Espagne, État multinational, par Dolores Ibárruri

Dans ce texte écrit par Dolores Ibárruri en septembre 1970 on pourrait presque y retrouver une illustration de notre monde actuel et des problèmes que rencontrent les peuples, les dirigeants, les opportunismes, les empires…

La Pasionaria pose le Droit à l’autodétermination des peuples comme fondement de la Démocratie et de la lutte contre la dictature qui n’est que l’aboutissement d’un long processus de centralisation absolutiste et de concentration du pouvoir dans les classes dirigeantes réduisant par la force la démocratie des peuples d’Espagne bien antérieurs à la naissance de l’Espagne même et dont l’aboutissement sera à l’époque le franquisme (et aujourd’hui la monarchie constitutionnelle dans la mondialisation financière sous tutelle de l’UE et des monopôles financiers).

Pour le PCE la réponse au problème des nations espagnoles est clair: droit à faire partie d’une fédération ou être indépendants.

Les monopoles après avoir détruit les instances juridiques des nations ont monopolisé et privatisé pour leur seul profit les ressources minérales, le commerce et le développement industriel en vendant les richesses de l’Espagne à l’étranger en particulier à l’Angleterre, la France et la Belgique.La trahisons des élites dirigeantes Catalanes pour se prémunir des revendications des classes laborieuses montrent comment parfois l’indépendance nationale peut être trahie par les classes dirigeantes si leurs intérêts sont menacés par les revendications démocratiques de leurs peuples.

La dialectique du mouvement nationaliste des peuples espagnols est dans ce texte bien perçue.La perspective communiste considère le droit à l’autodétermination des peuples dans l’intérêt des classes ouvrières, paysannes et populaires.

La vision des communistes espagnols sur les nationalités est internationaliste et revendique une fédération sur des bases démocratiques depuis les différents peuples espagnols.Dans le cas de l’Espagne l’autodétermination des peuples Basque, Catalan et de Galice rejoint la lutte anti impérialiste contre l’Angleterre et les États-Unis pour une Espagne indépendante ; c’est aussi rejoindre la lutte anti impérialiste avec le peuple d’Indochine.

Ce texte peut permettre aussi de percevoir les évènements actuels au Donbass et en Ukraine et de préciser les rôles des puissances étrangères d’hier et d’aujourd’hui sur la conduite des peuples autochtones sans oublier le point de vue de classe.Nous y voyons comment les querelles des puissants et des propriétaires mènent les peuples à leur ruine économique, sociale et culturelle.

Ce texte décrit comment progressivement les communes des peuples d’Espagne ont été vidées de leurs prérogatives par un État centralisateur et absolutiste dirigé par des étrangers. Ceci n’est pas sans rappeler les attaques successives contre les communes françaises et la nation et notre perte de souveraineté à différents échelons du pouvoir. Ce texte, outre le sujet traité, montre la richesse de la pensée d’une communiste fille et épouse de mineur, fille dans une fratrie de 11 enfants qui a terminé sa scolarité à 15 ans et instruite au socialisme par son mari militant socialiste. Les champs de connaissance mobilisée sont nombreux: géologie, géographie, Histoire, culture, politique, philosophie dans un texte qui étudie le problème des nations dans la plus grande complétude possible et situe les solutions dans la réalité de l’Espagne de l’époque et de la dictature mourante en combinant tactique et stratégie pour le succès du socialisme et la liberté des peuples.(Traduction par Daniel Arias)


Espagne, État multinational

(Septembre, 1970)

Rapport présenté par la camarade Dolores Ibárruri devant la session plénière élargie du Comité Central du Parti Communiste d’Espagne.

1. Notre position

2. La formation de l’État espagnol

3. Catalogne, riche et pleine

4. Galice, le paria

5. Vers des solutions démocratiques et socialistes

 

Camarades:

Après avoir appris, à travers la discussion du rapport du camarade Carillo, ce que nous pourrions appeler un tournois d’abnégation, d’héroïsme, de combativité, et d’intelligence politique qu’a représenté la lutte de nos camarades, de la classe ouvrière et des paysans contre le régime, et dans laquelle en permanence se risquent la liberté et même la vie, comme à Grenade, je me sens devant vous un peu perplexe et déconcertée. Et je me sent déconcertée et perplexe parce que en exposant dans cette réunion, et au nom du Comité Exécutif, le problème national, je vous engage ou oblige à ajouter, aux multiples motifs qui stimulent et animent notre lutte contre la dictature, un de plus: celui de la défense du droit des nationalités existantes dans notre pays à l’autodétermination, déjà que, entre les questions qui dans la lutte pour la démocratisation de l’Espagne devront être résolues en priorité à d’autres plus générales, il est le problème national, qu’est en substance le droit de la Catalogne, Euzkadi et la Galice à disposer librement de leurs destins.

Et cela non seulement parce que c’est justice, mais aussi parce que la solution correcte de cette exigence nationale des catalans, basques et galiciens, fera plus viable la solution des multiples problèmes politiques, économiques et sociaux qui doivent surgir face à la classe ouvrière et les forces démocratiques à la disparition de la dictature.

En Espagne la question nationale —qui avec la République a commencé a être abordée— est indissolublement unie à celle pour la démocratie et le socialisme.

D’ici que la classe ouvrière de notre pays, par conséquent en tant que classe la plus révolutionnaire, et qui porte en soi même le futur d’une l’Espagne socialiste, doit être la plus intéressée dans la défense du droit de ces nationalités à l’autodétermination.

Pour deux raisons: La première, parce que dans la lutte contre la réaction, qui a la responsabilité historique que ce problème persiste sans solution, le poids de la classe ouvrière peu être décisif. Et seconde, parce que seule la participation de la classe ouvrière dans cette lutte peut assurer la solution du problème national en accord avec les intérêts fondamentaux du développement démocratique de notre pays.

D’autre part, il est évident que la solution du problème national, de manière populaire et démocratique, sera un des plus sérieux coups à la réaction oligarchique et monopoliste, et permettra en même temps d’établir de nouvelles formes d’entente et de collaboration entre tous les peuples de l’Espagne.

Lorsque, en 1939, le général Franco proclamait sa volonté «d’empire» dans l’Espagne «une et grande»,seulement dans la vacuité du Panthéon de l’Escorial pouvait trouver écho et retentissement l’histrionique déclaration du Caudillo, si les morts fussent capables de réagir devant les monstrueuses sottises des vivants.

Face au dictateur, se dressait l’histoire multiséculaire des villages péninsulaires en lutte permanente pour leurs droits et libertés, défendus et maintenus dans le long combat contre les envahisseurs étrangers; se dressait la réalité multinationale de l’Espagne qui clamait avec la voix inextinguible des nations et régions vivantes et agissantes: «nous avons été, nous sommes et nous serons»…

L’Espagne «une, grande et impériale», qui campe sur les drapeaux franquistes sous des symboles médiévaux, comme le joug et les flèches, arrachés de vieux écussons, qui parlent de guerres et de luttes fratricides, n’a pas rien de commun avec la véritable l’Espagne.

Dans son territoire péninsulaire et insulaire, l’Espagne est diverse et multiple dans ses hommes et dans ses villages, et rien ni personne peut effacer cette réalité. Un lien commun fondamental existe entre tous les peuples et les régions d’Espagne: la classe ouvrière. Elle est égale à elle même dans toutes les régions et des nationalités. Elle est aujourd’hui, et le sera encore plus demain, le liant humain et social de l’État multinational espagnol, qui devra se structurer démocratiquement à la disparition de la dictature franquiste.

D’où notre insistance pour que la classe ouvrière face sienne, à côté de toutes les forces nationales démocratiques et dans l’intérêt du développement de notre pays, la défense du droit de la Catalogne, Euzkadi et la Galice à l’autodétermination.

«Il est nécessaire de fondre — conseillait Lénine en se rapportant à la lutte pour le droit des nationalités — en un torrent révolutionnaire unique, le mouvement prolétaire et paysan et le mouvement démocratique de libération national.»

Et en réponse à quelques jeunes camarades qui demandent: où est l’origine de la structuration centrale actuelle de l’État espagnol?, Je veux répondre bien que brièvement: Ce processus centralisateur, qui est commun au développement de la bourgeoisie en tous les pays, a en Espagne caractéristiques spécifiques.

Initié par les Rois Catholiques, il est poursuivi par des monarchies étrangères qui écrasent violemment les traditions et libertés des peuples et régions péninsulaires, pendant qu’ils laissent subsister les droits et privilèges aristocratiques et féodaux qui ont durement pesé sur toute la vie espagnole et freiné le développement politique, économique et social de l’Espagne.

En analysant la naissance et le développement de la bourgeoisie dans le «Manifeste du Parti Communiste», Marx et Engels disent d’elle:

«Elle a aggloméré la population, centralisé les moyens de production et concentré la propriété dans dans un petit nombre de mains.» La conséquence obligée de cela a été la centralisation politique. Les provinces indépendantes, liées entre soi presque uniquement par des liens fédéraux ayant des intérêts, lois, gouvernements et tarifs douaniers distincts, ont été réunies dans une seule nation, sous un seul Gouvernement, une seule loi, un seul intérêt national de classe et un seul tarif douanier.»

Et ainsi, l’État centralisé et centralisateur a assumé d’autorité, dans l’intérêt des classes qu’il représentait, qu’étaient la bourgeoisie naissante et les grands propriétaires agraires, toutes les prérogatives qui avant sa formation apparaissaient comme droit naturel, traditionnel et inaliénable des diverses entités nationales ou régionales, soumettant à celles-ci à une unification qu’elles rejetaient et qui par force ont été obligées d’accepter.

Ceci étant vrai en général — Marx s’appuyait sur divers exemples, et fondamentalement ceux d’Angleterre et de la France, dont la bourgeoisie fit la révolution contre le féodalisme—, dans notre pays ça se produisit de manière distincte, ce qui explique son retard, la différence dans son développement et la persistance du problème national, que nous discutons aujourd’hui.

La loi, que la force a imposée, s’est faite habitude sans que dans les peuples qui étaient jugulés par l’État centralisateur disparût le sentiment de son idiosyncrasie nationale. Sentiment qui dans les conditions créées en Espagne continue vivant et agissant et il est porteur d’une grande force mobilisatrice et révolutionnaire.

Peut-on continuer à accepter le concept traditionnel réactionnaire uniformisant imposé par la violence aux peuples et régions d”Espagne par les oligarchies propriétaires terriens, financières et monopolistes que la dictature de Franco incarne?

