espace de décision politique s’organise autrement, comme si nous n’existions pas »
Une sous-représentation présente dans toutes les formations politiques
Plutôt que de se focaliser, comme il est courant, sur les freins à l’engagement des classes populaires, le collectif a pris le problème à l’envers : mettre au cœur des débats la surreprésentation d’une classe socio-politique dominante. « Ce n’est pas à nous d’aller chercher le pouvoir, c’est aux classes supérieures de nous laisser de la place », enjoint le collectif, qui appuie que la sous-représentation des classes populaires n’est pas un problème d’engagement.
Selon Dlp, « 2,7 millions de personnes ont candidaté à une élection ces vingt dernières années, 31 % d’entre eux et elles appartenant aux classes populaires et 27 % aux classes moyennes », preuve d’un engagement massif des Français et françaises dans la vie électorale. « Ce chiffre tombe pourtant sous les 5 % chez les parlementaires (Parlement européen, Assemblée nationale et Sénat). »
Et cette sous-représentation concerne l’ensemble des formations politiques, y compris celles de gauche qui entendent parler aux classes populaires et comptent en partie sur leur vote.
Si un candidat est parvenu à dépasser les premiers obstacles à l’accès au pouvoir, comme le manque d’accès à l’information ou l’isolement – tout un ensemble de « violences institutionnelles » selon le collectif-, ce dernier ou cette dernière est confronté à un système de sélection classiste. « À gauche, les classes populaires subissent 10 fois plus de sélections que les classes dominantes « pour devenir parlementaire, détaille les chercheurs : » A droite, ce chiffre grimpe à 14 fois plus ».
Au cours de ses ateliers et entretiens avec de nombreux parlementaires, Dlp a également recueilli des témoignages édifiants : « J’ai beau m’habiller différemment, avoir eu des diplômes, parlé différemment, même quand j’ai l’impression de ne plus appartenir à ma classe, la domination me colle à la peau », témoigne un membre de l’organisation. Un député explique avoir été moqué à son arrivée, lorsqu’un élu de gauche lui demande où est son « bleu de travail ».
Une légère évolution depuis 2017
Selon les données de l’organisation, entre 2002 et 2017, les classes dominantes ont gardé des taux de représentation constants. Mais à partir de 2017, cette dernière identifie une évolution relative : Les Gilets jaunes, les mobilisations contre la réforme des retraites, ou encore la Convention Climat, autant de mouvements critiquant la démocratie en place et font passer la représentation des classes populaire « de rien à presque rien, observe le collectif, mais à ce rythme, il faudrait attendre 72 ans, soit 2096, pour atteindre une représentation équilibrée des classes populaires à l’Assemblée ».
En ce qui concerne les différents scrutins, les européennes et sénatoriales sont celles où la part des classes supérieures explose. Conséquences d’une exposition médiatique moins importante et de milieux éloignés des rapports de force militants.
« À l’Assemblée nationale, les classes populaires ne représentent que 5 % des député·es. Cela reste faible, mais c’est un progrès : on est passé de 8 élu·es (1,4 %) en 2012 à 31 aujourd’hui (5,4 %) », détaille le collectif, « mais le signal le plus préoccupant vient des élections municipales ». L’espace local, pourtant principal levier des carrières politiques, représente de moins en moins les classes populaires au profit des classes moyennes et supérieures.
« L’essentiel du stock de candidature se trouve dans les élections municipales, explique Kevin Vacher. Entre 2008 et 2014 on observe une stabilisation, les classes populaires étaient sous-représentées mais le scrutin restait accessible. À partir de 2020, la proportion de classes supérieures augmente. C’est surprenant car elles ne s’étaient jamais intéressées autant aux élections municipales. »
Le RN ou l’arnaque des classes populaires
Le collectif a également mis l’accent sur le discours populiste du Rassemblement National, qui entend s’imposer comme le soutien des classes populaires. Dans les faits, permet-il à ces dernières d’accéder elles aussi au pouvoir ? « Si l’on regarde la contribution du RN à l’engagement des classes populaires, il n’a en réalité permis qu’à 4 900 personnes de s’engager électoralement depuis plus de 20 ans, là où le PCF atteint presque les 11 000 personnes et le PS dépasse les 14 000. Plus le RN s’approche du pouvoir, plus les compétitions sociales s’exacerbent et les classes populaires se placent », précise Kevin Vacher.
Face à ces constats alarmants, Dlp a formulé plusieurs propositions qu’il entend faire émerger dans le débat public, parmi lesquelles une très ambitieuse : modifier la constitution. Notamment en ajoutant à l’article 2 qui impose que « la loi favorise l’égal accès des femmes et des hommes », les termes suivant : « et de toutes les catégories sociales ».
Le collectif est actuellement en discussion avec la gauche et certaines figures de droite. Cette avant-première a accueilli des représentants de toutes les formations politiques du NFP à l’Assemblée nationale, comme Olivier Faure pour le parti socialiste ou Karima Delli et Marie Toussaint pour les Verts. Ce qui représente l’espoir d’un changement, malgré les « difficultés de ces partis à se remettre en question », souligne un des membres du collectif.
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