Travail. La polémique se transforme en débat de fond

GAUCHE Les propos du secrétaire national du PCF, Fabien Roussel, ont déclenché une avalanche de critiques, y compris dans son camp, qui lui reprochent de faire le jeu de la droite. Lui assume ses propos et souhaite que le débat soit poussé jusqu’au bout.

«  Il y a ceux qui défendent le droit à la paresse. Il y a ceux qui défendent l’idée de mettre le RSA à 1  000 euros   », a déclaré le député du Nord sur Franceinfo, mercredi.

« Il y a ceux qui défendent le droit à la paresse. Il y a ceux qui défendent l’idée de mettre le RSA à 1 000 euros », a déclaré le député du Nord sur Franceinfo, mercredi.
Radio France

De déclarations en tribunes, la polémique autour du « travail » qui a démarré à la Fête de l’Humanité ne cesse de rebondir. Tout a commencé par un déjeuner de presse vendredi 9 septembre. « La gauche doit défendre le travail et ne pas être la gauche des allocations et minima sociaux », affirme alors le secrétaire national du PCF, Fabien Roussel, entraînant une pluie de critiques venues des autres formations de gauche. Après avoir multiplié les mises au point pendant le week-end, en expliquant notamment que, loin de s’en prendre aux allocataires, il s’agit d’assigner à la gauche l’objectif d’ « éradiquer le chômage et la pauvreté », le communiste est remonté au créneau sur Franceinfo mercredi matin. « Il y a ceux qui défendent le droit à la paresse. Il y a ceux qui défendent l’idée de mettre le RSA à 1 000 euros. Je défends, moi, l’idée que nous devons nous projeter dans une société qui garantisse à tous un vrai emploi », explique le député du Nord. Relancé plus tard par la journaliste, il précise que c’est au « plan philosophique » qu’il est en désaccord avec l’idée du « droit à la paresse », que le gendre de Marx, Paul Lafargue, avait défendu dans un célèbre essai en 1880.

Plus terre à terre, après ces phrases chocs – qui ont pour le communiste l’avantage de concentrer la couverture médiatique sur ses déclarations –, beaucoup lui reprochent de mettre en opposition travailleurs et privés d’emploi, de renvoyer par ces formules les allocataires du RSA à l’image de fainéants. « Le problème, ce n’est pas ce qu’il dit sur la lutte contre le chômage mais de reprendre l’expression très connotée des “allocs” et d’en faire quelque chose de péjoratif. C’est de s’inscrire dans un discours que la droite a toujours tenu pour expliquer que ceux qui en bénéficient sont des profiteurs. C’est ça qu’on entend », a ainsi objecté le psychanalyste soutien de la FI Gérard Miller, sur France 5 mercredi soir. L’écologiste Sandrine Rousseau pousse plus loin : « La valeur travail, a-t-elle tranché jeudi matin, c’est quand même une valeur de droite. »

Le revenu universel dans le viseur

La Macronie, d’ailleurs, ne manque pas de s’engouffrer dans le débat : « Je fais partie d’un gouvernement et d’une majorité qui défendent la valeur travail. Je considère que si on veut pouvoir redistribuer les richesses, il faut en produire et que le travail, c’est au cœur de notre société », déroule le ministre Gabriel Attal, membre d’un exécutif qui entend s’en prendre simultanément aux bénéficiaires de l’assurance-chômage, dont il veut réduire les droits, et du RSA, auxquels il veut imposer 15 à 20 heures d’activité par semaine.

Le secrétaire national du PCF se défend de jouer ce jeu et riposte à ceux de ses partenaires qui le critiquent : « I ls ont renoncé à la grande ambition qui devrait rassembler la gauche : celle d’éradiquer le chômage. Si l’esclavagisme revenait demain, ils négocieraient avec le Medef le poids des chaînes. Pas moi. Car le chômage tue, il bousille des vies », oppose-t-il dans une tribune au Monde, mercredi, tout en affirmant qu’ « à titre transitoire, les salariés ont besoin de protections, d’accompagnement » et qu’il sera « à leur côté pour dénoncer toutes les attaques du gouvernement contre eux ».

Et c’est au revenu universel, ou à ses dérivés, qu’il s’en prend. Un vieux débat à gauche, réactivé par Benoît Hamon lors de la présidentielle de 2017 et que les écologistes ont également âprement défendu. Au risque de permettre au patronat de s’exonérer du versement d’une partie des salaires, estiment notamment ses détracteurs à gauche. Face à cette proposition, les alternatives ne manquent pas, de la sécurité emploi-formation du PCF à la sécurité sociale professionnelle de la CGT, en passant par le salaire à vie de Bernard Friot ou encore la garantie d’emploi défendue par la FI. Si les débats sont parfois vifs entre les tenants de ces différentes positions, en particulier sur le dépassement du marché du travail, elles ont en commun l’objectif de sortir les travailleurs de la pression du chômage, à l’opposé d’une droite qui fait du travail une valeur en soi pour mieux remettre en cause les droits sociaux chèrement acquis.

Mais autour des déclarations de Fabien Roussel se joue aussi un autre débat : celui du rapport de la gauche aux classes populaires. « Ma circonscription fait partie de celles où Marine Le Pen a fait plus de 50 % au premier tour de la présidentielle. (Pour être élu), il a fallu que j’entende… Il y a des discours (à gauche) qui ne passent pas » auprès des électeurs, estime le député du Nord, qui pointe « les Français (qui) nous parlent d’assistanat en nous disant que (eux) travaillent ». Un « diagnostic » que François Ruffin dit partager mais sans défendre le même « horizon » : sur « les travailleurs des campagnes », « sur l’“assistanat”, lui ne répare pas la fracture, il ne cherche pas à la dépasser, il l’approuve, la valide », estime-t-il en parlant de Fabien Roussel, dans un texte posté sur Facebook mercredi. Le porte-parole du PCF, Ian Brossat, l’assure en contrepoint de son côté : poser le débat sur ce « qui fait qu’à catégorie sociale équivalente dans la circonscription de Fabien Roussel à la présidentielle, ça votait RN, et que chez moi, à Paris (18e – NDLR), ça votait Mélenchon (…), ce n’est pas opposer la France périphérique à la France des quartiers populaires, mais (s’interroger sur) comment on réussit à construire des combats communs entre les deux » .

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