Non; ce n’est pas acceptable, parce que l’Espagne c’est la Catalogne, c’est Euzkadi [Ndt Pays-Basque], c’est la Galice, l’Espagne est Aragon, est Navarre, est Castille, est Asturies et Léon, est Extremadure et Andalousie, est Valencia, est Murcia et Albacete. L’Espagne est multinationale et multirégionale.

Et si le concept de l’Espagne «une» n’a jamais été accepté par les peuples qui se sentaient opprimés par le joug centralisateur, aujourd’hui le rejet de cet État et de cette situation entraîne même des forces et des classes sociales qui en d’autres temps maintenaient des opinions différentes.

La dictature franquiste, avec les forces les plus obtuses et réactionnaires croyaient avoir assuré pour des siècles leur domination sur quelques peuples capables de s’immoler défendant leur droit à être libres — par sa brutalité, par son incompétence, par son profit cynique de toutes les richesses nationales au bénéfice de la clique gouvernante—, a radicalisé le processus démocratique et décentralisateur qui aujourd’hui secoue jusqu’au ciment du régime.

Et si «Paris vaut bien une messe», comme l’a dit un roi français pas catholique, la transformation de notre vieille Espagne en une Espagne démocratique et progressiste, dans laquelle les nations et les régions aient la possibilité de se développer, l’effort de la classe ouvrière, des paysans et des forces démocratiques pour réussir cette transformation est bien utile…

1. Notre position

Dans ce contexte les communistes nous nous prononçons pour la reconnaissance, sans aucune limitation et avec toutes ses conséquences, du droit des nationalités à l’autodétermination.

Aucune personne qui connaisse, même partiellement, la théorie marxiste léniniste, ne peut s’étonner que ce soit le Parti Communiste d’Espagne le plus conséquent défenseur du droit des nations à l’autodétermination.

Et ceci, non comme une position politique propagandiste ou conjoncturelle, sinon avec la ferme décision de lutter pour que soient une réalité les aspirations nationales des peuples qui entrent dans la composition de l’État espagnol.

Ceci n’est pas un hasard. C’est la suite logique, non seulement de la politique de l’Internationale Communiste, de l’Internationale de Lénine, à l’égard des nationalités, mais de la Première Internationale, de l’Internationale de Marx et Engels.

En s’opposant aux théories anarchistes du prudhomisme, qui rejetait la lutte pour les droits nationaux, au nom d’une prétendue révolution sociale, Marx promouvait au premier plan le principe internationaliste des nations, en déclarant «que ne peut être libre le peuple qui opprime d’autres peuples»…

Par conséquent avec ce critère, et du point de vue des intérêts du mouvement révolutionnaire des ouvriers allemands, Marx exigeait, dans la révolution de 1848, que la démocratie victorieuse en Allemagne proclamât et menât à terme la libération des peuples opprimés par les allemands, aussi bien qu’il exigeait également en 1867 la séparation de l’Irlande de l’Angleterre, en ajoutant «bien que après la séparation on arrive à la fédération».

En réaffirmant les opinions de Marx à l’égard du droit des nations à développer sa personnalité indépendante, la défense de ce droit a constitué une des thèses marxistes approuvées dans le Quatrième Congrès de l’Internationale Socialiste célébré à Londres en 1896, où il se disait:

«Le Congrès se déclare favorable à l’autonomie de toutes les nationalités.»

Il exprime sa sympathie aux travailleurs de tous les pays, qui souffrent actuellement sous le joug du despotisme militaire ou national ou de n’importe quel autre despotisme.»

De cette thèse, les partis socialistes d’Europe, avec exception des marxistes russes, guidés par Lénine, acceptaient uniquement la dite autonomie culturelle nationale.

Seulement après la révolution socialiste d’Octobre de 1917, en se constituant —en 1919— l’Internationale Communiste, cette thèse, appuyée par les réalisations soviétiques dans la solution du problème national, a été incorporée aux programmes de ces partis communistes pays dans lesquels existait le problème national, entre eux le notre, qui l’a maintenu en permanence dans ses programmes, comme une prémisse révolutionnaire de première catégorie, dans la lutte pour la révolution démocratique et pour le socialisme.

La reconnaissance du droit d’autodétermination des peuples et nations, est la pierre angulaire de la théorie marxiste léniniste dans la question nationale, et à ceux qui nient l’existence en Espagne du problème national, en l’envisageant aussi bien comme une nation unique, je veux leur rappeler quelques opinions exprimées par des hommes qui n’ont rien en commun avec le communisme sur la formation des peuples de l’Espagne.

Dans une admirable étude du célèbre historien catalan Bosch et Guimpera, publié en 1940, se rapportant à la situation réelle de l’Espagne en rapport à la non fusion des peuples péninsulaires, dit que:

«Les peuples qui démarrent du processus séculaire des nations médiévales où ils se sont cristallisés, continuent à donner à l’Espagne le caractère d’un complexe polynational, et la constituent en un faisceau de nations qui n’ont pas trouvé encore la formule de l’équilibre et une organisation stable » (La formation des peuples d’Espagne, de Bosch et Guimpera)

L’unité politique, administrative et culturelle imposée depuis Madrid, hier par la monarchie et les oligarchies latifundiaires et aristocratiques, et aujourd’hui par les oligarchies financières et monopolistes soutenues dans la dictature franquiste, fut et est une unité précaire et en permanente discussion.

«Si l’Espagne n’est pas l’ensemble de tous ses peuples — dit Bosch et Guimpera dans l’œuvre déjà citée —, et on ne conçoit pas comme quelque chose de formé par eux tous; si l’on arrive pas à trouver une structure dans laquelle aucun ne se sente soumis ou diminué, devant marcher à la remorque de groupes ou peuples hégémoniques, il n’y aurait rien de particulier que quelques uns croient précisément demander, avant de s’appeler espagnols, de quelle Espagne il s’agit.

Parce que l’Espagne n’est pas, ni peut être, une religion avec des dogmes imposés par ceux qui s’arrogent sa représentation et que si l’on ne se soumet pas à l’un d’eux l’on porte avec soi l’excommunication ou l’accusation de traître… l’Espagne sera à tous, ou ne sera pas…»

La solution démocratique du problème national devra être complétée avec une décentralisation démocratique de l’État, basé sur une large régionalisation indispensable pour aborder l’actuel très grave problème des inégalités régionales, qui constituent un autre des sérieux obstacles au véritable développement de l’Espagne. Se créeront ainsi les conditions optimales pour que la classe ouvrière et les forces démocratiques soient le facteur déterminant dans le développement politique et économique de tous les peuples et régions d’Espagne.

Ils existent des problèmes très spécifiques comme ceux de la Navarre, Valence, les Baléares et les Canaries auxquels il faudrait apporter, dans ce cadre, une solution qui corresponde aux désirs librement exprimés de ses habitants.

Les communistes, qui avons été les plus conséquents défenseurs des aspirations démocratiques de toutes les forces sociales de notre pays —et l’activité politique du Parti Communiste tout le long de la guerre contre la subversion franquiste en est la preuve—, nous devons nous efforcer aujourd’hui de porter à la conscience de la classe ouvrière et des paysans, de la jeunesse ouvrière et étudiante, même aux rangs de l’Armée et autres forces armées, la conviction du besoin de profonds changements dans la structure centralisatrice de l’État espagnol.

Nous devons montrer que la reconnaissance des droits nationaux de Euzkadi, la Galice et la Catalogne, ne signifiera pas la désagrégation et la ruine de l’Espagne, comme le prétendent les monopolisateurs actuels du pouvoir, mais son renforcement et développement industriel, politique, économique et culturel.

Il est connu que la Catalogne et Euzkadi ont été les premiers à réaliser la révolution industrielle. La Catalogne s’illustrant dans le développement de l’industrie textile et les industries complémentaires, et le le Pays Basque dans le champ de la sidérurgie, des constructions navales et l’exploitation minière.

Sur ce terrain, ce que apparaît comme une vérité historiquement incontestable, est la responsabilité de l’État centralisateur espagnol dans tout le processus du déclin économique de l’Espagne. Et lorsque, dans le XIXème siècle , les richesses minières servent de tremplin pour le grand saut de la révolution industrielle, qu’est-ce qui passe avec les gisements de cinabre de Ciudad Real —les plus riches du monde — qui eussent pu transformer cette zone dans une région industrielle en développant l’industrie chimique?

Qu’est-ce qui ce passe à Huelva qu’avec l’immense richesse de ses gisements de cuivre de Riotinto qui auraient pu transformer l’Andalousie du Sud Est en un fleuron industriel?

Qu’est il arrivé avec Jaén, Cordoue, Carthagène et Santander avec ses mines de plomb et de zinc?

La réponse est la condamnation la plus catégorique des classes dirigeantes espagnoles, de la monarchie et de ses gouvernements.

L’État centralisateur espagnol n’a pas seulement été incapable de promouvoir une utilisation rationnelle, et au profit de tout le pays, des richesses minières espagnoles, ce qui eût converti l’Espagne en un des pays industriels les plus riches du monde, de plus il a livré ces richesses à des compagnies étrangères, spécialement anglaises et franco-belges qui les ont exportées d’Espagne pour développer l’industrie dans leurs pays respectifs.

Comme témoignage de ces faits honteux qui continuent de peser sur l’économie et le développement industriel de l’Espagne, il n’est pas inutile de connaître un commentaire publié dans la revue de Madrid «El Economista», du 13 juin 1970, dans lequel, se plaignant des difficultés rencontrées aujourd’hui pour le développement des plans de production sidérurgiques, il se dit ce qui suit:

«L’Espagne depuis les plus vieux temps du fer a toujours été célèbre dans les questions de ce minerai. Déjà Pline et Strabon y louaient les minerais de fer de Somorrostro [NdT vallée du Pays Basque d’où est originaire Dolores Ibarruri]. Vingt siècles après, Somorrostro exportait chaque an six millions de tonnes de ses oxydes de fer et de ses bronzes, presque tout à l’Angleterre. Aucun historien moderne ne parla jamais du rôle de nos minerais dans la révolution industrielle anglaise, mais sans aucun doute Bilbao devait figurer dans cette histoire du siècle passé du charbon, de la vapeur, de l’acier du Royaume-Uni, base de l’industrialisation des îles Britanniques. (…)

À l’occasion, ces minerais de fer, vendus à prix si bas, nous ont manqué dès que notre sidérurgie se lancent des projets de 10 millions de tonnes d’acier de production annuelle, pour les atteindre seront nécessaires près de 20 millions de tonnes de minerai, desquelles à peine à l’occasion nous produisons un quart. C’est pour cela que à l’heure actuelle tout est hâtes pour excaver dans nos zones ferrugineuses dans toutes celles où a déjà existé la mine de fer.»

