En cette rentrée, le coût de la vie explose

Pouvoir d’achat Dans un contexte de hausse des prix généralisée, la situation se détériore pour les foyers les plus modestes. C’est ce que détaille le 16e baromètre sur la pauvreté et la précarité dévoilé, ce mercredi, par le Secours populaire français.

Infographie Humanité

 

Inlassablement, c’est le même rituel. Chaque jour, il faut compter. Au centime près. Quand on a juste le RSA, il n’y a pas le choix. Hine Belaouer, 41 ans, vit avec ses deux filles, Amandine, 14 ans, et Alyssa, 8 ans. La maman solo est auxiliaire de vie. Mais deux opérations aux mains et une troisième, programmée, l’empêchent pour l’instant de travailler. « J’ai 631 euros pour vivre, pas un euro de plus », dit-elle. Quand elle a payé le loyer du logement HLM des Clayes-sous-Bois, dans les Yvelines (103 euros après l’APL), la box Internet, les charges, les assurances maison et scolaire… il ne reste plus que 150 euros pour s’alimenter. « On mange discount. Les marques, ce n’est pas pour nous. » L’inflation, elle la subit de plein fouet. « Le lait, les pâtes, tout a augmenté ! » Et la rentrée scolaire a forcément été un dilemme. Il a fallu se tourner vers le marché de l’occasion pour les fournitures scolaires. « J’ai inscrit la grande au karaté. Pour la plus petite, je vais essayer de négocier avec le club de gym et payer en plusieurs fois », souffle-t-elle. Alyssa vient de rentrer de l’école. Toute souriante. « C’est vrai, c’est un peu compliqué des fois. Quand je veux aller à la piscine, ce n’est pas toujours possible. Maman me dit que ça sera le mois prochain. » La fillette ne se plaint pas. « Je les ai éduquées comme ça », rétorque fièrement Hine. Non, ce qui gêne Alyssa, c’est ce garçon, dans sa classe, qui porte un pantalon troué. Alors la famille, bénévole au Secours populaire (SPF), a décidé de donner des vêtements. Pour lui. Et les autres. « Ça rassure un peu », se réjouit Alyssa.

une personne seule est pauvre quand elle a un revenu mensuel net inférieur à 1 263 euros

La famille Belaouer fait partie de ces 12 millions de personnes qui vivent en dessous du seuil de pauvreté en France (18,46 % de la population). Elles étaient plus de 9 millions en 2019. La pandémie de Covid a exacerbé une crise économique déjà bien palpable. Et le nombre de pauvres a explosé. C’est ce que confirme le 16e baromètre Ipsos/Secours populaire français dévoilé mercredi 6 septembre. L’étude, conduite du 1er au 5 juillet par téléphone auprès d’un échantillon représentatif de 1 010 personnes âgées de 16 ans et plus, dresse un état des lieux sur la perception de la pauvreté et de la précarité dans notre pays. Comment elles sont redoutées. Et vécues. Innovation cette année : le SPF a interrogé un panel d’enfants de 8 à 14 ans sur le même thème. Sans grande surprise, hélas, la fragilisation sociale s’est une fois de plus accrue. Les Français considèrent qu’une personne seule est pauvre quand elle a un revenu mensuel net inférieur à 1 263 euros. Un chiffre en hausse de 88 euros par rapport à l’an dernier. À titre de comparaison, c’est 161 euros de plus que le seuil de pauvreté officiel de l’Insee (1 102 euros), et seulement 41 euros de moins que le Smic (1 304 euros net en 2022). « Le contexte, avec une inflation galopante, pèse particulièrement sur les personnes aux revenus modestes », souligne le SPF.

L’association, qui s’est donné pour mission d’agir contre la pauvreté et l’exclusion sous toutes ses formes, constate qu’après une légère amélioration l’année dernière, « la situation se détériore de nouveau en 2022, dans un contexte de hausse des prix ». Conséquences : 15 % des personnes interrogées avouent être à découvert chaque fin de mois et 7 % d’entre elles craignent de basculer dans la précarité. Et quand on leur demande si, à un moment de leur vie, elles se sont dit qu’elles étaient sur le point de connaître une situation de pauvreté, 57 % des personnes interrogées répondent oui. 64 % des foyers avec moins de 1 200 euros net par mois l’ont d’ailleurs déjà vécue. Les difficultés financières sont notables, notamment pour payer les frais de transport, alors que le prix de l’essence enregistre des records. 47 % ont du mal à partir en vacances au moins une fois par an, contre 40 % l’an dernier. 45 % à payer l’essence, l’abonnement train ou métro, soit 15 % de plus qu’en 2021. Et ils sont 41 % à peiner pour régler les dépenses d’électricité et de chauffage, contre 36 % il y a un an. Consommer des fruits, des légumes frais tous les jours est compliqué pour 37 % des personnes interrogées (32 % en 2021).

Dans ce climat délétère, normal que l’on s’inquiète pour les plus jeunes. Ainsi, 85 % des personnes sondées redoutent que les futures générations n’aient à vivre davantage de situations de pauvreté qu’elles-mêmes. Un niveau record. Elles étaient 78 % l’an dernier. Les plus jeunes, quant à eux – les 500 enfants de 8-14 ans interrogés – se montrent pleinement conscients de la réalité de la pauvreté en France. Un sur deux considère qu’il y a beaucoup de personnes pauvres. « Il y en aura de plus en plus si ça continue comme ça ! » Malo, du haut de ses 11 ans, pose déjà un regard grave sur la société. Ce tout nouveau collégien vit avec ses parents et sa petite sœur dans un pavillon de Plaisir (Yvelines). S’il ne souffre pas personnellement de pauvreté, il s’en inquiète pour les autres. Plus tard, il sera chef cuistot. « Avec des plats pas chers, pour tout le monde. » Il fait partie de ces 37 % de jeunes personnes interrogées à connaître des enfants de leur âge qui ne peuvent pas manger en quantité suffisante. Elles sont 71 % à penser que certains de leurs camarades ne partent jamais en vacances.

oui, décidément, « la richesse en France est mal répartie »

Bonne nouvelle, malgré tout. Une majorité des Français (65 %) se dit toujours prête à s’impliquer personnellement pour aider les personnes en situation de pauvreté. Et si la majorité des enfants interrogés se sent trop jeune pour agir, plus d’un sur trois estime pouvoir faire quelque chose pour secourir les personnes pauvres. C’est le cas de Romane, 14 ans. La jeune lycéenne milite déjà dans les Yvelines au mouvement Copains du monde du SPF. « On fait des collectes alimentaires, on recueille de l’argent avec les ventes de tickets de tombola. » À chaque fois qu’elle va à Paris, elle observe un nombre de SDF grandissant. Ce qui lui fait dire que oui, décidément, « la richesse en France est mal répartie ». Plus tard, elle le sait, elle travaillera dans le social. Comme la majorité des enfants, elle souhaite pouvoir agir à son niveau. Ils sont 90 % désireux d’aider les enfants pauvres en France ou dans les autres pays.


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