La déclaration est sanglante. Mais elle tait le plus substantiel: la responsabilité de ceux qui ont fait des ventes aux enchères des richesses minières espagnoles, et du sang et des vies des mineurs basques et espagnols avec qui s’est accumulée la richesse industrielle de l’Angleterre.

En revenant à ce qui est l’objet fondamental de mon intervention, précisément souligner que la lutte pour le droit de libre détermination des peuples de notre pays, qui hier avait un caractère d’une certaine façon limitée, acquière aujourd’hui de nouvelles grandeurs.

C’est, comme je l’ai déjà signalé, toute la structure de l’État espagnol qui est en discussion; et aucun groupe politique de quelque prestige ne peut se soustraire à cette approche s’il prétend vraiment trouver audience parmi les forces populaires les plus actives et décidées de notre pays. Le franquisme a porté les contradictions au sein de la société à un tel extrême, que même des secteurs politiques qui hier étaient ses partisans, aujourd’hui sont dans l’opposition et envisagent que seulement avec la disparition de la dictature et l’établissement d’un régime démocratique dans lequel puissent agir toutes les forces politiques, pourront se résoudre les problèmes politiques et économiques que le franquisme n’a seulement pas résolu mais qu’il a aggravé.

Et à qui, en croyant nous placer en situation gênante, demandent entre des dents et mordant les mots: qu’est-ce qu’entendent les communistes par droit de libre détermination ?, La réponse est claire et concluante: Le droit de libre détermination signifie le droit de Euzkadi, Catalogne et la Galice à faire partie de l’État espagnol ou à se séparer de celui-ci et constituer des États nationaux indépendants.

Défendre le droit des nationalités à la libre autodétermination ne suppose pas dans l’absolu l’obligation de se séparer. Les communistes nous avons toujours envisagé cette question, comme subordonnée à son utilité et en relation avec les intérêts des forces fondamentales: la classe ouvrière, les paysans et autres forces populaires face aux oligarchies financières, monopolistes et latifundiaires et les gouvernements représentatifs de ces dernières.

En posant aujourd’hui le problème national comme un problème de lutte pour la liberté et la démocratie, il n’est pas inutile de rappeler qu’une des motivations par laquelle Franco justifiait son soulèvement contre la République était le Statut catalan, le Statut basque n’avait pas encore été approuvé, considérant comme étant l’antiespagne ceux qui défendaient le droit de la Catalogne, de Euzkadi et Galice à l’autodétermination.

Nous étions l’antiespagne qui luttions pour la liberté et le progrès des peuples de notre patrie.

Et cela nous le disaient ceux qui se servaient des armées fascistes étrangères contre le peuple espagnol, et de l’aviation hitlerienne pour détruire les villes espagnoles; nous le disaient ceux qui cèdent aujourd’hui, pour une poignée de dollars, des morceaux de territoire espagnol à l’impérialisme yanki pour y établir les bases militaires qui constituent une aliénation de la souveraineté espagnole et une menace permanente contre notre peuple et notre patrie…

Le cours des ans et des événements a démontré, de façon incontestable, où était l’antiespagne et qui étaient les véritables défenseurs de l’Espagne.

Aujourd’hui, l’hostilité et la haine du peuple contre le régime du général Franco s’exprime ouvertement dans les luttes de chaque jour des ouvriers, des paysans, de la jeunesse ouvrière et étudiante; du mouvement national de la Catalogne, d’Euzkadi et de la Galice; dans l’éloignement du régime de secteurs de la bourgeoisie et dans l’attitude d’une part de l’Église qui ouvertement se sépare du même, et même dans des secteurs de l’Armée et forces armées.

Dans cette situation le franquisme cherche le soutien des États-Unis, intéressés à maintenir ses bases militaires en Espagne et la flotte américaine en Méditerranée comme un moyen de pression et de menace sur la classe ouvrière et sur les forces démocratiques.

Lutter aujourd’hui contre les bases américaines, c’est lutter contre la dictature franquiste; et lutter contre la dictature franquiste et pour la démocratisation de l’Espagne, c’est lutter contre l’impérialisme nord-américain, contre le banditisme yankee, qui détruit les peuples de l’Indochine et qu’il n’hésitera pas à en faire de même avec notre pays.

2. La formation de l’État espagnol.

En me référant à nouveau au qualificatif d’antiespagne utilisé par Franco et ses acolytes fascistes contre qui défendait les droits et des libertés démocratiques d’Espagne en général, et des nationalités en particulier, il suffit de connaître bien que sommairement l’histoire de la formation de l’État espagnol pour comprendre la niaiserie d’une telle adjectivation.

Catalans, basques, navarrais, aragonais, galiciens, valenciens, andalous et castillans, ont résisté longuement, parfois dans des luttes héroïques, contre l’intégration forcée à l’État absolutiste commencée par des monarchies étrangères.

L’État espagnol, dans sa forme centraliste actuelle, est le résultat d’un long processus dans le cours duquel s’est manifesté la résistance active ou passive des nationalités à son intégration forcée.

Après l’union de Castille et Aragon avec le règne des Rois Catholiques, après la prise de Grenade, qu’a complété la Reconquista, ni Euzkadi ni la Catalogne ni la Galice sont arrivées à se fondre avec ce centre d’où devrait être plus tard l’État espagnol, tel que nous le connaissons dans l’époque moderne.

Avec la disparition des Rois Catholiques et l’avènement au trône de l’Espagne de l’empereur Carlos I d’Espagne et V d’Allemagne, en 1517, le processus de centralisation passe dorénavant, aussi bien que j’ai déjà rappelé, sous la domination de monarchies étrangères.

«Comme bornes historiques de ce processus, il faut signaler la disparition des libertés des Municipalités castillanes, après le triomphe des réalistes sur les comuneros [Ndt Révolte des communes en Castille], en 1521… Pour absorber les prérogatives des divers royaumes périphériques de la Péninsule, les Autrichiens ont commencé par supprimer les mêmes racines de l’ancienne démocratie castillane. La deuxième étape de ce processus est la suppression des Fors d’Aragon par Felipe II en 1685 qui, après une série de modifications de moindre importance, se termine avec l’arrivée des Bourbons, qui systématiquement se consacrent à implanter un État absolutiste et uniformisé. En 1714 sont supprimées deux des principales institutions constitutionnelles de la Catalogne, le Conseil de Cent et la Généralité; et deux ans après, par l’intermédiaire de l’Arrêté de Nueva Planta, restent abolis les Fors Catalans. La dernière mesure fondamentale dans le sens d’une centralisation croissante est prise en 1833 avec la création officielle des Provinces espagnoles dans sa configuration toujours aujourd’hui en vigueur.» (in Un futuro para España, pág. 286. Colección Ebro, París.)

Face au mouvement national démocratique qui se développe dans notre pays et comme brève illustration de ce qu’ont été et sont nos nationalités en lutte pour la reconnaissance de leurs droits, ça mérite de se demander: Qu’est-ce qu’ont représenté la Catalogne, Euzkadi et la Galice dans le développement politique, économique et culturel espagnol?

Il est un fait historique irréfutable que Euzkadi, la Catalogne et la Galice occupent dans la vie de la péninsule une place particulière, avec une personnalité inimitable, maintenue à travers toutes les vicissitudes historiques par lesquelles ont dû passer les peuples péninsulaires.

Dans l’analyse rétrospective du lointain passé historique de notre pays, Castille, ou Castella – dont le nom commence à s’entendre dans le siècle VIII appliqué au territoire qui dans la Géographie péninsulaire s’étend depuis la chaîne cantabrique jusqu’à la rivière Douro et Burgos et qui reste inhabité face à l’avancée africaine, parce que ses habitants se retirent vers la Cantabrie, la Vasconie et les Asturies–, apparaît dans l’histoire comme le centre unificateur des nations et royaumes péninsulaires.

Pendant plus de deux siècles, les colons des plaines castillanes ont vécu dans les contreforts de la chaîne de montagnes cantabrique, se mélangeant aux Vascones, aux Cantabres et aux Asturiens.

Et ce n’est que lorsque la lutte fratricide a commencé au Xème siècle dans la Cordoue des califes, qui a conduit à la saignée à mort de l’épanouissement de l’”Andalus”, que le retour sur les anciennes terres des descendants des anciens colons du Castella, qui étaient déjà un peu basques et un peu cantabres-asturiens, est rendu possible.

Descendent du Nord leurs descendants qui avec Pelayo entament la «Reconquista» et reviennent vers les plaines désertiques abandonnées par leurs grand-pères sous la pression musulmane.

La Biscaye, Álava, Guipúzcoa et la Navarre élargissent leur domination dans différentes directions. Les Biscayens arrivent jusqu’à Burgos par le Sud; jusqu’au cap Saint-Antoine par l’Ouest, capturant dans leurs avancées les ports les plus importants de l’époque aussi bien que Castro Urdiales et Laredo.

Guipúzcoa avance par le Sud-est français et la Navarre pénètre en Aragon et en Gaule par les Pyrénées Centrales, pendant qu’Álava se trouve au Sud dans les contreforts de la Sierra de Urbión.

Les pierres de taille du peuple basque se sont répandues dans toute la géographie espagnole et française, et de nombreux bâtiments du Nouveau Monde découvert par Christophe Colomb ont été construits sur des pierres de taille basques.

“On a beaucoup parlé des traces laissées par les Basques en Amérique, et à juste titre, car cette trace est profonde et puissante…”.

“La géographie de la péninsule est couverte de noms basques et Euzkera crie dans les villages de Burgos, Rioja, Aragon…”. Amaya, Arrate, Cihuri, Belasco, Blascuri, Bascones, Larrahederra, Ochanduri, Lizarraga, Alubarri, Lakuraballa, Guipurauri, Arrinda, Muñozguren, Basconcillos, Biskarra, Lurabura, Calatagorri, Artaso, Artiga, et des dizaines et des dizaines d’autres qui rappellent leurs fondateurs des terres basques-navarraises, cantabriques et asturiennes”.

“À l’aide de la toponymie castillane et également guidés par les échos confus de la vie de cette époque lointaine qui nous parviennent à travers les documents, nous avons pu retracer les principales étapes de cet itinéraire passionnant. Il ne reste plus qu’à tirer une conclusion: le génie basque était alors comme il est aujourd’hui ; dynamique et aventureux, actif et entreprenant, assoiffé d’expansion et avide de chance et de danger, et il est inutile de travailler à l’enfermer dans le confinement de la ferme ou en prison”. Caro Baroja.

Les Basques n’étaient pas un peuple sédentaire, et ils ne se cachaient pas, comme le prétendent les récits des Météques, parmi les rochers de leurs montagnes. Des études récentes affirment qu’ils sont arrivés dans le Nouveau Monde une centaine d’années avant que Colomb n’ouvre les routes océaniques, lorsque leurs flottes de morutiers et de baleiniers ont été poussées par des tempêtes vers ce qu’ils supposaient être une grande île, qui n’était autre que le continent américain, où ils ont stationné jusqu’à ce que la tempête se calme.

Les Basques ont été les découvreurs de Terre-Neuve, la grande île et l’immense pêcherie de toutes sortes de poissons mais surtout de la morue ; et des noms basques et espagnols sont donnés à certaines îles de la mer du Nord comme Miquelon et Saint Pierre ; les Basques ont fait partie du rang des grands navigateurs, étant les premiers à faire le tour du monde avec Sebastian Elcano, l’audacieux marin de Guetaria.

On connaît bien également l’importance du commerce maritime et de la marine du Pays basque à partir du XIIe siècle, comme en témoigne la charte de Saint-Sébastien donnée à ce siècle.

Le statut de puissance maritime du Pays basque dans l’Espagne médiévale oblige les Basques à améliorer constamment leur industrie maritime, en s’appuyant sur le développement de l’industrie minière et sidérurgique rudimentaire, en utilisant les nombreuses forges qui existaient dans le pays, où l’on fabriquait des chaînes, des ancres, des haches et des canons et toutes sortes d’outils de travail et d’armes de guerre.

Tout au long de son histoire, le Pays basque apparaît comme une entité distincte du reste des peuples péninsulaires, et n’a été affecté que de manière très temporaire et superficielle par les différentes invasions de la péninsule.

Pendant la longue période de la Reconquête, au cours de laquelle les différents peuples péninsulaires se sont regroupés, le peuple basque a défendu et maintenu, non sans effusion de sang, ses lois et son organisation originales, qui ont été reconnues et respectées par les différentes monarchies qui, dans des luttes fratricides, aspiraient à la domination de l’ensemble du territoire péninsulaire.

Et si Pierre le Cruel (1350-1365) réussit à Bilbao à écraser brutalement un soulèvement du peuple de Biscaye, qui exigeait le respect de sa charte, les Rois Catholiques, eux, reconnaissent leur charte et jurent de la faire respecter sous l’arbre de Guernica.

(Les Basques se révoltent, menés par leurs gouverneurs, en exigeant le respect de leurs lois traditionnelles, qui ont été violées par le roi. Il arriva à Bilbao, et dans le bâtiment où il rencontra les représentants du peuple basque, il assassina le leader qui réclamait ce respect et ordonna que le cadavre soit jeté par une fenêtre dans la rue, où le peuple était rassemblé en attendant sa décision et il leur cria : “Voilà votre maître” (Histoire du Père Mariana).)

La violation de leurs lois locales et les abus des autorités castillanes conduisent le peuple basque à la révolte. En 1640, ces derniers se révoltent pour protester contre l’impôt sur le sel, une mesure qui affecte gravement l’économie basque. Une fois ce soulèvement noyé dans le sang et ses chefs pendus, le peuple basque a continué à maintenir et à défendre ce qu’il considérait comme inaliénable : le droit de contrôler son propre destin.

Depuis le XVIIIe siècle, grâce aux nouvelles découvertes de la science et de la technologie, le Pays basque a favorisé le développement de la sidérurgie moderne et d’autres industries pour devenir ce qu’il est aujourd’hui, l’une des régions les plus industrialisées de la péninsule. L’industrie se développe et, avec elle, de nouvelles classes sociales apparaissent sur la scène du Pays basque. La bourgeoisie et la classe ouvrière.

Avec le développement de l’exploitation minière et de la production de fer et d’acier, des masses de paysans de différentes régions d’Espagne ont afflué au Pays basque à la recherche de travail salarié dans les mines et des usines le pain qui leur manque que le misérable morceau de terre qu’ils travaillent dans leurs villages et villes paysannes ne leur donne pas.

Et c’est ici, dans la Biscaye métallurgique et minière, et parallèlement à la Catalogne, qu’apparaissent, après la dernière guerre civile du XIXe siècle, les premières grandes concentrations prolétariennes de la péninsule. Le Pays basque devient un bastion du mouvement ouvrier et socialiste, tandis que l’anarchisme se développe en Catalogne.

À la fin du XIXe siècle, un mouvement nationaliste basque surgit en Biscaye, promu par Sabino Arana et Goiri, qui, en raison de ses caractéristiques spécifiquement bourgeoises et même réactionnaires, malgré le fondement légitime de ses aspirations, n’a pas trouvé d’écho dans la classe ouvrière, et a même été rejeté par le mouvement socialiste.

Aujourd’hui, le mouvement national au Pays basque — au sein duquel de profonds changements se sont produits — englobe les masses populaires et est soutenu par les secteurs sociaux démocratiques fondamentaux du pays, parmi lesquels le parti communiste, qui, parmi les forces de gauche, a été le premier à soulever le problème national et à défendre le droit du Pays basque à l’autodétermination.

La lutte contre la dictature franquiste aujourd’hui, comme par le passé contre le soulèvement de la réaction fasciste espagnole, unit le peuple, et la question des droits nationaux est devenue un problème général pour la solution duquel s’exprime la majorité du pays, dans la lutte duquel se distingue une jeunesse militante qui trouve le soutien des forces ouvrières, paysannes et intellectuelles et des secteurs bourgeois et religieux d’Euzkadi.

3. Catalogne, riche et pleine…

L’expulsion des Arabes de Catalogne coïncide avec la fondation de la “Marca Hispanica”, qui, malgré son origine transpyrénéenne, s’est répandue dans toute la péninsule du Levant, servant souvent de refuge à ceux qui fuyaient les terres encore occupées par les Arabes, et de point de départ pour la lutte contre ces derniers.

À la fin du IXe siècle, Barcelone commence à avoir des comtes indépendants, le premier étant Vifredo le Poilu, avec qui commence la série des comtes indépendants de Barcelone.

La Catalogne, unie à l’Aragon, étend ses dominations non seulement de l’autre côté des Pyrénées, mais aussi à travers la Méditerranée, devenant une grande puissance maritime et commerciale, dont les navires arrivent dans tous les ports de la Méditerranée.

Un fait politique d’une importance extraordinaire dans le développement historique indépendant de la Catalogne au XIe siècle a été la promulgation des “Usatjes”, le fondement du droit catalan, approuvé par un Conseil-Courts, qui a constitué une étape majeure dans la transformation politique et économique de la Catalogne, et dans lequel il a été déclaré “que sans participation, les comtes ne pouvaient pas faire de lois”, une déclaration qui, avec la tendance contre l’anarchie féodale qui ressort des “Usatjes”, a donné à la Catalogne une constitution politique solide qui n’existait pas dans d’autres régions.

L’union de l’Aragon et de la Castille par le mariage des Rois Catholiques a rapproché la Catalogne de la Castille grâce à ses liens avec l’Aragon. Mais comme les provinces basques, la Catalogne a continué à conserver fermement sa personnalité nationale.

Et si la Catalogne n’a pas pris part aux soulèvements et aux conflits qui ont eu lieu dans la péninsule lorsque l’empereur Charles Ier, petit-fils allemand des Rois catholiques, a pris possession de la couronne, lors des Cortes tenues par le nouveau roi à Barcelone en 1519, les Catalans étaient déjà déterminés à s’opposer aux excès du pouvoir royal et à maintenir et défendre leurs juridictions, refusant de reconnaître et de prêter serment à Charles Ier tant que sa mère, Jeanne la Folle, était vivante. Ils ont également refusé de verser des contributions pour soutenir l’empereur, malgré les exigences pressantes de ce dernier.

Toute l’histoire de la Catalogne est une lutte permanente pour la défense de ses fors [NdT Juridictions] et de ses libertés. À une époque relativement moderne, en 1640, un soulèvement éclate à Barcelone contre le vice-roi Santa Coloma, qui est tué par les rebelles, et pour défendre les libertés catalanes. Ce soulèvement, connu sous le nom de “guerre des faucheurs”, qui s’est répandu dans toute la Catalogne, a été la grande protestation nationale d’un peuple se soulevant contre les charges insupportables et le despotisme du gouvernement de la monarchie absolutiste.

La Catalogne proclame sa rupture avec la Castille et se constitue en République indépendante. Et ce n’est qu’en 1653, grâce à la reconnaissance de ses chartes et à une série de concessions que le pouvoir royal centralisé a été contraint de faire, que la Catalogne a rejoint l’Espagne.

Tout au long de son histoire, la Catalogne s’est distinguée par son développement industriel et commercial, politique et social parmi les peuples d’Espagne, et elle a vigoureusement maintenu sa personnalité nationale, montrant la capacité politique et économique de se gouverner elle-même sans tutelle extérieure.

La Catalogne a été la première à se distinguer par son développement industriel impétueux, comme en témoigne le fait qu’en 1792, 80 000 ouvriers travaillaient déjà dans les métiers à tisser de Barcelone ; Reus, avec ses soixante-douze usines et ateliers, était la deuxième ville de la principauté ; et Arenys de Mar, Mataró, Vich, Martorell, Gérone et Sabadell préfiguraient également la future puissance industrielle de la Catalogne, qui reste aujourd’hui la zone la plus industrialisée de l’ensemble péninsulaire.

Sans faire référence à l’ensemble du processus de développement politique et économique catalan, après l’intégration centraliste des “Espagnes” dans l’Espagne monarchique et absolutiste, dans la première moitié du siècle dernier, la Catalogne bourgeoise et prolétarienne est apparue comme un ferment révolutionnaire et décentralisateur dans l’Espagne déchirée par les factions carlistes.

“La situation de la Catalogne était telle que, entre 1835 et 1839, elle ressemblait plus à un pays indépendant qu’à autre chose”. “Les événements politiques se sont déroulés en toute liberté en rapport à la mécanique madrilène. Le gouvernement de Madrid avait assez à faire avec la lutte contre l’armée carliste au Pays basque. En Catalogne, les Catalans ont fait et payé la guerre, ce qui a nécessité de se passer des ordres, des lois et des dispositions qui venaient de la capitale. Alors que le gouvernement pensait aux nouvelles “provinces”, le travail à Barcelone était toujours basé sur la Catalogne”. Industriels et politiciens du XXe siècle, par Jaime Vicens y Vives.

Mais la bourgeoisie catalane commençait déjà à craindre la classe ouvrière combative de Catalogne, qui, de 1835 à 1844, avait joué un rôle important contre la réaction bourgeoise et qui prenait part à la lutte, non seulement pour des revendications économiques, mais aussi pour des revendications politiques, qui n’allaient pas dans le sens souhaité par la bourgeoisie.

Et malgré leur nationalisme, les industriels catalans ont conclu un pacte avec le gouvernement centraliste, obtenant des protections tarifaires pour leur industrie, laissant les mains libres au gouvernement pour construire l’État espagnol au goût des aristocrates agrariens, castillans et andalous.

En plaçant ses intérêts de classe au-dessus des droits nationaux de la Catalogne et de la défense de ceux-ci, la bourgeoisie catalane a encouragé la politique centraliste menée par le gouvernement de Madrid.

Le gouvernement central a imposé l’espagnol comme langue officielle dans les écoles, les instituts et les universités. Il était interdit de monter des pièces de théâtre en catalan, et la Garde civile a été chargée… d’imposer, par la loi, la langue castillane dans les villes et les villages. Petit à petit, le catalan a été remplacé par l’espagnol.

Par la suite, c’est en Catalogne que se développe le grand mouvement fédéraliste promu par Almirall et Pi y Margall, influençant toute la politique espagnole et amenant au Parlement espagnol plus de 60 députés et réussissant à mettre 40 000 hommes sous les armes pour affronter les factions carlistes.

L’incapacité de la bourgeoisie républicaine et les erreurs des bakouninistes, très influents dans le mouvement ouvrier naissant, conduisent à la désintégration cantonale, qui laisse les forces ouvrières et progressistes désarmées face à la réaction et facilite le rétablissement de la monarchie des Bourbons en 1874.

Néanmoins, la Catalogne continue d’être, dans l’Espagne gouvernée par l’oligarchie agraire et la monarchie, un centre de progrès social et industriel qui se distingue de toutes les régions espagnoles et qui est la première, avec la République, à remporter sa première victoire nationale avec un Statut, approuvé par les Cortes espagnoles.

4. Galice, le paria.

Dans la géographie et l’histoire de l’Espagne et parmi la famille disparate de ses peuples se trouve la Galice, un centre d’attraction pour les voyageurs et les pèlerins du Moyen Âge, qui venaient de France et d’autres parties de l’Europe vers la Galice celtique, attirés par la légende de Saint-Jacques-de-Compostelle, et qui ont ouvert avec leurs longs chemins et routes de pèlerinage qui reliaient la merveilleuse et incomparable Galice au monde de leur époque.

Dans un passé lointain, avant même la période romaine, mais surtout pendant celle-ci, la Galice a connu un développement extraordinaire.

Les Romains ont exploité les sources de richesse qui existaient en Galice ; ils ont traversé le pays avec des routes qui reliaient les principales villes ; ils ont exploité ses sables d’or, son bétail, ses fruits, son lin, ils ont érigé des temples, des murs et des thermes, ils ont construit des villes et des ports.

Aux XIIe et XIIIe siècles, “Compostelle était la ville espagnole la plus florissante sur le plan du commerce et de l’industrie”.(Histoirie d’Espagne, de Rafael Altamira.)

Les luttes intestines qui accompagnaient le féodalisme, entre nobles et nobles, entre vassaux et seigneurs, entre chevaliers et évêques, et la défaite des Irmandiños, ont contribué à la ruine de la Galice, où l’anarchie et la misère ont atteint des extrêmes désolants.

Lorsque les Rois Catholiques ont soumis les féodaux galiciens, ils ont interdit l’utilisation de la langue galicienne et imposé des gouverneurs et des juges castillans. Depuis lors, la Galice a suivi le sort de la monarchie espagnole.

Dans son histoire de lutte contre les envahisseurs étrangers, la Galice apparaît comme un bastion de la résistance nationale : contre les Anglais au XVIIIe siècle, en les expulsant de leurs terres et de leurs ports, et en battant les marins français lors de la guerre d’indépendance en 1808.

Et si la Catalogne a fait flotter le drapeau à rayures autour des villes côtières de la Méditerranée, et si la Vasconie a participé activement à la renaissance de la Castille et à toute l’entreprise de découverte, la Galice a apporté sa langue (comme le rappelle Menéndez Pelayo) dans la partie occidentale de la péninsule :

“La poésie lyrique primitive de Castille a été écrite en galicien avant de l’être en castillan et a coexisté pendant un siècle et demi avec l’usage du castillan dans la poésie épique et dans toutes les manifestations de la prose. Ce galicianisme n’était pas seulement érudit, mais transcendait les chansons du vulgaire.

Les mêmes Castillans qui ont entonné leurs actes héroïques dans la langue de Burgos ont utilisé le galicien pour leurs chants de mépris et de malédiction “.»(5 Histoire de la poésie espagnole, par Menéndez Pelayo)

La division provinciale décrétée par la monarchie espagnole en 1833 a aboli la Junte Supérieure du Royaume de Galice, dernier vestige de l’”autonomie” galicienne. Les lois de centralisation de 1839 et 1876 ont fait le reste.

En 1843, l’Assemblée dite Fédérale tenue à Lugo a été l’acte politique initial mais définitif du mouvement régionaliste galicien. Elle défendait les droits nationaux de la Galice.

En 1846, un mouvement révolutionnaire progressiste et autonomiste a surgi en Galice, qui a été brutalement écrasé et ses promoteurs fusillés. Ils avaient l’intention d’”annuler tout acte du gouvernement de Madrid”.

À Lugo même et dans une autre assemblée tenue en 1868, un projet de Constitution pour le futur État galicien a été présenté ; et lors d’une réunion tenue à Saint-Jacques-de-Compostelle en 1873, à laquelle ont participé 545 délégués, un document a été approuvé exprimant le désir que la Galice jouisse d’une autonomie au sein d’un État fédéral espagnol.

Cependant, ces tentatives de souligner la personnalité nationale de la Galice étaient trop diffuses.

Et ce n’est qu’après qu’Alfredo Brañas ait écrit son livre “El Regionalismo” (le premier recueil de ce qu’on appelait alors “l’autonomisme galicien”) que ce mouvement a commencé à prendre une forme organisée.

1897, la première Ligue Galicienne est organisée, suivie plus tard, en 1911, par Solidaridad Gallega. Et déjà en 1916, dans les “Irmandades dos amigos da Fala”, dont la Fédération a tenu son Assemblée à Lugo en 1918, les aspirations du mouvement nationaliste galicien s’expriment.

L’un des plus éminents écrivains galiciens, Alfonso R. Castelao, qui est mort en émigration, a dit :

“Nous fondons notre nationalisme sur le fait que, malgré le fait que la Galice ait vécu sous le joug des monarchies centralistes, nous avons créé et conservé les attributs indélébiles d’une nationalité bien définie”.

Aujourd’hui, la Galice est la Galice des travailleurs rebelles de Ferrol, Vigo, La Corogne, Pontevedra et Orense ; la Galice des pêcheurs et des paysans, injustement exploités ; la Galice qui lutte pour la reconnaissance de sa personnalité nationale et qui, en juin 1936, a voté à une immense majorité de ses habitants pour réclamer un statut d’autonomie.

Ce sont, brièvement dessinés, nos Catalogne, Euzkadi et Galice, qui luttent pour la reconnaissance de leur personnalité nationale.

Et si quelqu’un essayait d’opposer la Catalogne, l’Euzkadi et la Galice au reste de l’Espagne, et surtout à la Castille, il serait obligé de lui rappeler que c’est la Castille, la Castille héroïque, que chantait le catalan Maragall, la Castille des Comuneros, la Castille des villes libres, la Castille de Villalar, qui a été la première à opposer une résistance armée à la violence et aux outrages de la monarchie anti-espagnole de l’empereur Charles Ier.

Que c’est Aragon, le royaume d’Aragon qui couvrait un jour la majeure partie du territoire péninsulaire libéré des envahisseurs étrangers, qui s’est révolté contre Philippe II – qui voulait violer le privilège général ou Magna Carta d’Aragon – défendant le droit d’exercer la justice dans les limites de son territoire et conformément à ses propres lois.

Nous ne pouvons pas oublier que les mêmes luttes des villes libres de Castille contre la politique centralisatrice de Charles Ier, celles des germanies (NdT fraternités) de Valence et des Irmandiños de Galice, indépendamment de l’époque et des objectifs proposés, sont l’antécédent héroïque et historique de la résistance actuelle de nos peuples au centralisme réactionnaire et fasciste du franquisme.

5. Vers des solutions démocratiques et socialistes.

Ayant accepté le principe du droit des nationalités à disposer d’elles-mêmes, nous ne devons pas oublier que la solution du problème national ne peut être abordée de manière statique, mais en fonction du moment et des conditions historiques dans lesquels cette question se pose.

À la fin du XXe siècle, et alors qu’un tiers de l’humanité s’est libéré du joug capitaliste, il n’est plus possible de chercher des solutions à ce problème dans les anciens modèles bourgeois, dont l’intérêt fondamental était centré sur l’exploitation des richesses naturelles et le développement des marchés au profit des classes dirigeantes.

Aujourd’hui, il est nécessaire de s’orienter vers des solutions démocratiques et socialistes, que notre monde exige.

Nous avons déjà devant nous des exemples vivants de la manière dont le problème national peut être résolu en fonction non seulement des intérêts étroits d’un groupe de nationalités, mais des intérêts de tous les peuples dans leur ensemble. La plus éloquente d’entre elles est l’expérience soviétique.

Il est bien connu que sous le tsarisme, la Russie était une prison des peuples. La révolution socialiste d’octobre 1917 a libéré tous les peuples qui avaient été opprimés par l’autocratie tsariste. Les nationalités qui peuplaient l’ancienne Russie ont obtenu le droit à l’autodétermination, à l’égalité et à la souveraineté. Les voies du libre développement ont été ouvertes aux minorités nationales, même aux peuples qui étaient en voie d’extinction en raison de la misère et de l’arriération dans lesquelles le tsarisme les forçait à vivre, et qui font aujourd’hui partie de la grande famille soviétique en tant que peuples de haute culture et de prospérité économique.

La révolution socialiste d’octobre a aboli toute forme de droits ou de privilèges d’une nation sur une autre, acceptant même la séparation de la Russie de nations importantes comme la Pologne et la Finlande.

La révolution d’octobre 1917 a été le point de départ de la transformation des anciennes nations opprimées par le tsarisme en nations socialistes, dont la force contraignante et dirigeante était la classe ouvrière et son parti communiste léniniste.

Pendant la période de la guerre civile, provoquée par les interventionnistes contre le jeune pays soviétique, le droit à l’autodétermination des nations à l’intérieur des frontières du pays des Soviets a été mis en pratique en tenant toujours compte des conditions concrètes de développement de chaque nationalité. Un certain nombre de républiques et de régions autonomes ont été créées au sein de la Fédération de Russie pendant les années de guerre civile.

Au milieu de l’année 1922, les partis communistes des républiques nationales, exprimant la volonté de leurs peuples, soumettent au Comité central du Parti communiste bolchevique russe la nécessité d’unir plus étroitement les travailleurs de toutes les républiques dans une Union des républiques socialistes.

Et ce n’est pas un hasard, il y avait plusieurs risques pour le nouvel État qui commençait à se développer : celui du nationalisme de certains dirigeants des républiques fédérales et autonomes et celui du chauvinisme forcené de certains groupes de la République fédérale de Russie.

Dans une lettre adressée au Bureau politique du C.C. le 24 septembre 1922, le camarade Lénine, afin d’écarter ces deux dangers, écrit ce qui suit du parti communiste russe, a proposé de créer une forme d’unification des républiques indépendantes sensiblement différente.

Dans cette lettre, Lénine avançait la thèse, que les faits montraient comme la plus raisonnable, selon laquelle les républiques devaient être intégrées, non pas dans la République socialiste soviétique fédérative de Russie, mais dans une nouvelle formation étatique, l’Union des républiques socialistes soviétiques, dont la République socialiste soviétique de Russie ferait partie sur un pied d’égalité avec les autres républiques indépendantes.

“Nous nous reconnaissons – écrit Lénine – égaux en droits à la République socialiste soviétique d’Ukraine et aux autres ; et à égalité avec eux, et sur le même plan, nous devenons partie de la nouvelle union, de la nouvelle Fédération…”

Lénine a également proposé de créer les organes généraux fédératifs suprêmes de l’Union des républiques socialistes soviétiques, au lieu de soumettre les républiques aux organes de la République socialiste soviétique fédérative de Russie.

Sur la base des propositions de Lénine, un nouveau projet d’unification des républiques soviétiques est élaboré et approuvé par le C.C. le 6 octobre 1922. du parti communiste bolchevique.

Le premier point de la résolution adoptée par la session plénière du CC. du parti bolchevique, a déclaré ce qui suit :

“La nécessité est reconnue de conclure un pacte entre les républiques d’Ukraine, de Biélorussie, la Fédération des républiques transcaucasiennes et la Fédération socialiste soviétique de Russie concernant leur unification dans l’Union des républiques socialistes soviétiques, en reconnaissant le droit de chacune d’elles de faire sécession de l’Union”.

Lénine attachait une importance exceptionnelle à cette résolution. Et comme il n’a pas pu, en raison de sa maladie, participer en personne à la session plénière, il a envoyé une note à la session plénière dans laquelle il dit :

“Je déclare une guerre à mort au chauvinisme des grandes nations” ….

Il est absolument nécessaire que la présidence du Comité exécutif central de l’Union soit assurée, à tour de rôle, par un Russe, un Ukrainien, un Géorgien, etc. absolument…”.

Aujourd’hui, l’Union soviétique compte quinze républiques fédérales et vingt républiques autonomes, ainsi que dix-huit régions et comtés nationaux.

Pourquoi, en soulevant le problème national en Espagne, je prends comme exemple la façon dont il a été résolu en Union soviétique ?

J’ai recours cet exemple, non pas pour le transposer en Espagne, ce qui est impossible en raison de la différence de situation, mais pour deux raisons. L’un, pour que nos camarades comprennent les difficultés qu’il y a à soulever le problème des nationalités et ne s’en alarment pas ; l’autre, en réponse à ceux qui prétendent que la conception du droit à l’autodétermination des nationalités dans notre pays représentera un saut en arrière dans le développement politique et économique de l’Espagne.

Quelles que soient les conditions dans lesquelles les nations et nationalités existant en Russie ont obtenu le droit de disposer de leur destin et de s’organiser au mieux de leurs intérêts, la preuve en est faite.

La reconnaissance du droit des peuples à se gouverner eux-mêmes sans tutelle étrangère ni pression de nations plus puissantes ne conduit pas à leur ruine, mais à leur développement et à leur prospérité.

Heureusement, l’idée de la nécessité de réformer les anciennes structures politiques et administratives et d’une nouvelle conception de ce que pourrait être l’Espagne post-franquiste commence à se répandre dans notre pays ; des idées et des conceptions qui n’excluent pas, mais admettent la possibilité du fédéralisme.

Et cela se passe dans des secteurs et des personnalités politiques qui, hier, semblaient les plus réfractaires à la reconnaissance du fait différentiel des nationalités. Et nous n’excluons pas mais acceptons le fédéralisme comme une forme de transition vers l’unité complète entre les travailleurs des différentes nations.

Un fait symptomatique qui montre comment le besoin de changement de la structure politique de l’État espagnol a mûri dans les larges cercles politiques de notre pays sont les articles publiés dans différents journaux madrilènes, dans lesquels on parle très différemment du “besoin de développement administratif”, de la “ville région”, de l’expiration de l’État centralisé, et de mille autres formes de nouvelles structures, bien qu’on ignore la question fondamentale : Celle du droit du peuple à décider du régime qu’il veut pour se gouverner.

Le Parti communiste se bat pour la reconnaissance sans réserve du droit à l’autodétermination des nationalités et pour une décentralisation régionale large et démocratique. Et elle considère que, à condition qu’elle soit librement et démocratiquement établie, l’unité des peuples d’Espagne est la solution qui correspond le mieux à leurs intérêts, aux intérêts de classe du prolétariat et de la révolution démocratique et socialiste.

Il serait trop aventureux de vouloir dessiner maintenant les contours de l’Espagne de demain, qui se forge par la lutte de la classe ouvrière, des paysans, des intellectuels, des ingénieurs et techniciens, des employés, de la jeunesse ouvrière et étudiante, de l’Église progressiste, des secteurs bourgeois, de toutes les forces des différents secteurs sociaux actifs dans l’opposition au franquisme.

Mais elle n’aura sans doute rien de commun avec l’Espagne d’hier ou avec l’Espagne franquiste, et je ne dis pas d’aujourd’hui, car dialectiquement, ce n’est plus le cas.

Et, dans cet ordre, le Parti communiste appelle avec force, comme partie essentielle de sa position politique sur le problème national, à une lutte déterminée pour éliminer les discriminations existantes contre les langues catalane, basque et galicienne, ainsi que dans les cas de Valence et des Baléares. Il faut maintenant lutter en conséquence pour que ces langues aient toutes les chances de se développer dans leur nationalité ou leur région, dans l’enseignement primaire, secondaire et supérieur, dans les médias, dans le système judiciaire et dans toutes les sphères de la vie politique et sociale.

Face à une question d’une importance aussi décisive que la lutte pour la restructuration d’une Espagne démocratique, nouvelle, différente, différente de celle d’hier et d’aujourd’hui — ce n’est pas en vain que nous subissons plus de trente ans de dictature fasciste sanglante, au cours de laquelle nous avons tous appris quelque chose —, une question se pose : sur quels alliés pouvons-nous ou devons-nous, nous communistes, compter pour mener à bien les énormes tâches qui sont à la base de la grande transformation démocratique de notre pays ? Sur quelle idéologie devons-nous nous appuyer ?

Et ce n’est pas par hasard que je pose cette question.

Habitués depuis la naissance et l’organisation du Parti communiste à considérer les paysans comme les principaux alliés de la classe ouvrière dans la lutte pour la révolution démocratique – et ceci, pour un pays agraire comme l’Espagne, était l’ABC – des voix isolées s’élèvent parfois pour demander si les paysans, avec les changements qui se sont produits dans les campagnes et la diminution du poids spécifique des ouvriers agricoles, continuent à être le principal allié de la classe ouvrière.

À cette question, nous répondons catégoriquement : Oui ! Les paysans restent le principal allié de la classe ouvrière dans la lutte pour la démocratie, dans la lutte pour le socialisme.

Malgré cette réalité, la classe ouvrière, et avec elle les paysans, ont trouvé de nouveaux alliés dans les secteurs sociaux qui existaient déjà dans notre pays, mais qui se distinguent de ceux d’hier par leur taille, par leur activité militante face à la dictature, et par leur disposition à lutter côte à côte avec la classe ouvrière.

Ce sont les techniciens, les ingénieurs, les employés des grandes entreprises et des banques ; ce sont les avocats, les médecins, les intellectuels en général ; c’est la jeunesse universitaire et aussi, pourquoi ne pas le dire, même si les philistins sont scandalisés, les catholiques qui, en Espagne, jouent déjà un rôle révolutionnaire et qui marchent, dans la lutte contre la dictature, aux côtés des communistes.

Ce nouveau phénomène d’incorporation dans la lutte pour les revendications économiques, politiques et sociales de secteurs qui restaient auparavant en marge des conflits de classe, et qui se produit dans notre pays à une échelle impressionnante, est très instructif comme expression de la maturité de la crise, non seulement du franquisme, mais aussi du régime capitaliste. Nous devons accorder à ces secteurs une attention permanente, un soutien total et une solidarité fraternelle.

D’une part, parce qu’ils constituent des forces sociales avec lesquelles il faudra toujours compter, non seulement dans la structuration et la direction d’une Espagne démocratique, mais aussi dans la structuration du socialisme dans notre pays.

Et, d’autre part, parce que cette identification de l’intelligentsia technico-scientifique et professionnelle avec la classe ouvrière confirme les thèses marxistes et constitue une vérification sur le terrain de notre politique.

Afin de rendre réalisables les changements démocratiques dont le pays a besoin, le parti communiste préconise l’établissement d’un accord ou d’un compromis avec tous les groupes politiques et même les personnalités qui représentent réellement des secteurs de l’opinion ou qui ont une influence sur les différentes couches de la population.

Et précisément maintenant, alors que nous arrivons à la fin de la période la plus tragique de l’histoire de notre pays, la fin de la dictature franquiste, et que toutes les sorcières du sabbat anticommuniste s’agitent furieusement, essayant de mettre le Parti communiste hors d’état de nuire, un petit chœur de voix hystériques s’élève dans nos propres rangs, nous criant : Les alliances, le pacte pour la liberté, le multipartisme, c’est du pur révisionnisme… !

Le révisionnisme ?

À ces amis, nous devons demander: étiez-vous, oui ou non, d’accord avec la politique du Front populaire qui a permis au Parti communiste d’Espagne, en 1936, de devenir l’une des forces politiques organisées les plus importantes de notre pays, grâce à laquelle il a été possible d’organiser la résistance populaire au soulèvement de Franco, et qui a placé le peuple espagnol à la tête de la lutte contre la réaction fasciste ?

Pour ces révolutionnaires vivant loin de l’Espagne et des luttes qui s’y déroulent, le temps s’est arrêté en 1939 et même pour certains d’entre eux en 1931.

Et ils deviennent nerveux et entrent en transe quand ils entendent parler d’alliances ou de compromis du parti communiste avec les forces de la bourgeoisie démocratique et antifranquiste.

Ils oublient Lénine et ils ont également oublié que les gouvernements qui ont agi et dirigé l’Espagne républicaine pendant l’héroïque résistance populaire de 1936 à 1939 étaient des gouvernements multipartites.

Ces gouvernements comprenaient des représentants des différents partis républicains petits-bourgeois espagnols, des partis nationalistes catalans et basques catholiques, ainsi que des socialistes, des anarchistes et des communistes.

Ils ont oublié que sous la direction de ces gouvernements, l’Armée populaire a été organisée ; les banques et les grandes entreprises ont été nationalisées, à l’exception du Pays basque ; les instituts et les universités ont été ouverts aux ouvriers et aux enfants des paysans, en leur accordant des bourses d’études correspondant aux salaires qu’ils recevaient sur leur lieu de travail ; des terres ont été distribuées aux paysans pour qu’ils les exploitent personnellement ou collectivement ; les intellectuels ont joué un rôle très important dans la diffusion de la culture sur les fronts et à l’arrière-garde.

L’Espagne s’est transformée en une république démocratique d’un nouveau type, comme il n’en existait dans aucun pays à l’exception de l’Union soviétique.

Et je voudrais rappeler aux oublieux que cette politique de multipartisme, que le Parti communiste d’Espagne a fait devenir une réalité dans notre pays, a été approuvée avec enthousiasme par l’Internationale communiste et par le Parti communiste d’Union soviétique dirigé par Staline, que ces ennemis du multipartisme n’oseraient pas, je suppose, qualifier de révisionniste.

Si le parti communiste doit être le parti de la classe ouvrière, le parti de la lutte pour la démocratie et le socialisme, il ne peut faire du marxisme un dogme fossilisé, ni s’en tenir à des formules dépassées par le temps et l’histoire, ni prétendre revêtir des géants avec des habits de baptême.

Dans notre éducation communiste, nous nous sommes appuyés sur la théorie marxiste-léniniste et la pratique de la lutte des classes et de l’internationalisme prolétarien.

Dans cette longue lutte pour la démocratie et le socialisme, notre boussole a toujours été l’Union soviétique et l’expérience du Parti bolchevique qui – comme l’a rappelé notre camarade Carrillo – a été le premier, sous la direction de Lénine, à organiser et à diriger la première révolution socialiste triomphante et le premier État socialiste au monde, brisant le front de l’impérialisme sans aucune possibilité de reconstruction, ouvrant à l’humanité la voie du socialisme.

Et c’est l’existence du grand pays soviétique, la fermeté et l’héroïsme du peuple soviétique, dirigé par le Parti communiste, qui ont rendu possible la défaite de l’hitlérisme lors de la Seconde Guerre mondiale, l’effondrement de la puissance coloniale de l’impérialisme, l’établissement du socialisme dans divers pays européens, et la transformation des pays d’Asie et d’Afrique de réserves de l’impérialisme en pays démocratiques ouverts à la transformation socialiste.

Et c’est précisément ce très large développement du socialisme, qui embrasse maintenant un tiers du monde et qui imprègne toute la vie politique et sociale de notre époque, qui conduit même des hommes et des forces politiques qui apparaissaient auparavant aux antipodes du socialisme à en parler.

Aujourd’hui, nous luttons en Espagne pour l’établissement d’un régime démocratique que la victoire de la réaction fasciste a écrasé dans le sang en 1939.

Et à ceux qui parlent de l’échec du socialisme, ne voyant que les difficultés et même les erreurs qui apparaissent dans le développement de la société socialiste, nous devons leur rappeler qu’aucun régime social ne naît, comme le Christ, sans briser et souiller la virginité de sa mère.

Et à ceux qui croient que le socialisme peut être établi selon le critère biblique de la création du monde en six jours et se reposer ensuite pendant toute une vie, nous disons qu’ils font fausse route.

Que le socialisme ne peut être établi que par l’effort et la lutte, non seulement contre les ennemis du socialisme, mais en lutte contre nos propres conceptions subjectives et contre les restes de l’idéologie bourgeoise ancrés dans notre conscience et qui sortent leurs griffes ou leur museau à la moindre difficulté.

Ni Marx ni Lénine n’ont jamais prétendu nous donner une formule complète de recettes pour résoudre tous les conflits sociaux présents à chaque moment du développement historique de chaque pays et de chaque peuple. Marx n’a rien fait de moins que de remettre l’histoire sur ses pieds, en brisant les conceptions idéalistes du développement de la société humaine.

Il a montré que l’ensemble des rapports de production constitue la structure économique de la société, sa base réelle, sur laquelle se construisent les superstructures juridiques et politiques et à laquelle correspondent certaines formes de conscience sociale.

Marx a montré que le mode de production de la vie matérielle conditionne le processus de la vie sociale, politique et spirituelle.

Et que, par conséquent, ce n’est pas la conscience de l’homme qui détermine son être social, mais, au contraire, son être social, c’est-à-dire ce qu’il est en société, qui détermine sa conscience.

Car il est évident que le travailleur agricole ne pense pas de la même manière que le grand propriétaire terrien ; ni l’ouvrier métallurgiste, qui se brûle les poumons dans la bouche d’un haut fourneau, que l’actionnaire de l’entreprise qui s’enrichit en exploitant des milliers de travailleurs.

Marx a montré qu’en atteignant un certain stade de développement, les forces productives matérielles de la société se heurtent aux rapports de production existants ou, ce qui n’en est que l’expression juridique, aux rapports de propriété dans lesquels elles se sont développées jusqu’alors. C’est ainsi que commence l’ère de la révolution sociale. En changeant la base économique, on révolutionne plus ou moins rapidement l’ensemble de l’immense superstructure érigée sur celle-ci.

Nous éprouvons cette vérité marxiste quotidiennement dans toute la vie qui nous entoure.

Ce que nous ne comprenons pas toujours, et donc ce que nous reprochons au marxisme là où il n’a pas sa place, c’est que si la base économique de la société change rapidement avec la révolution socialiste, la conscience des hommes ne change pas aussi rapidement.

Je soutiens sans réserve la politique d’alliances prônée par notre Parti, à l’élaboration de laquelle j’ai participé, car je crois qu’elle correspond à la situation spécifique de notre pays. Et parce qu’elle est basée sur des principes léninistes incontestables.

Nous n’oublions pas un seul instant les paroles de Lénine selon lesquelles le socialisme ne peut être atteint que par la démocratie.

Et que la lutte pour des transformations démocratiques profondes peut conduire à la formation d’un État démocratique révolutionnaire – et notre expérience de 1936 à 1939 le confirme – dans lequel les fondements du pouvoir des oligarchies et des monopoles sont brisés.

Dans les conditions de notre pays, la victoire des forces démocratiques ne sera pas un simple retour à 1931, ni à 1936. Ce sera le triomphe d’une nouvelle démocratie, ouverte à tous les progrès et soutenue par les forces jeunes qui ne se résignent pas à vivre à l’ancienne et qui sont appelées à jouer un rôle décisif dans les inévitables transformations démocratiques et socialistes de notre pays.

Ayant refermé cette parenthèse de réaffirmation de nos principes marxistes-léninistes et de notre politique d’alliances, je voudrais revenir au thème central de mon discours, le problème national, en rappelant quelques unes des vicissitudes que la solution de cette question a connues avec la République. Il faut en tenir compte lorsqu’il s’agit de trouver une solution et d’éviter la répétition ennuyeuse et peu convaincante des erreurs commises à l’époque.

La proclamation de la République et la prédominance dans le gouvernement des forces qui avaient pris le pouvoir – la petite bourgeoisie, ainsi que le parti socialiste – ne suscitaient pas trop d’illusions quant à la possibilité d’une solution équitable du problème national, compte tenu de l’hostilité invétérée du parti socialiste en raison de son incompréhension du mouvement national.

Puisque la République, selon ses panégyristes, “garantissait” la liberté politique à tous les Espagnols, le nationalisme catalan et basque a perdu toute raison d’exister.

Mais comme il n’est pas possible de cacher une allène dans un sac vide, ni de penser qu’avec l’octroi d’une soi-disant liberté politique bien encadrée et articulée, tous les problèmes politiques étaient résolus et que l’Espagne pouvait être considérée comme un pays sans problèmes, l’allène du nationalisme centraliste a commencé à planter sa pointe acérée dans le sac républicain.

L’Esquerra Republicana de Catalunya, dont les membres avaient participé au pacte de Saint-Sébastien et à l’organisation des élections qui ont renversé la monarchie d’Alphonse XIII, fait pression sur ses anciens amis et alliés républicains pour qu’ils accordent l’autonomie à la Catalogne, qui ne s’estimera satisfaite que lorsqu’elle aura son statut.

Lorsque la Constitution républicaine a été promulguée par les Cours constituantes en décembre 1931, dont l’article 8 répondait aux aspirations des forces démocratiques-bourgeoises de Catalogne, les provinces catalanes ont accepté de s’organiser en région autonome afin de former un noyau politico-administratif au sein de l’État espagnol, en s’appuyant sur l’article 11 de la Constitution, qui stipulait : ” Si une ou plusieurs provinces limitrophes ayant des caractéristiques historiques, culturelles et économiques communes conviennent de s’organiser en une région autonome, afin de former un noyau politico-administratif de l’État espagnol, elles présenteront leur statut conformément aux dispositions de l’article 12. ” ” Une fois le statut approuvé, il sera la loi fondamentale de l’organisation politico-administrative de la région autonome et l’État espagnol le reconnaîtra et le protégera comme partie intégrante de son ordre juridique “.

Le statut de la Catalogne est débattu au Parlement pendant plusieurs mois et finalement, après d’âpres débats dus à la résistance des députés de droite, il est adopté comme loi en septembre 1932. La Catalogne obtient son autonomie ; elle prend le nom de Generalitat, comme au Moyen Âge, et dispose de son propre gouvernement et parlement. Dans le reste de l’Espagne, de nombreuses forces s’opposent à l’octroi du statut. Parmi eux, l’oligarchie, une partie de l’armée et la bourgeoisie non catalane.

La validité du statut a été éphémère et avec de grandes éclipses jusqu’en 1939. Dès 1934, deux ans après son entrée en vigueur, le statut est non seulement suspendu par le gouvernement réactionnaire de Lerroux et la CEDA, de plus, le gouvernement de la Generalitat est emprisonné sans aucun égard pour son autorité et sa représentativité.

Les faits ont fourni une grande leçon politique. Celle de montrer que la liberté de la Catalogne, ou de toute autre nationalité ou région, ne dépend pas tant de ses propres institutions que de l’état général de la situation politique en Espagne.

En 1936, avec la victoire du Front populaire, la Catalogne a de nouveau reçu ses pleins droits autonomes, jusqu’au déclenchement du soulèvement franquiste et de la guerre qui a suivi, au cours de laquelle, plus d’une fois, pour les nécessités de la lutte, ces droits ont été restreints.

En tout cas, l’octroi du Statut à la Catalogne a été important, plus que pour les libertés et les droits qu’il accordait au peuple catalan, pour la reconnaissance du fait différentiel, qui dans l’ordre politique d’hier était décisif et qui aujourd’hui constitue un précédent.

Mais la République a été excessivement timide pour s’attaquer au problème national.

La peur du fantasme séparatiste a fermé la voie à une restructuration politico-administrative de l’Espagne qu’exigeait impérativement l’héritage reçu de la monarchie.

L’œuvre transformatrice que la République aurait pu réaliser mais n’a pas fait, a facilité le développement débridé de la réaction contre elle.

Le Pays basque n’a obtenu le statut, comme je l’ai déjà rappelé, qu’au milieu de la guerre, alors qu’il était si difficile pour le gouvernement et le peuple basques de mettre en pratique les droits que le statut leur accordait. Mais le fait est là qui n’a pas expiré, et qui doit être le point de départ de la future structuration de l’Espagne et d’Euzkadi.

Il en va de même pour la Galice qui, en raison des conditions dans lesquelles elle s’est trouvée pendant la guerre, a vu l’octroi du statut reporté.

Il y a ceux, même à gauche, qui pensent que l’octroi des statuts a empêché la consolidation de la République. Ces hommes confondent les problèmes et soutiennent que ce qui importait à l’époque était la consolidation de la République et non l’octroi de statuts.

Dans l’abstrait, cela peut sembler très judicieux. Mais ce qui est au cœur d’une telle déclaration, c’est la négation de l’existence du problème national et de la nécessité de le résoudre.

Il est faux de voir la cause du destin tragique de la République dans l’octroi du statut à la Catalogne. Ce qu’il faut examiner, pour ne pas commettre les mêmes erreurs à l’avenir, c’est toute la politique des gouvernements républicains de 1931 à 1936, tant à l’égard de la classe ouvrière, des paysans, de l’armée que de l’Église.

Ce qui a affaibli la République n’est pas l’octroi du statut de la Catalogne, mais l’indulgence des gouvernements républicains-socialistes envers la réaction, qui s’est révoltée en août 1932, avant l’approbation du statut (septembre de la même année) et qui a conspiré en permanence contre la République, jusqu’au soulèvement de juillet 1936.

La résistance socialiste à l’octroi du statut à la Catalogne et à l’acceptation de l’existence du problème national est bien connue.

Le gouvernement provisoire de la République”, est-il écrit dans “El Socialista”, l’organe du Parti socialiste ouvrier espagnol, le 26 décembre 31, “n’a jamais qualifié la République de fédérale, ni autorisé quiconque à la qualifier ainsi, ni donné son aval aux proclamations des présidents des Républiques catalanes”.

Un mois plus tard, et montrant sa méfiance envers le gouvernement catalan, le même journal affirme :

“…que la Generalitat, et les groupes politiques catalans dans le régime des Associations et réunions dans l’ordre public, dans le régime municipal, &c., pour quelque raison que ce soit, offrent peu de garanties pour mener à bien avec sérénité et esprit de justice ces attributions…”.

En ce qui concerne la Galice, les socialistes, qui étaient la force la plus influente dans les premiers gouvernements républicains, ont maintenu une approche impolitique, réactionnaire et incompréhensible pour justifier leur résistance à l’octroi du statut d’autonomie à la Galice.

“C’est, disaient-ils, une région qui a longtemps été submergée dans une grisaille morbide et léthargique due à un analphabétisme sans pareil, et pour cette raison la Galice n’est ni préparée ni mûre pour le contexte régionaliste”. El Socialista, 17-I-32.

En faisant ces affirmations, ils oubliaient que la responsabilité historique et politique de la situation dans laquelle vivait le peuple galicien incombait entièrement aux castes dominantes de la politique espagnole.

Et que, précisément, la République dirigée par les socialistes et les républicains démocratiques aurait dû aider la Galice à se transformer en une région industrielle, pour laquelle – étant donné sa richesse naturelle – elle avait toutes les possibilités, en s’appuyant sur la classe ouvrière galicienne, ses paysans et toutes les forces démocratiques de Galice.

Logiquement, le premier pas dans cette direction était l’octroi du statut, qui servirait à revitaliser et à développer toutes les possibilités agricoles et industrielles qui existent en Galice.

Avec la victoire du Front populaire en 1936, la Galice a pu, en juin de la même année, voter le statut qui, comme nous l’avons déjà dit, était soutenu par la majorité du peuple galicien.

La même attitude a été maintenue envers Euzkadi jusqu’en 1936. Le soulèvement de Franco a entraîné un changement positif de nombreuses idées et attitudes anciennes, y compris celles des socialistes et des républicains à l’égard du mouvement national en Catalogne, en Euzkadi et en Galice.

Depuis lors, beaucoup d’eau et de sang ont coulé sous les ponts de notre pays, et aujourd’hui, bien que des malentendus subsistent, les idées sur le problème national sont plus claires et plus positives que par le passé.

Dans une enquête intéressante réalisée par le journaliste et écrivain Sergio Vilar, auprès d’hommes représentatifs de la Catalogne, de l’Euzkadi, de la Galice, de l’Andalousie et de la Castille, appartenant à différentes formations politiques, il apparaît clairement le chemin parcouru depuis 1936 jusqu’à aujourd’hui dans la compréhension de la nécessité de reconnaître, avec toutes ses conséquences, la personnalité nationale des nationalités de notre pays.

A la question qui est au cœur de l’enquête : “Pensez-vous qu’il soit opportun d’établir une République fédérale (ou une monarchie constitutionnelle qui tienne compte de ce problème) ou de restructurer l’État sur la base de régions autonomes et avec des formules associatives, avec la corrélation de la décentralisation et avec des considérations égales pour tous les États de la Fédération ou des régions autonomes ? la plupart des personnes consultées, y compris des personnalités appartenant à diverses formations ou courants politiques, sont favorables à la reconnaissance des droits des nationalités péninsulaires et au fédéralisme.

Des Catalans tels que Miguel Coll y Alentorn, Juan Coromines, Jordi Pujol, Juan B. Cendrós, José Mª Vilaseca Mar- cet, Heribert Barrera, José Mª Castellet et Manuel Jiménez de Parga interviennent en faveur de la Fédération.

Des Basques célèbres comme Carlos Santamaría, Antonio Menchaca et d’autres, comme les Catalans, pensent que la Fédération serait la meilleure façon de structurer l’Espagne du futur.

Francisco F. del Riego, Ramón Piñeiro et Domingo García Sabell, considèrent que la meilleure solution est l’établissement d’une république fédérale.

Une opinion digne d’intérêt est celle de José Mª Gil Robles, qui, bien qu’il ne soit pas partisan du fédéralisme, considère que :

“L’échec du centralisme absorbant et stérile est un fait incontestable. Si nous partons d’une réalité nationale complète dans laquelle coexistent, en vertu d’un processus volontaire d’unification, différents peuples, avec des particularités historiques et géographiques bien définies, avec des traditions, des coutumes, une langue et une histoire propres, avec une législation et un gouvernement particuliers jusqu’à une époque récente, il est difficile de concevoir que la structure de l’État en Espagne puisse ignorer cette puissante réalité à l’avenir”.

Sans entrer dans les variantes des opinions des personnes consultées, il ne fait aucun doute que le sentiment général est favorable à la modification des structures de l’État et à la viabilisation de l’entente et de la compréhension entre tous les peuples d’Espagne.

Le concept unitariste de centralisation nationale, initié par la révolution française face à la domination de l’aristocratie féodale et du clergé, est aujourd’hui dépassé.

Quand le socialisme triomphant dans une grande partie du monde montre aux peuples leur avenir, vivre en phase avec son temps est une nécessité pour les hommes et les forces politiques ayant le sens des réalités.

Vouloir freiner le développement historique de l’Espagne, la soumettre à des structures archaïques ou inopérantes, c’est vivre en regardant vers un passé qui ne reviendra jamais ; c’est courir le risque d’être emporté par le torrent inarrêtable des peuples en marche vers l’avenir de la justice, de la démocratie, de la paix et du socialisme.

Le Parti communiste propose – comme le camarade Santiago Carrillo l’a présenté dans son rapport – comme objectif démocratique immédiat le rétablissement des statuts approuvés par les peuples de Catalogne, d’Euzkadi et de Galice avant la guerre civile comme cadre juridique provisoire pendant que se réalise la structuration démocratique et fédérale de l’État espagnol.

De tels statuts serviront surtout de plate-forme politique pour l’émergence, comme émanation de la lutte et de l’unité antifranquistes, d’organes unitaires d’autogestion de ces nations, dont l’existence et l’activité pourraient constituer une contribution importante à une solution ultérieure du problème national de l’autodétermination.

A quoi ressemblera l’Espagne de demain dans laquelle tous les peuples pourront, en ayant le droit d’être entendus, avoir leur mot à dire et déterminer leur destin ?

C’est sur cette question que sont appelés à se prononcer non seulement les nationalités concernées, mais tous les peuples d’Espagne, qui veulent mettre fin à la domination des propriétaires terriens féodaux, des monopoles et des financiers sans patrie ni conscience.

Et ce sera d’une manière toute spéciale la classe ouvrière, qui est la même en Catalogne qu’en Euzkadi, en Andalousie qu’en Castille, à Valence qu’en Estrémadure, dans les Asturies et à Léon qu’en Galice, qui, avec nos paysans, les intellectuels, la jeunesse étudiante et toutes les forces démocratiques, faisant sienne la revendication révolutionnaire démocratique du droit des peuples à disposer d’eux-mêmes, la fera triompher de l’Espagne réactionnaire, des castes coupables du retard de l’Espagne ; ouvrant la voie à une Espagne démocratique, unie dans la diversité, en marche vers le socialisme, pour lequel nous avons lutté et pour lequel tant de nos meilleurs hommes ont sacrifié leur liberté et leur vie.


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